« Bare minimum monday » : et si on reprenait la semaine en douceur ?

17 avr. 2023

4min

« Bare minimum monday » : et si on reprenait la semaine en douceur ?
auteur.e
Pauline Allione

Journaliste independante.

Le réveil du lundi matin, puis le rythme du boulot qui se met brutalement en branle, laissent parfois la sensation douloureuse d’un train qui roule sur notre cerveau à peine réveillé. Aussi, pour certains, fin du week-end rime avec stress, angoisse et appréhension. Le « lundi minimum », ou « bare minimum monday » vise à rendre nos lundis plus doux grâce à un rythme de croisière qui ne prend en compte que les tâches prioritaires. Focus sur une tendance venue d’outre-Atlantique qui repose sur un principe simple : faire le strict minimum… le lundi.

« Le lundi est une journée assez chargée, on a des réunions d’équipe assez longues et j’avais aussi un point hebdomadaire avec ma N+1. Il me restait finalement peu de temps pour d’autres tâches, alors quand j’arrivais le matin et que je voyais ma to-do list, un sentiment d’urgence s’emparait de moi, je voulais tout boucler le jour même », retrace Gaëlle, rédactrice dans une agence parisienne. Pour rendre ses lundis plus digestes et ne pas se surcharger à peine sortie du week-end, celle-ci a opté pour une réorganisation de son emploi du temps : désormais, ses lundis ne sont consacrés qu’aux tâches essentielles. Et ce jour-là, elle quitte le bureau à 18h au lieu de 19 voire 20h le reste de la semaine.

Malaise au travail

Sans le savoir, Gaëlle a adopté une tendance récemment mise en avant sur TikTok par Marisa Jo Mayes, une jeune femme états-unienne. Après un burn-out, la TikTokeuse expérimente ce qu’elle appelle le “bare minimum monday” (BMM pour les intimes) ou l’art d’en faire le moins possible le lundi pour s’éviter anxiété et frustration à peine le week-end terminé. Les principes sont simples : définir les tâches minimales à effectuer, s’occuper uniquement de cette to-do list réduite et faire des choses qui nous font nous sentir bien.

Certes, cette organisation alternative prend des airs de trends TikTok et d’énième tendance sur le lieu de travail. Elle révèle néanmoins un vrai besoin des jeunes générations : s’émanciper de la semaine de 35h et de l’injonction à la surproductivité pour inventer une culture du travail plus viable et plus agréable, et qui ne menace pas la santé mentale des salariés. Fin 2022, un sondage IFOP révélait ainsi que 37% des Français interrogés étaient concernés par le “quiet quitting”, tandis que 47% font « juste ce qu’il faut » au travail.

Comme l’inventrice de l’expression BMM, c’est après un burn-out que Yannis Sioudan, attaché de presse, a décidé de la jouer cool le lundi. « L’année dernière j’ai énormément travaillé, et j’en suis arrivé à stade où mes missions ne m’intéressaient plus, ma motivation avait complètement chuté, mon corps ne suivait plus et je n’avais plus le temps pour une vie sociale » retrace-t-il.

Chill comme Garfield

Jour de transition entre le week-end et la semaine de travail, le lundi est l’emblème de la reprise et peut s’avérer décourageant par sa brutalité. Aux États-Unis, un sondage YouGovAmerica mené en 2021 dévoilait un classement des jours de la semaine les plus et les moins aimés des Américains. Sans surprise, le lundi remporte la palme du jour le moins apprécié avec 58% des votes. C’est sans doute pour ces raisons que certains ont jeté leur dévolu sur cette journée.

Gaëlle a ainsi apporté plusieurs changements à ses lundis, rien que dans sa manière d’envisager sa charge de travail : « Maintenant, il s’agit plus d’une journée de remise en route où je ne me mets pas la pression pour essayer de tout gérer à peine un pied posé au bureau. Je me mets sur les sujets prioritaires et le reste attendra. » Avec l’accord de sa manager, la Parisienne a aussi déplacé son point hebdomadaire avec elle au milieu de semaine, pour une question de bien-être et de productivité. « Je vivais presque nos réunions comme une agression parce qu’à peine arrivée, elle me sondait sur des dossiers que je n’avais pas eu le temps de regarder. Je trouvais ça étouffant et peu productif, donc je lui ai proposé de faire ça un autre jour. Depuis, mes lundis sont allégés, je peux aborder ma semaine l’esprit tranquille et nos points se passent beaucoup mieux, ça a tout changé. »

De son côté, Yannis a également opté pour une formule allégée le lundi : les notifications sur son téléphone sont off, il ne s’attèle qu’aux tâches réellement importantes et prend le temps de se remettre dans le bain… à son rythme. « J’attaque doucement ma semaine et je commence par travailler parce que mon cerveau est frais avant de ralentir le rythme : ensuite, je reprends mes dossiers, je prépare ma to-do list, qui est toujours courte et réalisable, et je fais du réseautage. Un peu comme les journalistes en conférence de rédaction, le lundi je prends le temps d’étaler mes tâches sur la semaine et de définir mes objectifs avant de quitter le bureau à 17h, au lieu de 19h habituellement. C’est ma façon de traverser cette course d’endurance qu’est la semaine. »

Moins travailler pour travailler mieux

Loin d’impacter la productivité des adeptes du « lundi minimum », ces ajustements semblent au contraire avoir des effets bénéfiques. Sur la santé mentale d’abord, puisque la pression est évacuée ou à minima, mieux gérée. « Je suis moins stressé, j’arrive à compartimenter mon travail et à accepter le fait que je ne peux pas tout faire d’une traite. Surtout, j’essaie toujours de trouver des moments pour moi : aller au cinéma, marcher, voir des amis… », relate Yannis. Dans son agence, Gaëlle arrive désormais le pas léger, en début de semaine : « Je me mets moins la pression le week-end et j’aborde mes lundis différemment. Ma charge de travail est bien plus raisonnable et si je n’arrive pas à tout faire, ce n’est pas grave. Ça m’a énormément détendue. »

Au regard de l’enquête de chercheurs de Cambridge, Oxford et Boston sur la semaine de quatre jours expérimentée par quelque 3000 salariés en Angleterre durant six mois et qui a mené à une baisse du stress pour un chiffre d’affaire identique, le « lundi minimum » peut également oeuvrer à une nouvelle relation des salariés à leur travail et à une organisation plus efficiente et moins oppressante. Et si s’inspirer de TikTok et mettre en place des stratégies et outils pour mieux vivre au travail nécessite de prendre des airs de Garfield, ce n’est qu’un moindre dommage collatéral. Mais à l’instar de Gaëlle, qui a déplacé sa réunion avec sa manager en milieu de semaine, communiquer avec ses supérieurs sur ses difficultés et ressentis peut également être une manière saine et sans doute plus pérenne de trouver une meilleure organisation temporelle et de souffler un peu.

Article édité par Gabrielle Tremblay, photo Thomas Decamps pour WTTJ

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