Slashing : « Avoir plusieurs jobs, c’est opter pour une vie sur-mesure ! »

Publié dans Outside the box

23 févr. 2022

7min

Slashing : « Avoir plusieurs jobs, c’est opter pour une vie sur-mesure ! »
auteur.e
Sonia Valente

Coach certifiée en reconversion professionnelle et auteure passionnée par l’évolution du monde du travail et les profils multipotentiels.

OUTSIDE THE BOX - Vous avez parfois l’impression de devoir entrer dans un moule qui ne vous correspond pas ? Les cases présupposées du monde du travail, très peu pour vous ? Notre experte du Lab Sonia Valente vous invite à rêver et penser “en dehors de la boîte”, pour révéler (enfin) votre plein potentiel en entreprise et en dehors !

Chargé de formation du lundi au jeudi et professeur de guitare le vendredi, juriste la semaine et coach en développement personnel le week-end, voilà à quoi ressemble la vie d’un slasher. Avec près de 2,1 millions de personnes en France exerçant plusieurs emplois à la fois, le slashing s’installe comme un mode de travail durable. Si certains le subissent faute de trouver un CDI à temps plein, d’autres le choisissent pour ajouter un peu de piment à leur vie professionnelle. Ainsi, le slashing serait-il une alternative astucieuse pour une vie sur mesure, au carrefour entre plaisir, rémunération et sens ?

À en croire les retours positifs de ceux qui l’ont choisi et qui se sont confiés à moi, la réponse est oui. Et puis, il faut dire qu’il a aussi le mérite d’être un mode de travail qui s’accommode de l’incertitude de notre monde où les organisations et les emplois évoluent à une vitesse folle. En fait, c’est la version “boulot” de la fameuse expression : “Il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier !” Je vous explique.

Le slashing, l’alternative au job parfait ?

De la contrainte à l’épanouissement : un changement de paradigme

Pour nos grands-parents, le travail était un mal nécessaire, qu’ils considéraient avant tout comme un moyen de subvenir à leurs besoins essentiels (protection sociale, accès au logement, retraite, etc.). Ainsi, leurs carrière, et par extension leur vie, étaient dictées par leur employeur sans compter qu’il leur était très difficile d’avoir leur mot à dire sur le temps, le lieu ou les méthodes de leur travail. Mais avec l’arrivée de la génération Y sur le marché du travail à partir des années 2000 et l’essoufflement des agrégats offerts par le salariat (la couverture santé complémentaire, la sécurité du travail, l’accès à un logement grâce à la rémunération), la donne a changé.

Il n’est plus question d’accepter un emploi dont les contreparties sont devenues légères et incertaines (comme la difficulté de louer un logement seul.e dans une grande ville telle que Paris), ni de subir, passifs, un quotidien que l’on n’aurait pas choisi. Pour affirmer cette nouvelle vision du travail, les travailleurs sont de plus en plus nombreux à opter pour un emploi à l’aune d’indicateurs plus personnels, tels que leur mode de vie, leurs valeurs ou leurs contraintes individuelles. Puis, les réformes législatives en matière de préservation de la santé (l’accord national interprofessionnel sur le stress au travail du 2 juillet 2008 et l’accord du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail, par exemple) et les politiques de qualité de vie au travail ont suivi et consolidé cette tendance. Résultat : on est passé d’une relation de subordination à son entreprise à une relation de collaboration où l’on reconnaît davantage la valeur du salarié ET la valeur apportée par ce dernier. Mais aussi où les actifs sont plus exigeants…

Le sur-mesure nous va si bien

Sauf que le job parfait, celui qui procure à la fois stabilité financière et un plein épanouissement sur le long terme, reste difficile à dénicher. Une entreprise qui offre à la fois un salaire attractif, des missions intéressantes et qui nous correspondent vraiment, sans oublier des conditions et un cadre de travail agréables, vous l’aurez sans doute remarqué, ça ne court pas les rues (et c’est d’autant plus vrai lorsque la concurrence est forte sur notre métier ou dans notre secteur de prédilection). Alors, quand on ne veut pas faire de sacrifices (et ça se comprend), comment satisfaire tous ses besoins et désirs professionnels ?

C’est là que le slashing apparaît comme une alternative pertinente, selon moi ! Comme on dit, « on n’est jamais mieux servi que par soi-même ». Ainsi, à défaut d’attendre qu’une entreprise leur serve sur un plateau d’argent le job de leurs rêves, de plus en plus de travailleurs décident de se retrousser les manches via le cumul de deux activités professionnelles qui, chacune, viendrait combler des besoins et des désirs bien distincts. Et je trouve ça très malin. Un peu comme on compose une salade avec ses ingrédients préférés : quand un emploi ne coche pas toutes les cases, en ajouter un autre permet de remplir d’autres critères, comme arrondir ses fins de mois, trouver du sens, prendre du plaisir ou encore développer d’autres compétences. Et de cette façon ne s’offre-t-on pas une vie professionnelle personnalisée ?

Slasher rime avec plaisir et du sens au travail

Prendre du plaisir dans son job, ce n’est pas du luxe

Ressentir du plaisir dans ses tâches quotidiennes est une source directe d’épanouissement : on ne voit pas le temps passer, on est pleinement concentré, investi et motivé. Sauf que tout le monde n’a pas l’envie, ou la possibilité, de tout quitter dans l’espoir de vivre de sa passion. Pour contrebalancer avec un emploi éloigné de ce qui nous plaît, on peut développer, en parallèle de notre job « ressource », une activité en phase avec vos préoccupations ou vos centres d’intérêt.

Surtout que les manières de le faire sont diverses et variées. Vous imaginez peut-être que “slasher” c’est faire une croix sur vos soirées ou vos week-ends ? Alors oui, mais non… Vous pouvez tout aussi bien :

  • Opter pour un emploi à temps partiel, pour vous libérer du temps pour une activité indépendante. Une option qui vous offre une flexibilité non négligeable dans votre organisation de travail,
  • Cumuler deux emplois salariés à temps partiel,
  • Ou bien occuper consécutivement des CDD de 6 mois pour avoir la liberté de changer d’activité régulièrement sans vous éparpiller pour autant.

L’opportunité de se rapprocher d’un emploi « mission » ?

Selon le dernier rapport de l’institut Gallup, seuls 7% des Français se sentent “engagés” au travail. Entre bullshit jobs, bore-out, et emplois non-alignés avec leurs valeurs personnelles, les raisons ne manquent pas. Or, savoir que l’on contribue à quelque chose de plus grand que nous-même, ça donne envie de se lever tous les matins, n’est-ce pas ?

Plus qu’une simple tendance, le sens au travail est nécessaire à la satisfaction et à la motivation au travail, c’est prouvé. Et ça, les candidats de la nouvelle génération (qui représenteront environ 75% des actifs sur le marché du travail d’ici 2030 !) l’ont bien compris, puisqu’ils en ont fait un critère de sélection clé dans leur recherche d’emploi. Selon une récente étude sur « les jeunes et l’entreprise » réalisée par la fondation Jean Jaurès, ils estiment que toute entreprise doit s’engager sur un sujet de société, tels l’environnement, la lutte contre le racisme, les discriminations ou encore les inégalités entre les femmes et les hommes.

Pour vous aussi, contribuer à une cause qui vous est chère est essentiel à votre bonheur et ce, quel que soit votre âge ? Mais vous êtes frustrés de ne pas pouvoir sauter le pas, pour des raisons financières et d’employabilité ? Alors, sachez que le slashing « externe » (avoir différents jobs dans différentes entreprises) n’est pas la seule solution ! Il est aussi tout à fait possible de cumuler différentes activités (intrapreneuriat, projets associatifs…) au sein d’une seule et même entité. On parle, à ce moment-là de slashing « interne » ! La particularité ? Votre temps de travail et votre rémunération restent inchangés. Seul bémol : il s’agit d’une possibilité que trop peu d’entreprises offrent à leurs salariés, mais j’ai bon espoir que cela évolue.

Slasher rime avec développement de compétences

Le digital et les technologies transforment en continue le visage du travail, à tel point que l’on observe aujourd’hui une obsolescence accélérée des compétences. En effet, selon l’étude “L’avenir du travail” de l’OCDE, la durée de vie moyenne d’une compétence serait aujourd’hui d’environ 2 ans, seulement, contre 30 ans en 1987. Or, les carrières linéaires fondées sur la spécialisation font que la plupart d’entre nous avons un seul et unique socle de compétences techniques à valoriser (le droit commercial par exemple). Loin de moi l’idée de vous faire peur, mais si dans 10 ans nos métiers évoluent, voire disparaissent, que se passera-t-il ?

Imaginons ensemble que le métier de rédacteur soit remplacé par une intelligence artificielle capable d’écrire des textes propres et captivants. Les copywriters seraient bien embêtés ! Dans le meilleur des cas, et au regard du droit du travail, l’employeur formera ses collaborateurs au développement de nouvelles compétences nécessaires à l’entreprise. Mais dans le pire, elle trouvera celles-ci ailleurs.

Face à un avenir où la compétence est menacée, le slashing se présente comme une alternative sérieuse pour maintenir son employabilité. En cumulant les activités, vous vous construisez un socle solide d’aptitudes et de connaissances variées pour ne pas être, un jour, à court de travail.

Slasher rime avec complément de revenu (et on ne dit pas non)

55% des Français sont insatisfaits de leur rémunération. Et selon la politique de rémunération en place dans l’entreprise, obtenir une promotion n’est pas toujours facile. Alors cumuler deux emplois peut s’avérer particulièrement intéressant financièrement.

D’autant que deux CDD peuvent donner droit à des indemnités de fin de contrat ou bien deux CDI peuvent respectivement ouvrir droit à l’épargne salariale (prime d’intéressement et prime de participation). Ces sommes ajoutées peuvent gonfler votre rémunération globale.
De même, se lancer à son compte permet de se dégager un revenu complémentaire pour arrondir vos fins de mois.

Attention, slasher rime (aussi) avec risque de surinvestissement

Avec le slashing, le risque de tomber dans l’excès est élevé. Mais cela dépend du mode pour lequel vous optez.

Si vous choisissez de cumuler deux emplois salariés, la situation est davantage sous contrôle car dans ce cas, les entreprises ont l’obligation de respecter la durée maximale de travail fixée à 10h par jour. Mais encore faut-il que vous informiez vos employeurs respectifs… Veillez donc à toujours communiquer cette information dès le démarrage de toute nouvelle collaboration. L’employeur pourra alors vous demander une attestation écrite certifiant que vous respectez les dispositions relatives à la durée maximale de travail. Et n’oubliez pas de vous approcher de votre autre employeur pour qu’il vous transmette toute information permettant de justifier que vous respectez déjà effectivement cette durée du travail (ex : planning).

En revanche, si vous optez pour une activité indépendante, la durée maximale du travail ne s’applique pas. Il est donc beaucoup plus facile de tomber dans le surmenage. Personne ne sera là pour tirer la sonnette d’alarme, vous seul(e) pourra dire « stop » si nécessaire. Veillez donc à déconnecter, vous reposer et vous ressourcer régulièrement !

Alors, serons-nous tous slashers un jour ? Impossible de prédire l’avenir, mais ce qui est sûr c’est qu’en cumulant plusieurs activités, nous prenons en main notre vie professionnelle et nous nous donnons l’opportunité de la façonner à notre image, en partant de nos besoins et aspirations du moment.

Article édité par Eléa Foucher-Créteau
Photo par Thomas Decamps

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