La marque employeur : le nouvel eldorado des agences créatives ?

06 juin 2024

5min

La marque employeur : le nouvel eldorado des agences créatives ?
auteur.e
Alix Mardon

Journaliste

contributeur.e

On ne présente plus la marque employeur. Levier incontournable d’attraction et de rétention des talents, elle est devenue LA préoccupation des entreprises. Pour la définir et l’entretenir, celles-ci font parfois appel à des agences spécialisées…

Si la notion de marque employeur s’est énormément développée ces dernières années, le marché qui s’est construit autour d’elle a pris la même ampleur. Aujourd’hui, les entreprises ont compris que leur force d’attraction et de rétention des talents résidait dans l’incarnation de leurs valeurs et dans leur culture du travail. Bien qu’elles fassent a priori partie de l’ADN de la boîte, il n’est pas toujours facile de les définir. Face à ce constat, de nombreuses agences créatives se sont positionnées et proposent d’aider les entreprises à déployer leur marque employeur. Marie Beauchesne, consultante et créatrice de Brand Me Baby, et Camille Travers, directrice marque employeur pour RecOps, nous en disent plus sur ce marché en plein boom.

« Aujourd’hui, la marque employeur est un sujet central »

« Quand j’étais encore étudiante, il y a douze ans, nous avions des cours de communication corporate qui incluaient déjà les enjeux de marque employeur. Mais c’était plutôt une sous-branche, se souvient Marie Beauchesne. Aujourd’hui, elle est un sujet central. » Selon l’experte, ce coup de projecteur est notamment le fruit de la crise du Covid. Cette période où se sont enchaînés les confinements a laissé la place aux salariés de s’interroger sur leur rapport au travail et leurs attentes en la matière. Fini les candidats qui se bousculent pour un job à n’importe quel prix ! Les entreprises se sont trouvées dans une posture inédite où elles étaient en demande de nouveaux talents, mais n’avaient plus l’avantage, particulièrement dans les secteurs en tension. Quelques années plus tard, c’est toujours le cas : « Il y a un mercato pas possible autour des développeurs, et plus globalement autour des métiers dits “de demain”. Ce sont des populations que l’on a du mal à recruter car ces profils sont pénuriques. Et les entreprises traditionnelles se sont rendu compte qu’elles n’avaient pas “l’aura naturelle” suffisante pour les attirer. » S’il paraît plus « cool » de travailler pour les GAFAM ou au sein d’une start-up licorne, les acteurs plus classiques peuvent soigner leur marque employeur pour entrer dans la compétition de l’attractivité. Mais par où commencer ?

Le rôle de l’agence créative : de la compréhension interne à la promotion externe

C’est là que les agences de marque employeur font leur entrée ! Elles ont pour vocation d’élargir le sujet pour en faire un outil stratégique à quatre dimensions : la communication, le marketing, les outils et la data. « On va actionner l’ensemble de ces domaines pour pouvoir créer une marque employeur authentique et pérenne, et pas seulement pour faire une campagne de communication pour recruter. C’est une vision plus stratégique avec un enjeu de long terme, explique Camille Travers. Il s’agit de comprendre le fonctionnement profond de l’entreprise pour créer son identité et définir sa promesse. »
Comment s’y prennent les agences ? Elles interviewent les collaborateurs, les anciens salariés et les candidats pour avoir une vision du vécu de la proposition de l’entreprise, au-delà du point de vue exclusif de la direction. « C’est grâce à ces persona que nous pouvons ensuite travailler sur la promotion et donc passer au côté marketing. La base est vaste car ces audits permettent d’avoir des profils de candidats répertoriés par expérience, mais pas que ! On peut très bien se focaliser sur des profils de candidats répertoriés par rapport à leur connaissance du secteur par exemple. La compréhension de tous ces persona nous permet ensuite d’établir des messages appropriés pour que chacun saisisse la proposition de l’entreprise. » Cette analyse porte ses fruits en externe, mais permet également d’accompagner l’entreprise en interne. En effet, la proposition faite aux candidats doit s’appliquer dans ses propres rangs.

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La marque employeur peut-elle être authentique si elle est créée ?

Dans cette course à l’attractivité, on peut s’interroger sur l’authenticité de la marque employeur. Attention à l’uniformisation des valeurs des entreprises ! Il faut savoir être lucide et honnête dans l’élaboration de son identité. « On peut poser la question de l’authenticité lorsque l’on rencontre ce que j’appelle “l’authenticité copiée-collée”. Comme par hasard, au sein d’une même entreprise, les structures de posts LinkedIn sont les mêmes : une accroche similaire, le saut de ligne qui va bien, l’emoji au bon endroit, le cliffhanger, etc. Une marque employeur authentique laisse la place à la personnalité de l’individu, tant sur le fond de sa pensée que dans la forme d’expression », alerte Marie Beauchesne.

« Il faut également faire attention à la starification des patrons qui encourage la création de personnages, poursuit l’experte. Qui dit personnage, dit que l’on s’écarte de la réalité pour construire une image. C’est ce que l’on veut éviter, notamment quand on met en place des programmes d’ambassadorat. » Pour la consultante, c’est uniquement dans cette optique que la marque employeur devient « gagnant-gagnant » : si les salariés parlent de leur métier et de leur projet, cela rejaillit sur l’entreprise, tout en leur permettant de se rendre visible auprès de l’organisation. Il ne faut donc pas tomber dans le piège de la marchandisation ni du formatage des employés. Passer de l’option à l’injonction fait perdre toute valeur.

« Les entreprises qui travaillent leur marque employeur assument ce qu’elles sont »

Aujourd’hui, la marque employeur peut être perçue par les entreprises comme une histoire de communication : se valoriser et faire un beau site carrière. Elles ne prennent pas toujours conscience de l’importance de créer des parcours collaborateurs, sources d’enthousiasme en interne, pour que la marque employeur se développe plus naturellement. « Certaines entreprises n’ont pas la maturité nécessaire pour être dans une introspection. Cela dépend de la posture de la direction et des ressources humaines. Il y a des organisations qui sont incapables de s’ouvrir et d’accepter que quelqu’un aille parler avec leurs collaborateurs et entende ce qu’ils pensent réellement. C’est pourtant toute la démarche de la marque employeur », illustre Camille Travers. Face à un besoin de recruter, ces entreprises choisissent alors de se tourner uniquement vers la communication pour ne pas se confronter à une véritable introspection. Elles entrent alors dans des schémas récurrents et plombent la diversité de propositions que pourraient créer de véritables process de marque employeur. « Ces boîtes oublient que si la marque employeur permet de développer la notoriété et l’attractivité, c’est parce que les entreprises qui travaillent sur le sujet assument ce qu’elles sont. Elles travaillent avec leur réelle identité ! », conclut l’experte.

Un marché d’avenir ?

Si la marque employeur est présente dans tous les esprits, son avenir n’est pas nécessairement pérenne. Le marché qui en découle est en effet fluctuant car il est indexé sur la santé de l’économie au global. Croissance, décroissance et autres taux de chômage sont autant de facteurs qui ont une incidence directe sur lui. « Le fait de faire appel à des agences pour investir dans sa marque employeur, et donc sa réputation, pourrait ralentir ou s’arrêter si demain le chômage explose et que les entreprises n’ont plus aucun mal à recruter, analyse Marie Beauchesne. Les entreprises n’auraient plus besoin de mettre autant d’argent dans ce type de programmes. En revanche, sur la nécessité d’incarner l’organisation et d’avoir une plus grande proximité en passant par les individus, je doute qu’il y ait un retour en arrière car cela fait écho à un besoin de confiance, de sens. Et ça, c’est une tendance de fond ! »


Article rédigé par Alix Mardon, édité par Ariane Picoche, photo Thomas Decamps pour WTTJ

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