La guerre entre agences de communication et cabinets de conseil n’aura pas lieu

12 juin 2018

4min

La guerre entre agences de communication et cabinets de conseil n’aura pas lieu
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Depuis quelques années, de nombreux spécialistes de la communication annoncent la fin d’une époque : exit l’agence de com’, ses créas qui lancent des pistes sur un brief et pondent un contenu taillé sur-mesure pour un client. La communication doit désormais être stratégique ! Qui de mieux pour damer le pion aux agences, dans ce cas, que les cabinets de conseil ? La guerre aura-t-elle lieu entre ces deux spécialistes du conseil aux entreprises, ou assistons-nous plutôt à une convergence des savoir-faire ?

Les agences de communication à la traîne sur le numérique ?

La Réclame en a fait un dossier récemment. Stratégies, média de la communication s’il en est, s’en fait l’écho régulièrement. Les cabinets de conseil, avec leur approche stratégique et organisationnelle, seraient mieux taillés pour gagner des budgets que les agences de communication traditionnelles, trop orientées « achat d’espace », « création de contenu »… Pas assez intégrées au marketing des annonceurs, en clair.

Avec l’émergence du numérique dans les stratégies de communication, les entreprises ne doivent plus seulement se demander où elles investissent leurs efforts de publicité. Quel créneau horaire, quelle chaîne, radio ou télé ? Presse écrite ? Quel message ? Ce rôle, traditionnellement dévolu aux agences de communication, est désormais intégré dans un ensemble plus large… Landing page ou non ? Facebook, Twitter, Instagram, LinkedIn, Snapchat ? Faut-il acheter du mot-clé ? Entre autres questions.

Ce n’est pas seulement une question de choix démultipliés, parmi lesquels il faudrait trouver le bon créneau. Car les campagnes en ligne ont l’avantage, en quelques clics après une publicité alléchante, de pouvoir mener l’internaute jusqu’au site même de l’annonceur, puis au produit, puis à l’acte d’achat. Le problème n’est plus de savoir combien de ventes supplémentaires a généré une campagne de publicité globalement, mais quelle campagne a généré un acte d’achat ou non. Quel jour, à quelle heure, sur quels segments socio-démographiques, avec quels contenus.

Bref, ce n’est pas tellement qu’elles semblent être à la traîne du numérique, souvent bien intégré par la plupart des grands noms du secteur, mais l’approche des agences serait moins adaptée à la nouvelle donne. Moins holistique, moins stratégique… Et surtout trop chère pour des annonceurs qui se verraient bien ne pas ajouter cette couche supplémentaire entre leur cabinet de conseil et leurs canaux de communication (réseaux sociaux, moteurs de recherche, site…).

L’avantage comparatif des cabinets de conseil

En travaillant directement sur le tunnel d’achat des annonceurs, la communication se rapproche ainsi du marketing. Donc, du stratégique. Car quand on commence à corréler directement les opérations de communication aux indicateurs clés de performance (Key Performance Indicators, ou KPI), une campagne peut amener à modifier sa stratégie, son organisation interne, voire sa structure marketing.

C’est là que les cabinets de conseil ont vu le rôle qu’ils pouvaient jouer. PwC, Deloitte, EY en tête ont commencé à racheter des agences pour venir attaquer les budgets des agences de communication. PwC a racheté Nealite en 2015, Deloitte a mis la main sur Brandfirst cette année, Accenture Interactive vient de s’offrir The Monkeys ou Rothco et viserait… rien de moins que WPP. Les exemples sont légions et viennent renforcer le poids des cabinets de conseil sur le territoire historique des agences. Leur gros avantage : une réflexion globale sur la stratégie de l’entreprise et son organisation. L’angle d’attaque d’un problème est toujours, pour ces cabinets : l’organisation. Ce qui leur permet d’aborder beaucoup plus souplement et largement les problématiques de structuration (interne ou externe), de coûts, etc.

Les agences n’ont pas dit leur dernier mot

Pour autant, les agences de communication ne sont pas (certains ajoutent « encore ») mortes. Certes, elles doivent faire un effort pour se réinventer, soulignaientLes Echos en mars dernier. Mais elles présentent encore quelques avantages :

  • Ce sont d’excellentes exécutantes. Si l’annonceur ne ressent pas le besoin de se lancer dans une réflexion sur sa transformation de fond en comble, il pourra chercher à aller rapidement sur sa thématique de communication. Les agences ont pour but de répondre à des objectifs clairs et de proposer un plan d’action adapté aux moyens de leur client… Sans passer au préalable par un audit complet.
  • Elles sont des spécialistes de la marque. Leur réponse est normalement adaptée, simple et efficace aux besoins du client.

Une différenciation qui relève du passé ?

En rachetant des agences de communication ou en recrutant directement des spécialistes de la communication de marque, les cabinets de conseil savent désormais faire de la création de contenu ou de l’achat média. De quoi leur donner une vision d’ensemble sur le marketing et la stratégie de l’annonceur.

Les agences, de leur côté, intègrent de plus en plus l’ensemble des outils du marketing numérique. Beaucoup, à commencer par les agences de communication dites « NextGen » — aka celles qui se sont adaptées au numérique et sont dans une logique “digital-first” voire “360” — interviennent désormais sur l’ensemble du spectre marque, marketing et opérationnel… et de plus en plus stratégique.

Au final, il semble que les deux grands concurrents du moment soient poussés par leurs propres clients à se réinventer. À partir du moment où ces derniers sont clairs dans leurs besoins et leurs objectifs, ils n’ont aucune difficulté à faire le tri dans les propositions de valeurs qui leur sont faites. La concurrence sur le terrain demande surtout, de la part des agences et cabinets, plus de transparence quant à leur apport… et leurs prestations.

Et s’ils faisaient front commun contre les GAFA ?

Au final, c’est peut-être un autre type d’acteurs qui fait bouger le plus le secteur. Les géants du numérique, ou GAFA (pour Google-Apple-Facebook-Amazon, auxquels on peut ajouter LinkedIn, Snap, Microsoft pour ce cas précis) proposent de plus en plus des solutions apparemment simples d’accès pour régler toute la question de l’achat média, voire de la création de contenu.

Quand il devient possible d’internaliser tout ou partie de l’achat média et de se contenter d’externaliser simplement les fonctions créatives, pourquoi s’en priver ? Les coûts sont évidemment bien moindres par campagne et beaucoup d’entreprises font désormais un autre choix que celui qui oppose agences et cabinets : prendre un prestataire ou agir en direct. Quitte à faire intervenir des spécialistes indépendants sur des problèmes ciblés (configuration et formation AdWords, etc).

Pas sûr que les agences et les cabinets s’allient dans le futur pour contrer des géants du numérique dont ils sont dépendants pour leur activité… Après tout, les cabinets ont-ils intérêt à lutter côte à côte avec les agences, alors que beaucoup pensent qu’elles ne sont pas armées pour faire face seules à l’offensive des géants du numérique ? Par contre, cela renforce nettement le besoin de démontrer leur proposition de valeur pour apporter une dimension stratégique d’une part et tirer pleinement partie d’outils qui ne sont simples qu’à première vue d’autre part. Car après tout, d’autres spécialistes assurent que les nouvelles de la mort des agences sont largement exagérées. Affaire à suivre donc !

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Photos by WTTJ