Pourquoi vous ne devez plus avoir honte de demander de l’aide au travail
29 sept. 2022
6min
Journalist & Content Manager
« N’hésite pas à me solliciter si tu as besoin d’aide. » Cette phrase, nous l’avons maintes fois entendue au boulot. Sauf que, combien sommes-nous à ne pas oser “déranger” notre collègue ou n+1, de peur de le surcharger de travail, de passer pour le boulet de service, ou tout simplement d’essuyer un refus ? Pourtant, plusieurs études suggèrent que nous avons tendance à sous-estimer la propension des autres à vouloir nous aider. Ce serait dommage de s’en priver… Alors, quand et comment (bien) demander de l’aide dans un cadre professionnel ?
C’est un dilemme bien connu : dois-je demander de l’aide pour ne pas prendre beaucoup de retard dans mon travail ? Ou dois-je coûte que coûte faire preuve d’autonomie en me débrouillant tout seul ? En réalité, si nous hésitons tant à solliciter de l’aide, c’est en premier lieu car nous avons peur d’essuyer un refus, mais également d’encombrer l’agenda des autres, surtout à l’heure où chacun est obsédé par la gestion de sa “bande passante”. Les entreprises ont également de plus en plus tendance à privilégier les profils proactifs et autonomes, sans oublier que le travail à distance ne favorise clairement pas la transmission des connaissances. Si bien que demander de l’aide peut entraîner chez certains la peur d’être jugés, ou encore celle d’afficher leurs faiblesses et lacunes. Et, durant certaines périodes de la vie professionnelle - comme l’arrivée dans un nouveau job -, cela ne semble pas bienvenu.
Pourtant, plusieurs études suggèrent que les gens sont naturellement enclins à apporter leur aide. C’est notamment le cas de ces travaux publiés dans Psychological Science qui démontrent que les gens sous-estiment largement la bonne volonté, et même le plaisir que les autres prennent à aider autrui. « Nous nous sentons bien lorsque nous faisons une différence positive dans la vie des autres (…) Cela nous permet de nous sentir mieux », explique le Dr Zhao, l’un des responsables de l’étude. Alors, ne privons pas les autres de ce plaisir !
5 bonnes raisons de demander de l’aide au boulot
Demander de l’aide au travail n’est pas toujours très naturel. Pourtant, les bénéfices sont multiples :
1. Valoriser votre interlocuteur
Puisque le premier blocage est généralement la peur de se voir opposer un “non” ou de déranger, il est important de comprendre qu’une personne à qui l’on demande de l’aide se sent avant tout valorisée. « C’est très agréable de se sentir utile. Cela permet aussi, pour la personne interrogée, de se réengager vis-à-vis de son propre travail en prenant de la hauteur sur sa mission, son expertise », analyse Delphine Tordjman, spécialiste du feedback et directrice de Smartness, société spécialisée dans le conseil en leadership et développement de soft skills. Ce qui explique en partie pourquoi d’une manière générale, les individus sont si naturellement enclins à apporter leur aide, et ce, peu importe les liens hiérarchiques qui les unissent.
2. Admettre sa vulnérabilité
« Demander un retour à quelqu’un ou une aide sur un projet, c’est entrer en relation avec l’autre à partir d’un espace de vulnérabilité qui est sain », affirme notre interlocutrice. D’une certaine façon, nous sommes tous interconnectés et avons besoin des autres pour réussir. L’important étant alors d’équilibrer sa posture : un jour on demande de l’aide, l’autre on en apporte.
3. Se mettre dans une posture d’apprenant
Demander de l’aide, ce n’est pas montrer ses faiblesses, mais plutôt témoigner que l’on est investi et que l’on cherche à s’améliorer sans cesse. Cela fait écho aux “entreprises apprenantes” dans lesquelles la transmission du savoir-faire et du savoir-être s’opère par des formations “Afest” (action de formation en situation de travail ou mentorat, ndlr). « C’est aussi de plus en plus le rôle du manager-coach qui doit faire des retours réguliers sur le travail de ses coéquipiers pour les faire progresser », souligne Delphine Tordjman. Une posture à l’opposé de la rétention du savoir comme source de pouvoir qui a longtemps été la norme dans le monde de l’entreprise. Mais avec l’émergence des nouvelles technologies, le rôle du manager est avant tout de créer les conditions de réussite pour aider chacun à développer son potentiel. Un manager peu présent, et qui n’apporte pas ou peu son aide, risque d’être rapidement déboulonné ! « Dans un monde rêvé, tout le monde devrait pouvoir être formateur occasionnel dans son entreprise », renchérit la spécialiste.
4. Démontrer ses soft skills
Être capable de demander de l’aide de façon pertinente, c’est également faire la démonstration de ses soft skills. Or, dans un monde où les compétences évoluent très vite, et se périment rapidement, ces soft skills sont devenues centrales, quand les hard skills (compétences techniques) semblent plus secondaires. « Il s’agit moins de savoir que d’apprendre à faire, et cette aptitude demande de travailler sur soi : autonomie, agilité, demande d’aide et de feed-back… », poursuit Delphine Tordjman. C’est pourquoi, une fois de plus, il ne faut pas avoir honte de solliciter de l’aide.
5. Se faire du réseau
Pour notre experte, « demander de l’aide aux bonnes personnes peut même être un levier stratégique pour se faire du réseau lorsque l’on arrive dans un nouveau service. Cela prouve que l’on est proactif, humble, et que l’on a toujours envie d’apprendre. » Nous pouvons notamment avoir besoin d’aide lorsque nous arrivons dans une nouvelle entreprise, et qu’une partie des process ne se découvre pas à travers des slides mais des échanges oraux. Cibler les bonnes personnes et obtenir les bonnes informations demandera alors une forme de finesse et d’intuition. Sans oublier qu’en vous apportant de l’aide, en devenant vos mentors, ces personnes sont quelque part liées à votre réussite.
Comment demander de l’aide (sans passer pour le relou de service) ?
Maintenant que nous avons compris l’importance de demander de l’aide en entreprise, voici comment manier cet art dans la finesse, sans bombarder son collègue ou N+1 de notifications !
1. Bien cadrer sa demande
« Le problème le plus fréquent lorsque l’on sollicite du soutien, c’est que l’on n’est pas précis sur ce que l’on attend en retour », précise Delphine Tordjman. Le risque, c’est alors d’ouvrir la voie à ce que l’autre déconstruise entièrement le travail effectué, en prenant sa propre perspective, c’est-à-dire la manière dont par exemple, il aurait traité le sujet en question. C’est pourquoi, vous devez déterminer si vous recherchez par exemple : des conseils pour écourter votre présentation, des encouragements ou de la réassurance, un apprentissage sur une compétence technique, un retour sur un savoir être pour décoder une culture d’entreprise et bien s’y intégrer, une prise de hauteur pour mieux comprendre le sens d’une mission etc. « En cadrant votre demande, vous aidez l’autre à se positionner », recommande l’experte. Et bien entendu, pour réussir à bien clarifier sa demande, il faut être parfaitement au clair sur ce dont on a besoin.
2. Ne pas rester dans une posture attentiste
S’il n’y aucune honte à demander de l’aide, il ne faut pas non plus verser dans l’extrême inverse et réclamer un sauvetage ! Il demeure important de rester moteur. Si par exemple, vous avez un plan marketing à effectuer, mais qu’il vous manque des informations, partez de vos compétences, de votre savoir-faire, et fiez-vous à votre intuition. « Vous pourrez alors rapidement solliciter un feedback, mais sur la base de quelque chose que vous aurez construit vous-même », recommande l’experte.
3. Ne pas demander de l’aide en continu
Si on vous encourage à demander de l’aide et à ne pas attendre la catastrophe, il ne s’agit pas non plus de bombarder votre n+1 sur Slack à longueur de journée. Il est de bon ton de demander ce que l’on attend de l’autre concrètement (comme on l’a vu plus haut), mais aussi d’être capable de mesurer le temps que cela va lui prendre. Si l’on vient de commencer un nouveau boulot, il est recommandé de centraliser les demandes. « C’est important de ne pas demander de l’aide en continu. Mieux vaut noter ses questions sur un carnet et faire un point à un moment précis et cadré », recommande Delphine Tordjman.
4. Apporter de l’aide en retour
Lorsque l’on demande de l’aide, il est essentiel de se positionner dans un principe de réciprocité, même si l’on n’a pas le même niveau hiérarchique. Cela peut sembler plus difficile quand on est junior, et pourtant, il existe de nombreux moyens d’aider une personne plus expérimentée : l’aider à préparer les slides de sa présentation, fournir une aide logistique pour un événement etc.
5. Éviter de solliciter de l’aide sur des sujets perso
Problèmes de couple, soucis de garde d’enfants… S’il est naturel d’évoquer ces sujets avec ses collègues autour de la machine à café, il n’est pas recommandé de mettre ces thèmes sur la table tous les matins et de solliciter un soutien. « Certaines personnes prennent le travail pour un déversoir de leurs problèmes personnels, ce qui est inadéquat, même dans un environnement très friendly comme celui des startups », prévient notre experte. En effet, cela peut mettre les autres collaborateurs mal à l’aise, sans oublier qu’ils ne sont pas habilités à répondre (bref, pas de séance sur le divan !).
6. Ne pas s’offusquer en cas de refus
Malgré tout ce que nous avons dit précédemment, il est possible qu’on vous oppose un “non” lors de votre demande d’aide. À ce moment-là, il est probable que nous n’ayez pas toqué à la porte de la bonne personne, ni au bon moment. Comme par exemple, un collègue avec lequel vous êtes de facto en compétition, parce que la culture d’entreprise dans laquelle vous évoluez la favorise (comme la rémunération sur performance individuelle). « J’ai déjà entendu une RH me dire “la nouvelle DRH je ne vais pas l’aider plus que ça, elle est payée beaucoup plus que moi alors je ne vais pas faire son boulot à sa place.” Ne pas vouloir aider une personne à réussir parce qu’on aurait aimé avoir son poste ça arrive et c’est humain aussi », alerte Delphine Tordjman. Il est donc important de ne pas systématiquement juger une personne qui n’apporte pas son aide. Un autre cas de figure possible est que votre employeur cherche à vous jauger comme pendant votre période d’essai à un nouveau poste. En effet, de nombreux candidats n’hésitent pas à survendre leurs compétences en entretien, et les employeurs préfèrent alors “tester” leurs nouvelles recrues en les laissant (parfois) pédaler dans la semoule. « Une fois encore, revenez aux basiques, à vos compétences, et fiez-vous à votre raisonnement », conseille notre experte.
Pour conclure, si l’intelligence de la situation impose de pondérer vos requêtes et de les adresser aux bonnes personnes, n’ayez tout de même plus crainte et n’hésitez plus à demander de l’aide ! Non, vous ne passerez pas pour le gros lourdeau de service, mais au contraire pour un collaborateur investi, avide d’apprendre et d’évoluer.
Article édité par Aurélie Cerffond, photo Thomas Decamps pour WTTJ
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