Culture book : 10 conseils pour en réaliser un qui claque

23 mars 2021

9min

Culture book : 10 conseils pour en réaliser un qui claque
auteur.e
Laure Girardot

Rédactrice indépendante.

Souvent considérée comme un artifice au service de la communication, la culture d’entreprise est aujourd’hui un outil RH stratégique. Dans un contexte incertain et un univers professionnel en grande mutation, elle devient à la fois ciment du collectif et levier d’engagement face à des salarié·e·s en quête de sens. Particulièrement les jeunes générations qui sont très sensibles aux valeurs véhiculées par l’employeur : 56 % des millennials n’envisagent aucune collaboration avec certains employeurs en raison de valeurs divergentes. Définir, afficher et partager sa culture, est-ce une idée si futile que cela ? En réalisant leur « culture deck » ou « culture book », les plus grandes entreprises américaines telles que Netflix ou LinkedIn démontrent l’inverse. Sa vocation ? Résumer les valeurs, la mission ou encore les pratiques d’une organisation dans un document ouvert à tout son écosystème. Comment mener cet exercice collaboratif et créatif ? Surtout, comment vous démarquer grâce à un super « culture book » ? Conseils et inspirations pour lancer cette démarche collective.

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Bouleversement du travail : la culture à fleur de peau

Une fois dans le flow du quotidien, il est très courant d’oublier les fondamentaux culturels de son entreprise. Selon une étude Deloitte de 2016, près des trois quarts des cadres disent ne pas comprendre la culture de leur organisation ! Pourtant, c’est un sujet fondamental et structurant pour tout système selon Maurice Thévenet, Professeur au CNAM et à l’ESSEC. En effet, elle se définit comme « un ensemble de références partagées dans l’entreprise, consciemment ou pas, qui se sont développées tout au long de son histoire ». Or, aujourd’hui, les mutations du travail ont provoqué un véritable tsunami sur la culture d’entreprise à plusieurs égards :

L’avènement du digital déstabilise les organisations

Depuis l’avènement du digital, l’environnement des entreprises s’est énormément complexifié. Selon l’OCDE, 32% des emplois pourraient être transformés dans les 15 ans à venir impactant à la fois les formes de travail, la communication, les échanges, la production, les rapports sociaux… Or, Jean-Luc Pardessus, auteur de « Eloge du bordel organisé en entreprise », insiste sur un point clé : « La digitalisation, c’est de l’humain avant d’être un ensemble d’outils ou des processus ».

Les réorganisations en cascade amènent à repenser le lien

L’entreprise est devenue un espace virtuel et fractal alors que le télétravail s’est imposé comme mode privilégié de collaboration. De plus, le flex office s’empare des open-space et transforme l’entreprise : les salarié·e·s deviennent peu à peu des « Touaregs du tertiaire » tant le nomadisme devient un modèle de travail. Rappelons qu’avant la crise sanitaire, 35 % des salarié·e·s utilisaient des tiers lieux mis à disposition par leur entreprise. Comment garder un sens commun dans une telle configuration ?

Le culture book : une réponse (possible) face aux turbulences actuelles

Un culture book : gadget ou outil RH clé ?

Via une enquête, demandez à vos collaborateur·rice·s de décrire votre culture. Même si des thèmes communs émergent, vous obtiendrez sans doute des réponses assez divergentes. Pas de panique, c’est tout à fait normal et assez commun. Comment y remédier vite et efficacement ? En mettant par écrit une description explicite de votre culture et sa traduction au sein d’un « culture book » : normes, comportements, attentes, rôles modèles, processus, culture RH… Sa mission première est de communiquer efficacement un langage et des codes communs à vos différentes communautés : collaborateur·rice·s, managers, représentants syndicaux, candidat·e·s ou encore clients. Car, la tendance est à l’ouverture sans filtres car la plupart des « culture decks » sont rendus publics. Une exposition qui fait gage de cohérence et de transparence : un bon point pour la marque employeur. En témoigne l’aura et l’attractivité dont bénéficie la culture Netflix. L’entreprise est pionnière dans la création et la diffusion sans frontière de son « culture deck » téléchargé plus de 18 millions de fois depuis que le cofondateur et PDG, Reed Hastings, l’a publié sur SlideShare en 2009. Ce dernier a pas mal évolué car le rôle de cet outil est surtout de traverser, dans les meilleures conditions, les changements.

Petit « shot » d’inspiration : la top sélection des « cultures books »

Bretton Putter, expert en matière de culture d’entreprise à forte croissance et auteur de l’ouvrage Culture Decks Decoded, affirme que ces manuels décrivant la mission, la vision et les valeurs d’une entreprise sont le secret de la croissance. « Si les PDG ne comprennent pas ou n’investissent pas dans leur culture, c’est quelque chose qui peut devenir un frein plutôt qu’un avantage », prévient-il. Côté RH, il souligne bien d’autres atouts : « il s’agit essentiellement d’un document qui énonce ce que l’entreprise attend des employés et ce que les employés peuvent attendre de l’entreprise ». Quels sont les meilleurs exemples ?

  • Netflix : selon Sheryl Sandberg, directrice de l’exploitation de Facebook, le culture book Netflix était probablement le document le plus important de la Silicon Valley. Côté fond : les messages sont clairs : l’équilibre, la liberté et la responsabilité. Pour preuve, dans le document il est conseillé aux salarié·e·s de passer des entretiens régulièrement avec d’autres entreprises, afin qu’ils/elles comprennent que l’entreprise les paie à un niveau élevé du marché. Chez Netflix, les salarié·e·s sont libres de faire ce qu’ils/elles veulent comme ils/elles le souhaitent, tant qu’ils/elles le font. Côté forme : il est très simple car écrit en noir sur un fond blanc. Un choix, peut-être, pour pouvoir se concentrer sur le fond.

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  • LinkedIn : c’est un document très bien présenté, en couleurs et attrayant. Sur le fond, il met en exergue les fondamentaux de l’entreprise : les compétences et l’apprentissage. Mais aussi l’inclusion et le potentiel individuel comme vecteur de croissance et de réalisation. Les mots clés sont d’ailleurs tenus par des pancartes que les salarié·e·s tiennent eux-mêmes, ainsi que le PDG.

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  • Etsy: plus sobre sur la forme mais bien illustré avec des citations et des livres inspirationnels, le document proposé souligne toute l’importance de la culture pour surmonter presque toutes les mauvaises décisions. Il propose une vision holistique de la culture qui serait bénéfique pour tous les acteurs en interaction avec l’entreprise : clients, salariés, candidats… En effet, la mission de l’entreprise y est bien mise en lumière avec un ton parfois décalé.

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  • Spotify : le deck est bien illustré et imagé. Le ton est donné : il débute avec la citation suivante : chaque entreprise a une culture, qu’elle le croie ou non. Ainsi, si les créateurs ont une vision, la culture la sous-tend et permet de la réaliser. On comprend alors le rôle cardinal de la culture pour les équipes et la mission de l’entreprise. Le point vraiment intéressant ? C’est un deck pratico-pratique car il permet aux entreprises de s’interroger sur leur propre culture. Notamment, sur le fait de savoir si celle-ci est en péril en donnant des situations concrètes.

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  • Hubspot propose un document très exhaustif (128 pages !) et peut-être un des plus assertifs sur le rôle de la culture pour une organisation : « Plus qu’un simple intérêt pour la culture, c’est une vraie obsession », affirme le deck. En effet, la culture amplifie les capacités individuelles et permet aux individus de réaliser leur travail dans les meilleures conditions. Un point clé à souligner : la transparence dont a fait preuve l’entreprise au moment de la rédaction du document. En effet, elle a fait le choix de partager des données financières et des décisions stratégiques issues des réunions du conseil d’administration avec l’ensemble des salarié·e·s.

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Coulisses : les 8 conseils de Cheerz pour créer un « culture book » pétillant

À chaque culture book son contexte

Hugo Perrier, DRH chez Cheerz, a co-créé en 2020 le « culture deck » de l’entreprise. Pourquoi à cette étape-là précisément ? « Nous étions une société avec une culture forte depuis sa création en 2012 mais celle-ci n’avait jamais été formalisée à l’écrit ». Alors que les effectifs ont triplé entre 2018 et 2020 passant de 50 à 150 de « Cheerzers », la culture a donc été transposée à l’écrit « pour assurer qu’on ait bien tous les mêmes codes, attentes et valeurs afin de les faire perdurer en interne et auprès des candidats ou aux nouveaux arrivants », insiste le DRH. De plus, l’expérience du premier confinement a coïncidé avec le moment de la rédaction : « Avec la distance, cela nous a confortés dans le besoin de mettre des mots sur notre culture, dans un moment très challengeant ».

Définir les enjeux et objectifs de son culture book

Les enjeux de Cheerz étaient clairs : il s’agissait d’« avoir des définitions communes de notre façon de travailler, d’améliorer la communication employeur auprès des candidats, de mieux intégrer les nouveaux entrants, puis d’infuser nos valeurs dans tous les domaines de l’organisation », explique Hugo Perrier.

Cadrer les leviers de diffusion pour assurer des bénéfices élevés

Le « culture book » de Cheerz imprègne les différents processus RH et organisationnels de l’entreprise. Une manière d’assurer une grande cohérence entre ce qui est affiché et vécu.

  • Lors de l’expérience candidat : « le culture book est envoyé à tous les candidats avant le premier entretien RH ».

  • La marque employeur est une déclinaison de ce qui est véhiculé au sein du culture book : « cela reflète ce que l’on communique en entretien, sur notre page Linkedin ainsi que dans nos annonces… »

  • Durant l’onboarding : « il est distribué en format physique à tous les nouveaux à leur arrivée et est commenté pendant le parcours d’intégration appelé la Cheerz Academy ».

  • Au niveau managérial : « notre culture book est utilisé lors des rapports d’étonnement et, depuis peu, dans les formulaires de feedback des managers pendant les premiers mois ».

  • Le processus d’évaluation : « le management et le self management, selon les valeurs Cheerz, sont présents à hauteur de 20% dans les évaluations trimestrielles de tous les Cheerzers »

  • Le « brand book RH » est une caisse de résonance du culture book tout comme notre communication : « concernant la communication et les events internes, ils doivent refléter ce que l’on affirme dans le Culture Book »

  • Lire aussi : Ce que #balancetastartup rappelle de la marque employeur

Les grandes étapes de la co-création en mode projet

Dans ce type de projet, il faut bâtir une équipe projet impliquée dès le départ ! Il vous faut un pilote : c’est le rôle d’Hugo Perrier, DRH, appuyé par une équipe de contributeurs à tous les niveaux de l’entreprise. « Les deux fondateurs ont largement contribué à la rédaction, au choix des mots-clés, des anecdotes et des preuves. Ensuite, les membres du Comex nous ont aidés dans la construction du book et la validation ». Pour éviter les incohérences, « les managers ont été impliqués pour le contrôle-vérité et la priorisation des valeurs ». Sur la forme : « notre Content Manager s’est assuré que le style rédactionnel était en phase avec Cheerz puis, notre Office Manager s’est attelé à la communication du projet ».

6 étapes clés ont rythmé la création du culture book :

  1. Une période de consultation est indispensable : il s’agit d’échanger sur les ambitions du projet avec les fondateurs, les dirigeants et le Comex. « Il est clé que tous comprennent et s’alignent sur l’importance du projet, que ce ne soit pas un projet RH pour les RH ».
  2. Réaliser un benchmark des culture books existants et de référence est très utile. Les deux qui se démarquent selon Hugo Perrier : Netflix et Hubspot.
  3. Privilégier une approche collaborative pour une meilleure appropriation : l’équipe projet s’est fondée sur les enquêtes mensuelles (« Officevibe ») pour recueillir les avis des salarié·e·s sur les forces et faiblesses de l’entreprise.
  4. Ne pas oublier de collaborer avec les managers, relais essentiels de la culture interne : « Nous avons organisé des workshops avec les managers pour évaluer les valeurs les plus marquantes. Puis, nous avons explicité les comportements observables en face de chaque valeur ».
  5. Ouvrir le débat avec les clients ou les prestataires, « car la culture se retrouve aussi dans la façon dont on traite ses clients, ses prestataires, ses partenaires, etc ».

Les formats à privilégier : une démarche itérative

Côté forme, la plupart des visuels sont issus de la bibliothèque interne Cheerz. Puis, avant toute rédaction et mise en page, trois itérations ont eu lieu :

  • Réalisation d’une analyse des valeurs et des scores de priorisation sur Google Form et Excel
  • Rédaction d’une v1 du « culture book » sur un Word partagé avec les fondateurs avant validation
  • Mise en forme du document sur l’outil créatif Canva.

Diffusion : plutôt interne ou externe ?

« Notre besoin était à la fois interne, avec un alignement de toutes les équipes et des managers sur les comportements attendus, et externe afin de valoriser notre marque employeur. Ainsi, le culture book est disponible en version light sur notre page Welcome to the Jungle et est diffusé à tous les candidats ». Côté client, l’entreprise le partage également avec toutes les sociétés qui souhaitent s’en inspirer pour la construction de leur propre « culture book ». Prochaine étape : le mettre à disposition sur leur site web.

Les mises à jour : quel rythme ?

« Nous avons lancé notre culture book en septembre, et nous réfléchissons déjà à une mise à jour l’été prochain ! ». Même si les valeurs restent inchangées, c’est l’occasion de prendre du recul, de préciser des éléments et d’y ajouter de nouvelles anecdotes « en lien avec l’évolution rapide d’une scale-up ». De manière générale, Hugo Perrier recommande de le revoir au moins une fois par an, pour s’assurer qu’il est toujours fidèle à la culture.

Les points d’attention made in Cheerz

  • « Faites un culture book qui vous ressemble : soyez différenciant et essayez d’éviter les mêmes mots que toutes les sociétés. Par exemple, « Passion » ou « Excellence » peut avoir des définitions très différentes d’une boîte à une autre » insiste Hugo Perrier.

  • Donner un maximum d’exemples, d’anecdotes, de rituels, d’habitudes car ce sont autant de preuves de la réalité d’une culture.

  • En faire un vrai projet d’entreprise : « impliquer toutes les équipes, ou, au moins, tous les managers de la boîte. Ça ne doit pas être un exercice RH, les employé·e·s doivent tout·e·s connaître et incarner les valeurs ».

  • Devenir intransigeant sur les comportements en interne : « Un comportement ne ressemble pas à ce qui est décrit dans votre culture book ? Soit il faut actualiser le culture book, soit il faut exprimer à la personne le fait que son comportement est en opposition avec vos valeurs ».

Pour conclure, la vocation d’un culture book en une phrase ? Donner des repères aux salarié·e·s ou candidat·e·s sur la façon dont on travaille chez vous.

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