Entretien d'embauche : 8 épreuves cachées qui peuvent vous piéger

24 mars 2022

8min

Entretien d'embauche : 8 épreuves cachées qui peuvent vous piéger
auteur.e
Paulina Jonquères d'Oriola

Journalist & Content Manager

Il y a celui qui mesure la fermeté de votre poignée de main, celle qui vous demande pourquoi vous portez un gilet rouge aujourd’hui ou encore ce recruteur qui vous propose un déjeuner imprévu. En entretien d’embauche, ces pratiques old school - au demeurant discutables – sont encore d’usage dans certaines entreprises. Leur objectif ? Déceler votre personnalité et vous déstabiliser pour jauger votre intelligence émotionnelle et relationnelle. Alors, si vous faites face à l’une de ces ruses, gardez la tête froide et suivez les conseils de nos recruteurs chevronnés, on passe en revue 8 épreuves cachées en entretien qui pourraient bien vous piéger…

Épreuve n°1 : La poignée de main

À quoi ça ressemble : Vous rencontrez pour la première fois votre recruteur.se « en vrai » et pas uniquement par écrans interposés. Celui-ci va vous saluer, et parfois, sans que vous le sachiez, jauger la fermeté de votre poignée de main. On vous le concède, cette pratique semble être d’un tout autre âge. Pourtant, Sylvain, consultant en recrutement, l’a observée en cabinet de recrutement.

Ce que le recruteur.se veut tester : « Dans mon cabinet, le recruteur notait PMM pour poignée de main molle, et PMF pour poignée de main ferme, avec tout l’imaginaire que cela comportait derrière », se souvient notre interlocuteur. En clair, la poignée de main molle cataloguait son protagoniste comme nonchalant, tandis que la poignée de main ferme symbolisait le jeune cadre dynamique avec un certain leadership.

Comment réagir ? La poignée de main forte semble être l’apanage du gagnant. Reste à savoir si nous avons vraiment envie de travailler dans une entreprise à la Jean-Claude ? Alors soyez libres d’être PMM ou PMF !

Épreuve n°2 : Souriez, vous allez être cuisiné.e

À quoi ça ressemble : Vous étiez parti.e pour un entretien tout ce qu’il y a de plus classique entre quatre murs blancs et un rétroprojecteur. Changement de programme : votre recruteur.se du jour vous propose d’aller petit-déjeuner ou déjeuner, au prétexte qu’il/elle n’a pas eu le temps de grignoter quoi que ce soit avant votre entretien. Autre cas de figure : votre recruteur.se vous a organisé un déjeuner avec les autres membres de l’équipe, souvent lors d’une phase finale de recrutement (la fameuse journée d’immersion).

Ce que le recruteur.se veut tester : « Tout dépend du contexte dans lequel ce déjeuner est proposé », prévient Marion Sterlin, fondatrice du cabinet Bloom& et spécialiste des ressources humaines. Dans le premier cas de figure, plus sympa, le déjeuner vise vraiment à vous découvrir de manière spontanée, et tester votre adéquation à l’esprit de l’entreprise. « Dans ce cas, le candidat est prévenu en amont et il ne s’agit pas d’un traquenard. Il peut se livrer de manière authentique », affirme Marion Sterlin. En revanche, un déjeuner surprise vise à tester votre réaction face à l’imprévu. Notons toutefois que dans les deux cas, il s’agit de vous voir évoluer dans un cadre informel, et jauger votre intelligence émotionnelle et relationnelle. Allez-vous réussir à demeurer professionnel.le ? Comment allez-vous interagir avec toutes les personnes que vous allez croiser (politesse avec les serveurs par exemple) ? Allez-vous choisir quelque chose de cher dans le menu ?

Comment réagir ? « Tout d’abord, n’oubliez jamais qu’aussi détendus soient vos interlocuteurs, il ne s’agit en aucun cas d’un déjeuner entre copains. Il faut toujours garder la bonne distance, tout en étant soi-même », lance Marion Sterlin qui concède la difficulté de l’exercice. Of course, on ne négocie pas son salaire la bouche pleine, et on lève son regard du steak tartare. Autre astuce : attendez de voir ce que commande votre recruteur pour vous caler sur le même type de menu (si vous optez directement pour le homard, cela risque de faire mauvais effet). Enfin, évitez l’alcool, même si votre interlocuteur en prend !

Épreuve n°3 : Bienvenue en absurdie

À quoi ça ressemble : Alors que vous êtes en train d’exposer votre dernier projet, votre recruteur se met tout à coup à vous poser une question qui n’a rien à voir avec la choucroute. « Pourquoi avez-vous mis ce pull rouge aujourd’hui ? », « Avez-vous des animaux de compagnie ? » Le recruteur peut également se mettre à vous poser des questions contradictoires.

Ce que le recruteur.se veut tester : Il est peu probable que votre recruteur teste votre fashion attitude sur le catwalk ou s’intéresse réellement à votre hypothétique bouledogue français. « Dans ce cas de figure, il faut garder en tête que ce n’est pas le contenu de la réponse qui va être jugé », précise Marion Sterlin. Avec ces questions absurdes, le recruteur va essayer de voir si vous êtes en mesure de reprendre le contrôle de l’entretien, ou si vous allez tenter de répondre tant bien que mal à une question qui ne mérite en réalité pas de réponse.

Comment réagir ? À moins que vous ayez un fin sens de l’humour, ne cherchez pas à répondre à ce type de questions. Bref, ne vous creusez pas les méninges à trouver une réponse intéressante alors que la question de l’est pas du tout ! En revanche, « n’hésitez pas à demander le sens de la question, sans vous agacer. Si c’était un test, vous avez gagné. Et si cela ne l’était pas, vous saurez au moins quoi répondre », poursuit notre spécialiste (votre recruteur est peut-être vraiment passionné par les carlins).

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Épreuve n°4 : Bella ciao

À quoi ça ressemble : C’est plutôt rare et peu recommandable, mais il arrive que des recruteurs vous laissent en plan en plein déjeuner ou entretien, prétextant une urgence. Les voilà qui se sauvent et écourtent net votre meeting. Bye bye.

Ce que le recruteur.se veut tester : Une fois de plus, c’est votre intelligence émotionnelle et relationnelle qui est testée. Allez-vous paniquer face à cette situation ? Vous énerver ? Ou au contraire vous soumettre, voire faire preuve d’indifférence ? Selon le poste convoité, votre posture aura de l’importance, notamment s’il s’agit d’un emploi dans lequel des capacités de leadership sont requises. « J’aime souvent dire que le candidat ne doit être ni hérisson, ni paillasson », affirme Marion Sterlin. Dans la même veine, un recruteur qui vous proposerait un meeting à 19H30 le vendredi soir teste sûrement votre posture d’affirmation ainsi que votre écologie personnelle. « Pour être performant sur la durée, il est important que le candidat se respecte. Or, la suradaptation n’est pas forcément un bon indicateur pour le recruteur », ajoute notre spécialiste.

Comment réagir ? « Dans un premier temps, ne réagissez pas à chaud », recommande Marion Sterlin. Autrement dit : ne courrez pas derrière votre recruteur même si vous avez envie de lui jeter votre plat de crevettes à la tête ! Commencez par vous demander ce que cet imprévu provoque en vous : cela vous fait-il peur, cela vous frustre, êtes-vous agacé.e ? « Derrière chaque émotion, il y a un besoin. Alors, si vous êtes en panique, peut-être avez-vous besoin de téléphoner à un ami. Ou si vous êtes ultra-enervé, rentrez chez vous à pieds », recommande la coach. Elle vous conseille ensuite d’envoyer un mail basé sur les préceptes de la communication non violente dans lequel vous n’endossez pas une posture agressive, et pas non plus une posture de victime. « Vous pouvez simplement dire que vous avez été surpris par la rapidité de la fin du repas, et que vous êtes disponible pour reprendre un temps d’échange, ou a minima comprendre la raison de cette fin précoce d’entretien », conseille la spécialiste. De cette façon, vous montrerez que vous faites preuve de sang froid, sans pour autant vous faire marcher dessus.

Épreuve n°5 : L’interrogatoire mitraillette

À quoi ça ressemble : Vous avez terminé les petites introductions respectives. Mais d’un coup, votre recruteur.se sort l’artillerie lourde et se met à vous bombarder de questions techniques. Le genre d’entretien ultra corsé auquel Guillaume, HR Business Partner au sein d’une grande entreprise, a plusieurs fois assisté en faisant passer en binôme un entretien avec le futur N+1 du candidat. « Prise une à une, les questions n’étaient pas monstrueuses. En revanche, j’avais été très marqué par le rythme hyper soutenu dans lequel celles-ci étaient posées », se souvient-il, ajoutant que le manager parlait de manière très vindicative.

Ce que le recruteur.se veut tester : Ici, l’objectif est de voir comment vous vous en sortez dans une situation tendue, face à une personne qui bascule dans l’agressivité. Savez-vous garder votre sang-froid ? Ou au contraire, allez-vous perdre vos moyens et être totalement destabilisé.e ? Le genre de situations auxquelles les équipes business peuvent notamment être confrontées, avec des clients difficiles.

Comment réagir ? Ne vous laissez pas impressionner par le ton désagréable du recruteur (même si, on vous l’accorde, ce n’est franchement pas chouette en entretien !) De plus, « ce n’est pas parce que votre recruteur agit ainsi que le courant ne passe pas entre vous. J’ai observé ce recruteur adopter ce même comportement avec tous les candidats », affirme Guillaume. Et surtout, si vous n’avez pas toutes les réponses, préférez un « je ne sais pas », plutôt que de tenter de noyer le poisson. Savoir dire que l’on ne sait pas, c’est également important en entreprise. « Aucun candidat n’est censé être omniscient ! », lance Guillaume.

Épreuve n°6 : Le quart d’heure parisien/toulousain/bordelais

À quoi ça ressemble : Bien que vous ne puissiez jamais savoir si le retard de votre recruteur est réellement volontaire, cette technique demeure un grand classique selon Marion Sterlin. Il s’agit tout simplement de vous laisser patienter 15 à 20 minutes avant de vous recevoir.

Ce que le recruteur.se veut tester : Une fois encore, votre capacité à réagir face à un imprévu : allez-vous envoyer 3 textos et 4 mails incendiaires au bout de 2 minutes ? Ou laisser passer et ne rien faire en attendant patiemment 20 minutes ?

Comment réagir ? Ne sombrez ni dans le registre Calimero, ni dans l’agressivité. Le juste milieu : « si le retard est de plus de 15 minutes, demandez à la personne de l’accueil ce qu’il en est et si l’entretien va bien avoir lieu. Il est important de réagir – ne laissez pas passer un retard de 30 minutes – mais sans en faire trop. » Il s’agit de montrer que vous pouvez développer une relation d’adulte à adulte en ayant une posture affirmée, sans non plus être rigide. En adoptant la bonne mesure, vous ferez la démonstration de votre intelligence situationnelle.

Épreuve n°7 : La question à 1000 dollars

À quoi ça ressemble : C’est la fameuse question de tous les recruteurs : « avez-vous d’autres pistes ? » ! Euhhhhhh….

Ce que le recruteur.se veut tester : Le recruteur.se se doute que vous ne serez certainement pas 100% transparent.e. C’est aussi une manière de voir votre motivation réelle à intégrer l’entreprise, ainsi que votre capacité à négocier, ce qui peut être particulièrement important dans certains types de positions.

Comment réagir ? Tout d’abord, notre coach Marion Sterlin vous recommande de ne jamais dire que vous n’avez aucune piste ailleurs. Ensuite, la bonne attitude peut être de dire une phrase type « je ne vous cache pas que ce poste reste ma priorité. D’ailleurs, le process peut-il aller vite ? Quelles sont les prochaines étapes ? » Si le recruteur insiste, vous pouvez concéder être en process avec d’autres entreprises mais qu’une fois de plus, ce poste demeure votre priorité. « De toute façon, si l’entreprise vous veut vraiment, elle n’a pas besoin de savoir si vous avez d’autres pistes », ajoute Marion Sterlin.

Épreuve n°8 : Do you speak english ?

À quoi ça ressemble : Vous étiez tranquillou en train de dérouler votre entretien en français et bim, votre recruteur se met à switcher en anglais sans que vous vous y attendiez. « C’était un test que faisait l’un de mes managers britanniques. Cela surprenait les candidats, et moi aussi d’ailleurs ! », se souvient Guillaume.

Ce que le recruteur.se veut tester : « En faisant cela, le manager essaie de jauger le niveau d’anglais du candidat et son aisance à manier cette langue de manière spontanée et non préparée », affirme Guillaume qui précise évoluer dans une structure très internationale. Mais de son propre aveu, cette technique relève clairement du piège car il est facile de se sentir déstabilisé. Il nous précise qu’il avait l’habitude de son côté d’interroger ses candidats en anglais, mais jamais de but en blanc, sans les prévenir.

Comment réagir ? Si vous n’êtes pas totalement à l’aise en anglais, faites de votre mieux, sans vous soucier de vos fautes et encore moins de votre french accent. L’essentiel étant de parvenir à mener une conversation à peu près fluide et montrer que vous pouvez travailler de manière fonctionnelle en anglais. Et si vous êtes totalement fluent, dégainez vos plus belles répliques dans la langue de Shakespeare.

Loin de cautionner toutes ces techniques saugrenues, n’oubliez pas les trois maîtres mot : calme, affirmation de soi et professionnalisme, comme autant de piliers pour avancer sereinement dans votre processus de recrutement.

Article édité par Gabrielle Predko, photo Thomas Decamps pour WTTJ

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