PARLEZ-MOI DE VOUS #5 - Tout est bien qui finit bien ?

14 sept. 2023

5min

PARLEZ-MOI DE VOUS #5 - Tout est bien qui finit bien ?
auteur.e
Bénédicte Tilloy

DRH, ex-DG de SNCF Transilien, conférencière, professeure à Science-Po, autrice, cofondatrice de 10h32

À quoi ressemble la vie d’une équipe RH dans une startup à succès ? « Parlez-moi de vous », le 1er feuilleton Welcome to the Jungle, dissèque le quotidien de Léa, Rana et Alex, entre amitié et crise d’ego. Une satire tendre de Bénédicte Tilloy. Dans ce 5e épisode, l’heure est au dénouement.


Avant de commencer votre lecture, n’hésitez pas à vous (re)plonger dans les épisodes précédents de la série.


« Tiens, voilà Léa qui coule de source ! », lance Boris en voyant la chargée de recrutement faire son entrée, trempée, dans son bureau. Elle n’est pas la seule à avoir été convoquée par le big boss tôt ce matin, Eddy et Étienne sont là aussi, mais manifestement ils ont réussi à échapper à l’orage. Le chef est sur le pied de guerre. « J’ai réuni les personnes clés de l’équipe », commence-t-il. « Vous allez m’assister dans la gestion de la crise que traverse Hey You. » Chacun se regarde du coin de l’œil dans l’attente de la suite. « Tiens, c’est Emma en visio depuis New York. Elle doit être au milieu de sa nuit… », se dit Léa qui la revoit pour la première fois depuis son arrivée dans l’entreprise. Boris poursuit sur un ton d’outre-tombe : « Vous savez tous qu’un hackeur nous harcelait depuis quelques mois. Nous avions des soupçons sur le fait qu’il puisse s’agir de quelqu’un en interne. Nous lui avons donc tendu un piège qui nous a permis de remonter jusqu’à lui et de le faire avouer avec l’aide de la police. Aussi incroyable que cela puisse paraître, chers collègues, notre serial hacker est Alex… ».

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Sa déclaration déclenche un feu d’artifice de surprise, d’indignation et de colère. « Quoi ? », « Non mais quel faux cul ! », « Il s’est bien foutu de notre g**e… » Chacun rivalise d’inventivité linguistique pour décrire ce que mérite le félon. Que l’une des personnes en laquelle les fondateurs aient eu le plus confiance soit justement celle qui les ait trahis suscite les attitudes les plus révoltées. Mais Boris doit y mettre un terme pour remobiliser son auditoire. « Je comprends sincèrement vos réactions. Nous sommes passés par tous les états, Eddy, Emma et moi, en découvrant le pot aux roses. Alex voulait être considéré comme le co-fondateur d’Hey You, ce que nous lui avons refusé, d’où sa vengeance. Alors, si vous êtes ici ce matin, c’est pour nous aider à dérouler le programme des heures qui viennent avec le plus de sang froid possible. »

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Et le voilà qui entame la distribution des rôles. Emma se retrouve en charge de la préparation d’un board exceptionnel fixé au début d’après-midi pour rassurer les investisseurs, aux côtés des responsables du service juridique et des relations presse. Eddy assistera Boris dans l’annonce aux équipes de nouvelles mesures prises en matière de cybersécurité pour l’entreprise. Étienne a pour mission de dresser la liste évaluant les dommages éventuels sur les comptes, des affinités d’Alex avec certains clients, et in fine de proposer sa stratégie de riposte. Boris se tourne enfin vers Léa : « Navré de te l’annoncer dans de telles circonstances, mais tu es nommée DRH. J’aurais besoin que tu prennes en charge la partie formelle du licenciement d’Alex, et que tu regardes les risques pour la marque employeur afin de me proposer des solutions. » Et de conclure par un index levé barrant un pli de bouche, qui ressemble plus à un rictus qu’à un sourire : « Je vous laisse avancer sur vos sujets respectifs, on se retrouve ici dans deux heures. D’ici là, je vous demande bien entendu le silence le plus absolu. »

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En quelques minutes, Léa est passée par toutes les couleurs. Son entrée dans la carrière de DRH commence en fanfare. Débarrassée d’un collègue qui se voyait dans un rôle qu’elle n’osait même pas convoiter, elle est adoubée le jour de son éviction. À peine a-t-elle le temps de se remettre de cet ascenseur émotionnel, que son cerveau enregistre la montagne de travail qui l’attend. Il va falloir délivrer ! Avant de s’attaquer au sujet, un tour à la machine à café s’impose. Elle y croise un Étienne un peu moins prétentieux qu’à l’ordinaire, et même plutôt chaleureux, qui lui propose de partager leurs visions respectives de la stratégie à conduire vis-à-vis de l’externe. Après tout, c’est intelligent, se dit-elle, qu’il s’agisse de clients ou de futures recrues, le message doit être cohérent. Et les voici qui planchent avec une certaine aisance, voire même un certain plaisir, en dépit des circonstances, sur les questions de posture, timing et éléments de communication.

En quelques minutes, Léa est passée par toutes les couleurs. Son entrée dans la carrière de DRH commence en fanfare.

« Bonjour Léa, je peux te parler ? » En retournant dans le bureau du CEO à l’heure dite, Léa et Étienne croisent Blaise, le nouveau développeur. Débordée, la nouvelle DRH lui fixe un rendez-vous dans l’après-midi. « Dis donc, il n’avait pas l’air dans son assiette », lui fait remarquer Étienne. Et de poursuivre : « Je l’ai croisé l’autre soir, il était avec ta stagiaire. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ça chauffait ! ». Léa ne relève pas, mais enregistre : entre Blaise et Rana, il y a un sujet à tirer au clair. Mais cela attendra. Le fait d’avoir travaillé ensemble a porté ses fruits, Boris valide leurs propositions. Léa est même parvenue à trouver Étienne sympathique. Ils seront mis à contribution après le board, pour expliquer aux équipes la stratégie de transparence proposée. Boris les garde auprès de lui pour un déjeuner sur le pouce. Dans les moments de crise, rapprocher les gens qui comptent est indispensable. Sans doute a-t-il besoin, lui aussi, de sentir le soutien et la présence chaleureuse de ses collaborateurs.

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Mais Léa se souvient que Blaise l’attend et puisqu’il fait désormais grand soleil, elle lui propose que leur échange ait lieu sur le rooftop. Il arrive la mine chiffonnée, avec toutes les peines du monde à se lancer. Léa comprend rapidement qu’il souhaite s’épancher sur un sujet personnel, alors elle tente un : « Comme ça, tu connais Rana ? » Son invitation ouvre les vannes de la conversation. Blaise lui explique que le hasard a voulu qu’il postule et soit recruté chez Hey You, la boîte où travaille justement son ex, Rana. Et que malgré ses efforts, leur relation demeure compliquée. Léa écoute en se demandant bien ce que la nouvelle DRH qu’elle est désormais peut et doit faire en pareille circonstance. Ce que lui expose Blaise est de l’ordre du privé, et parce que cela ne concerne pas l’entreprise (du moins pas encore), elle ne peut interférer. Reste à être attentive à ce que ce passif ne pose pas problème dans leurs relations de travail, comme cela a pu être le cas la veille.

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La fin de l’après-midi voit toute l’équipe d’Hey You réunie, comme au jour de la fête en l’honneur de la levée de fonds. Léa se souvient qu’elle découvrait encore tout de sa future entreprise. Ce souvenir est vite chassé par les mots d’un Boris grave et déterminé. « Un collaborateur a trahi la confiance que nous avions placée en lui. C’est une insulte à chacun de nous et à l’entreprise. Mais je sais qu’en se serrant les coudes, nous pouvons affronter cette mauvaise passe et en sortir encore plus forts. » Après la présentation d’Étienne et de Léa sur la stratégie de communication externe à déployer, il poursuit : « Je demande à chacun d’entre vous de relayer les messages de nos deux collègues auprès de ceux qui vous poseront des questions ». Léa ne peut s’empêcher de sourire en son for intérieur de se voir ainsi associée à Étienne, après l’avoir autant tenu à distance… Les crises, ça rapproche. Avant qu’Eddy ne prenne la parole pour inciter à la discipline en matière de sécurité, la porte de la salle de réunion s’ouvre : Rana traverse l’assemblée, enjouée, pour venir se placer juste à côté de Blaise qu’elle gratifie d’un regard rieur. Manifestement, ces deux là se sont rabibochés. Même dans le pire, il reste toujours des moments d’espoir.


Article édité par Ariane Picoche et Mélissa Darré, photo : Thomas Decamps pour WTTJ

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