Vous avez été augmenté ? Ne laissez pas le syndrome de l'imposteur tout gâcher

22 déc. 2021

5min

Vous avez été augmenté ? Ne laissez pas le syndrome de l'imposteur tout gâcher
auteur.e
Elise Assibat

Journaliste - Welcome to the Jungle

À mesure que s’approche la période d’entretien annuel découlent bien des appréhensions. La peur d’être confronté à son supérieur, de se faire évaluer ou même de se faire réprimander… Parmi toutes ces craintes, une moins commune mais tout aussi problématique demeure : celle de penser que l’on ne mérite pas les compliments que l’on reçoit, et plus encore lorsque cette récompense prend la forme d’une augmentation. Saskia Fiszel, experte de l’émancipation financière et cofondatrice de Virgil et Roxane Regnier, coach et CEO de Misfit, un organisme d’accompagnement dédié à l’épanouissement professionnel féminin nous aident à comprendre cet engrenage pour réussir à en sortir.

« Pourquoi moi ? », « Untel sort d’une meilleure formation », « Un autre travaille toujours jusqu’à pas d’heure »… Nombreuses sont les raisons qui nous poussent à imaginer que l’on ne mérite pas une augmentation. Il arrive que ce sentiment soit si puissant qu’il nous contraigne à culpabiliser voire même à surcompenser et lorsqu’il nous empêche de réellement progresser, on parle alors de syndrome de l’imposteur. Mais comment lutter contre ce phénomène qui a déjà touché 70% des personnes dans le monde à un moment de leur vie ? Et comment réussir à accepter une augmentation malgré tout ?

Mise au point : le syndrome de l’imposteur, de quoi parle-t-on ?

Le syndrome de l’imposteur est un sentiment d’illégitimité lié à la valeur que l’on perçoit de soi-même, de ses compétences et de son travail par rapport à l’environnement dans lequel on est. Concrètement, on a l’impression de ne pas être aussi doué que ce que notre entourage veut bien nous dire. « Notre hiérarchie, nos clients ou nos collègues ont beau nous féliciter et nous remercier avec des éléments tangibles telle qu’une augmentation, tant que l’on ne perçoit pas nous-même cette valeur, cette impression va persister », explique Roxane Regnier. En effet, dans la mesure où le syndrome de l’imposteur naît de l’intérieur, les facteurs extérieurs qui viennent les contrecarrer n’ont finalement pas beaucoup d’utilité.

Deux comportements peuvent alors découler de ce syndrome : la compensation et l’évitement. « Dans le premier cas, on compense notre “illégitimité” par un surplus de travail, observe la coach. Dans le deuxième, on va chercher à éviter toute confrontation avec ses compétences en procrastinant. » Par exemple, cette dernière attitude peut se traduire par le fait de refuser les points ou entretiens avec sa hiérarchie.

Forcément, pour les personnes touchées par ce syndrome, la période des entretiens annuels peut être troublante… Alors comment le faire taire pour enfin accepter les récompenses et la reconnaissance que l’on mérite ?

Pourquoi surcompenser une augmentation est inutile

Si vous culpabilisez d’avoir obtenu une augmentation par peur de ne pas la mériter, vous souffrez sans doute du syndrome de l’imposteur. « Prenez alors le temps de répondre à la question suivante : est-ce que j’apporte davantage de valeur à l’entreprise depuis ma dernière augmentation de salaire ou depuis mon embauche ? », soulève Saskia Fiszel. Car en effet, l’augmentation est avant tout une récompense qui vient reconnaître l’évolution d’un salarié dans l’entreprise. Pour y voir plus clair, prenez du recul sur l’année écoulée. Avez-vous gagné en responsabilité ? Vos missions ont-elles été multipliées ? La qualité de votre travail a-t-elle augmenté ? Ses éléments vous aideront à reconnaître vos réussites personnelles.

Pour la spécialiste, une évolution à l’intérieur d’une entreprise se traduit par une succession de périodes dans lesquelles on est alternativement :

  • sous-compétent et sur-payé, parce qu’on vient de prendre un nouveau poste,
  • sur-compétent et sous-payé, parce qu’on fait le même travail depuis très longtemps et qu’on a gagné en compétences et en expérience, sans avoir été augmenté.

« Autrement dit, progresser dans votre entreprise signifie que vous allez d’abord vous adapter et apprendre puis dans un deuxième temps être récompensé pour ce travail par du confort et du rendement. » Et dans la mesure où l’augmentation vient solder une succession d’étapes, nul besoin de surcompenser en augmentant votre charge de travail puisque cette récompense couvre le travail déjà accompli. En revanche, si l’augmentation s’accompagne de nouvelles responsabilités, le cycle de progression va alors recommencer puisque l’apprentissage sera de nouveau de mise… Alors à vous de voir où vous vous situez. Si jamais vous êtiez sûr-compétent et sous-payé depuis trop longtemps, il était grand temps de réclamer votre dû !

6 conseils pour gérer l’après-coup

Le problème avec le syndrome de l’imposteur, ce n’est pas que nous manquons de preuves et de validations extérieures pour nous faire prendre conscience de notre valeur. C’est sur nous-même que nous devons travailler. « Dans la mesure où seule la validation interne peut faire sortir de ce schéma, observe Roxane Regnier, il est essentiel de créer des mécanismes auto-validants par nous-même ». Pour cela, six outils sont à votre disposition.

1. Conscientiser

La première étape recommandée est de conscientiser l’un des deux comportements observés plus haut. « En effet, savoir si l’on est dans l’évitement ou dans la compensation est essentiel pour trouver une réponse adéquate au problème qui nous touche », observe Roxane Regnier. Ce n’est qu’une fois que l’on a cerné concrètement les manifestations du syndrome que l’on peut comprendre que ce comportement découle non pas de la réalité mais d’un ressenti. C’est déjà un bon début.

2. Changer de référentiel

Bien souvent, l’un des premiers réflexes après avoir reçu ladite augmentation va être de se comparer aux autres, et donc dans le cadre du bureau, avec ses collègues. Par exemple, en imaginant qu’ils méritent plus que nous en raison de leur formation, de leur diplôme ou bien de leur charge de travail. « Mais plutôt que de vous baser sur des points de référence externes, recentrez ces réflexions sur vous », souligne Roxane Regnier. Intéressez-vous à la manière dont VOUS avez évolué au cours de l’année, et à ce que VOUS avez pu apporter à l’entreprise durant ce temps particulier.

3. Faire le point

Afin de comprendre si vous apportez davantage de valeur à l’entreprise depuis votre dernière augmentation de salaire ou votre embauche, il est important de faire le point. C’est ainsi que vous pourrez vous convaincre de votre mérite quant à la récompense obtenue. « Pour cela, reprenez l’audit de vos missions, de vos résultats au cours de l’année écoulée et interrogez vos pairs sur la perception qu’ils ont de vous dans la boîte », conseille Saskia Fiszel. Ces éléments très concrets vous permettront d’avoir une idée précise de votre apport à l’entreprise.

4. Accueillir les compliments

Prenez un temps pour réfléchir et faites le bilan de vos compétences ainsi que de vos atouts. « Listez-les à l’écrit et acceptez les compliments que l’on vous fait ! », recommande Roxane Regnier. Car bien souvent, ces derniers vont vite être mis de côté par les personnes souffrant du syndrome de l’imposteur qui pensent ne pas les mériter. « Alors forcez-vous à réellement prêter attention lorsqu’on vous complimente et notez-les dans un carnet », poursuit la spécialiste. Garder une trace écrite peut en effet vous être utile si jamais le syndrome refait surface.

5. Décorréler mérite et travail

Il est important de prendre le temps de vous questionner sur les raisons de cette augmentation en dehors du surplus de travail. « Car une augmentation vient récompenser des compétences récemment acquises, un gain d’expérience, des nouvelles responsabilités, une plus grande efficacité mais jamais parce qu’on a plus travaillé », nuance Roxane Regnier. Il faut donc bien séparer la notion du mérite de la charge de travail pour ne surtout pas compenser l’augmentation par un surplus de travail. « Beaucoup de personnes font l’erreur de mesurer leur mérite à l’aide d’indicateurs facilement quantifiables tel que le nombre d’heures travaillées, mais cela ne fonctionne pas comme ça », poursuit la coach. Pour y remédier, interrogez votre propre notion du mérite en la confrontant avec celle de proches pour mieux la définir.

6. Éventuellement se faire aider

Il est aussi recommandé de vous faire accompagner par un professionnel pour faire face à des certitudes ancrées en vous depuis toujours. « En effet, lorsque de problèmes liés à l’estime de soi sont particulièrement enfouis, l’aide d’un spécialiste peut vous faire gagner du temps en vous confrontant directement à un nouveau référentiel », observe Roxane Regnier. Mais régler ce dysfonctionnement par soi-même est loin d’être impossible dans la mesure où il suffit d’un seul déclic pour que le comportement qui découle de ce sentiment s’arrête.

Finalement, c’est en changeant la perception que vous avez de vous-même que vous parviendrez à apaiser ce syndrome qui vous habite. Et dès lors que ce dernier sera un lointain souvenir, vous pourrez enfin accepter pleinement votre récompense et vous sentir fier de vous. Alors à vous de jouer pour y arriver !

Édité par Gabrielle Predko
Photo pat Thomas Decamps

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