Les 4 pièges du feedback

13 mai 2019

5min

Les 4 pièges du feedback
auteur.e
Solenne Faure

Rédactrice

La question de la transparence pour les marques employeurs est sur toutes les lèvres. Elle répond en effet à une exigence forte des candidat.e.s et salarié.e.s désireux.ses de trouver une continuité entre l’image projetée et la réalité. Et à ce petit jeu, les entreprises ont encore des progrès à faire : à l’échelle internationale, seuls 19% des employé.e.s voient une adéquation entre leur expérience et ce qu’on leur a décrit au moment du recrutement. Et pour répondre à cet enjeu, un levier semble largement reconnu : la culture du feedback.

Le feedback aiderait à la fluidité des relations, à l’implication des équipes et à la montée en compétences. Réussir à se dire les choses en toute franchise pour aller tous ensemble dans une logique d’amélioration. Beau programme.

Mais en est-on si sûr ? Le feedback est-il toujours bénéfique en entreprise ? Dans cet article, nous revenons sur une notion trop souvent prise pour argent comptant.

Le feedback, c’est quoi ?

Le concept de « feedback » renvoie à l’idée de « transmettre un retour à une personne sur ses actes. » L’objectif étant d’agir sur ses prochaines actions : proposer de poursuivre sur le même principe, optimiser ou drastiquement changer.

Comme son nom anglophone l’indique, il est intéressant de l’appréhender comme de la nourriture : pour à la fois permettre de faire le point sur des actions passées mais surtout de mieux engager le présent et le futur. Un feedback se doit donc d’être constructif. Il ne peut s’arrêter à une simple évaluation mais doit être présenté et réalisé dans une logique de mise en action concrète.

Des limites identifiées ? Loin de tout remettre en cause, et en nous appuyant sur les interrogations abordées dans la Harvard Business Review, nous avons plutôt eu envie de questionner cette pratique et d’en identifier ses limites. Et de voir comment les dépasser.

Le premier risque ? Un jugement humain reste toujours subjectif

Si l’on pense que le/la salarié.e lui/elle-même peut parfois manquer de recul sur une situation donnée puisque trop impliqué.e, il en est en fait de même du côté du manager. En effet, dès qu’il s’agit d’un sujet qui traite d’humain, chacun est investi. Le feedback en dit aussi long sur le jugé que le jugeur. D’autant que le manager peut également être éloigné du terrain et manquer de réalisme dans son retour.

Pour résumer, impossible de donner un feedback neutre sur une situation humaine. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse comme dans un QCM. Il y aura forcément de la subjectivité et il est difficile de la dépasser. Ce que vous jugez bon ou mauvais… un autre l’évaluera différemment.

La solution ? Si beaucoup de choses ont été dites sur la capacité à bien recevoir un feedback, les formations à destination des managers se font plus rares. Pourtant, il suffirait de bien rappeler à tous les juges d’un travail, qu’ils sont dans une logique subjective et personnelle. Et les inviter par là-même à une prise de recul. Parce que nous sommes par essence des êtres orientés, par nos fonctions, notre vision, nos méthodes de travail… mais aussi nos affinités et nos expériences marquantes. Et les encourager ainsi à terminer par exemple leurs phrases par un « pour moi ». Une méthode simple, qui permettrait aux salarié.e.s de prendre justement les retours comme des propositions et non pas comme des vérités absolues, qui peuvent s’avérer contre-productives.

Le feedback est forcément subjectif. Le préciser (« selon moi », « à mes yeux »…) permet aux salarié.e.s de prendre les retours comme des propositions et non comme des vérités absolues, qui peuvent s’avérer contre-productives. 

Autre risque ? Brider l’esprit d’initiatives et l’envie de faire à sa façon

Le feedback peut donner rapidement un statut de « sachant » au manager : comme s’il/elle avait la solution, le retour est, dans les faits, très orienté sur lui/elle. Et finalement peu sur le/la salarié.e et les compétences qu’il/elle peut mobiliser ou acquérir. De plus, en imposant par son retour un cadre de travail trop strict, le risque est de bloquer la prise d’initiatives du collaborateur ou de la collaboratrice. En effet, celui-ci ou celle-ci peut sentir qu’il/elle n’a pas vraiment son avis à donner face à une situation de travail. Fixer des règles, aiguiller vers un cheminement, oui… mais attention à ne pas créer une forme de lassitude et une relation trop déséquilibrée. Il s’agit donc de bien garder en tête l’objectif du feedback : faire progresser mais ne jamais juger pour juger. D’autant plus que les retours peuvent être utiles mais potentiellement pas ou peu adaptés au contexte réel. Un manager s’éloigne bien souvent de la réalité terrain.

Alors pourquoi ne pas laisser le collaborateur ou la collaboratrice maître de son propre feedback ? Qui mieux que lui/elle pour juger d’une situation et de son état d’esprit face à un problème donné ? Plus qu’une note, c’est surtout évaluer son ressenti et voir comment l’aider à optimiser, changer ou perdurer une stratégie. Comme proposé dans cetarticle, l’idée peut être simple : quand un médecin demande à un patient, sur une échelle de 1 à 10, comment il se sent, l’idée n’est pas de juger de son retour mais bien de mettre une évaluation sur un ressenti personnel. Peu importe le niveau de départ, ce qui compte, c’est la perception de la situation. Une proposition qui peut permettre clairement de redonner un rôle clair au collaborateur ou à la collaboratrice et de lui laisser un espace d’expression entendu et utile.

Ce qui compte, c’est la perception de la situation.

Troisième risque : adresser un feedback trop générique et négatif

Nous l’avons déjà évoqué : les managers ne sont pas toujours bien formés à donner des feedbacks constructifs. Un des soucis fréquemment rencontrés ? Un retour trop générique, pas suffisamment adapté au/à la salarié.e et qui peut très vite prendre la forme d’un reproche. Mais bonne nouvelle, la solution existe : installer un process clair et régulier pour les retours. Pour avoir des temps clairement identifiés avec de vrais moments d’échange.

Le cabinet Davidson a imaginé quant à lui une applicationpour encourager les appréciations entre collaborateurs et collaboratrices. Pour un avis positif, le champ est libre. Pour un retour négatif, la personne sélectionne une phrase dans une liste. Mais attention, pour savoir ce que l’on dit sur soi… vous voilà contraint de donner des avis ! Un principe malin pour mettre un peu de jeu dans un process trop souvent désincarné.

Quatrième risque : mener le collaborateur ou la collaboratrice vers des compétences qu’il/elle n’a pas

Trop souvent perçu comme un moyen de mettre le doigt là où il y a des lacunes, le feedback peut très vite être assimilé à une menace pour le/la collaborateur/collaboratrice. Comme si on cherchait à démontrer par A + B qu’il/elle manque de compétences indispensables à la réussite de sa mission.

Le feedback devrait rappeler les forces de chacun et proposer un schéma, un cadre pour leur faire prendre de l’ampleur et révéler les talents et les aptitudes de chacun. 

Or, les recherches scientifiques sont claires : si le cerveau continue d’apprendre toute sa vie, le processus est néanmoins plus efficace dans l’approfondissement, la montée en compétences. Inutile donc de montrer le vide. Le feedback devrait plutôt rappeler les forces de chacun et proposer un schéma, un cadre pour leur faire prendre de l’ampleur et révéler les talents et les aptitudes de chacun. 

Pour conclure : Loin de vouloir le décrédibiliser, le concept de feedback est néanmoinsà prendre avec des pincettes. Parce qu’il traite d’humain et est donc par essence un sujet sensible, il mériterait d’être plus approfondi auprès des équipes managériales. Pour qu’il soit à la hauteur des attentes : aider à améliorer le travail des équipes et atteindre ses objectifs.

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Photo by WTTJ

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