Shaker : comment recruter des profils techniques ?

29 juin 2018

8min

Shaker : comment recruter des profils techniques ?
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Aussi essentiels au développement d’une entreprise que compliqué à trouver les profils techniques sont aujourd’hui des perles rares recherchées par recruteur, chasseurs de tête ou cabinet de recrutement. Si ces profils sont si complexes à recruter, c’est qu’ils sont particuliers, autant dans leur façon de rechercher un emploi, de s’informer que de travailler. Process de recrutement, communication de marque employeur, onboarding : autant de leviers à activer pour recruter des profils techniques.

À l’occasion de notre événement Shaker du 27 juin 2018, trois professionnels sont venus nous parler du sujet du recrutement de profils techniques :

  • Albane Hussenet, Talent Acquisition & Employer Brand Manager chez BlaBlaCar, le premier réseau de covoiturage au monde,

  • Thierry Abaléa, Chief Technical Officer de Fluo, une startup qui développe des solutions pour améliorer les services d’assurance,

  • Emmanuel Gueidan, VP of Engineering chez Datadog, un service de monitoring des applications cloud hybrides.

Étapes de recrutement des profils techniques

Chez BlaBlaCar le processus commence par un call de 30 minutes avec Albane Hussenet pour évoquer la motivation du candidat, puis un call d’une heure avec un manageur technique. Suivent ensuite des tests techniques, dans les locaux ou à distance, et une rencontre avec des développeurs qui peut être l’occasion pour le candidat de faire du pair programming ou d’être challengé techniquement. Un reference check est ensuite réalisé en appelant trois anciens managers du candidat pour avoir du feedback sur sa valeur. Enfin, ce dernier passe un entretien avec le VP engineering, voire le CEO pour les postes de managers.

Les étapes de recrutement chez Fluo sont assez similaires. Tout d’abord un call de 30 minutes avec un senior pour parler du produit et poser quelques questions techniques crash test au candidat afin d’éviter de faire perdre du temps à tout le monde s’il n’est pas à la hauteur. Puis un entretien d’une heure sur site avec trois développeurs pour faire connaissance, car un job est avant tout une aventure humaine. Le candidat effectue ensuite un exercice sur une application web chez lui, et les recruteurs passent en revue tout son code pour lui fournir une synthèse de leurs remarques. Le candidat n’aura ainsi pas gâché son temps, même si la réponse de Fluo est négative.

Deuxième étape technique : un entretien de pair programming sur site qui est un bon moyen de se retrouver en quasi conditions réelles. Le processus se termine par un entretien de 30 minutes avec le CEO. « On essaye d’aller au rythme du candidat. On peut étaler les étapes sur plusieurs semaines ou tout faire en deux semaines si c’est ce qu’elle ou il veut. », précise Thierry Abaléa.

« On essaye d’aller au rythme du candidat. On peut étaler les étapes sur plusieurs semaines ou tout faire en deux semaines si c’est ce qu’elle ou il veut. » - Thierry Abaléa, Chief Technical Officer chez Fluo

Datadog, plusieurs corps de métiers sont impliqués dans le recrutement : les développeurs, les recruteurs, et les coordinateurs qui s’assurent que le candidat ne soit pas surpris et se sente accompagné. Le premier contact se fait à travers unphone screen - une interview par téléphone - avec un recruteur, suivi d’un tech screen avec un développeur, et d’une étape de. Si tout cela s’est bien passé, le candidat est invité à se rendre dans les locaux pour passer selon le poste des entretiens de coding et de design avec un manager. À cela peut éventuellement s’ajouter un entretien avec un executive en fonction du rôle et du type de recrutement.

Conseils pour un entretien réussi

D’une manière générale, il faut consacrer des ressources conséquentes au recrutement des profils techniques. Emmanuel Gueidan déclare ainsi qu’« un développeur peut passer jusqu’à 10 à 20% de son temps à faire du recrutement chez Datadog car l’expérience candidat est ce qu’il y a de plus important. »

Pour commencer, les trois speakers sont d’accord sur le fait qu’il vaut mieux concevoir ses propres tests techniques, adaptés aux projets et contexte de son entreprise, plutôt que d’acheter des tests tous prêts. Il est également préférable de ne pas les faire passer à l’issu du premier call, car ces tests représentent une étape assez engageante qui nécessite que le candidat ait suffisamment envie de se lancer.

Autre recommandation : afin que le recruteur ne soit pas biaisé lorsqu’il fait passer un entretien, mieux vaut qu’il n’ait pas parlé du candidat au préalable avec les personnes ayant conduit les entretiens précédents. Il est important de professionnaliser les employés qui prennent part au processus de recrutement et de bien leur faire comprendre qu’une décision doit être prise à la fin. Thierry Abaléa ajoute que « dans le doute, il vaut mieux s’abstenir de recruter ». Il a en effet déjà embauché des candidats compétents, mais qui pensaient avoir des difficultés avec certaines pratiques de l’équipe, et la période d’essai n’a été concluante ni pour l’employé ni pour Fluo.

Enfin, le candidat appréciera de recevoir du feedback tout au long du processus, et ce même s’il n’est pas retenu, afin de comprendre qu’elles ont été ses forces et ses faiblesses à chaque étape. « L’idée est que le ou la candidate ressorte en ayant appris quelque chose du process de recrutement. », souligne Albane Hussenet.

L’onboarding : la phase à ne pas négliger

L’onboarding commence dès que le candidat choisi a dit oui. La première clé est donc de « toujours maintenir la communication pendant son préavis, afin de lui montrer qu’on ne l’oublie pas durant ces quelques mois », explique Albane Hussenet. Cela peut prendre la forme d’invitations aux afterworks, de petits cadeaux ou de cartes témoignant de l’enthousiasme de l’équipe quant à son arrivée.

La deuxième clé : l’accompagner durant ses premières semaines dans l’entreprise.

Chez BlaBlaCar, cela commence par une première phase de trois jours, commune à tous les nouveaux arrivants, durant laquelle ils découvrent l’histoire de l’entreprise, font le tour des locaux, rencontrent les équipes etc. Puis une deuxième phase, propre à chaque équipe, leur permettant de se familiariser avec leur sujet.

Chez Fluo, on fait beaucoup de pair programming durant l’onboarding : un nouveau et un ancien codent ensemble pour permettre un transfert des connaissances, et les binômes changent tous les deux-trois jours.

Pour Datadog, le but de cette phase est d’une part de transmettre la culture d’entreprise afin qu’elle ne se perde pas avec le temps et la croissance, et d’autre part que les nouveaux employés se sentent à l’aise, en leur apprenant les noms dans l’équipe, où trouver les informations dont ils auront besoin, et vers qui se tourner en cas de questions. « On a déjà mis en place un système de buddy et mentor, mais on aimerait pousser le mentoring plus loin pour qu’il accompagne l’employé tout au long de sa vie professionnelle. », rajoute Emmanuel Gueidan.

« On a déjà mis en place un système de buddy et mentor, mais on aimerait pousser le mentoring plus loin… » - Emmanuel Gueidan, VP of Engineering chez Datadog

Comment donner envie aux profils techniques de rester ?

L’entreprise peut leur offrir des avantages divers et variés. Du matériel de qualité, par exemple, qui rendra leur travail plus agréable, ou la possibilité d’assister à des conférences et meet-ups sur des sujets qui les intéressent.

En termes d’événements, les coding nights et hackathons sont également appréciés car ils donnent l’occasion d’innover et de réfléchir out of the box, alors queles katas, qui se développent de plus en plus, permettent aux programmeurs de perfectionner leurs compétences à travers la pratique et la répétition.

Les voyages, si possible, sont aussi un plus, et c’est pourquoi Datadog inscrit régulièrement ses développeurs en tant que speakers à des conférences internationales et que BlaBlaCar leur permet de partir une semaine par an dans un des bureaux à l’étranger (le swap). Par ailleurs, être remote friendly permettra à ceux qui le souhaitent de faire du télétravail, que ce soit à temps partiel ou même à temps plein s’ils habitent loin ou à l’étranger.

Mais faire rêver ses employés avec des avantages ne suffit pas, il faut aussi prendre soin d’eux au quotidien, leur offrir un environnement stimulant, et suffisamment de liberté d’exécution et d’autonomie. S’intéresser à leur ressenti et mettre en place des choses qui leur tiennent à coeur les encouragera à rester. Des rendez-vous employés/managers fréquents peuvent par exemple leur donner l’opportunité d’exprimer leur feedback. « Comprendre pourquoi les gens partent permet aussi d’améliorer son recrutement et les avantages qu’on offre. », fait remarquer Emmanuel Gueidan.

Ne pas non plus négliger la phase d’offboarding : rester en bon contact avec l’employé qui part, lui écrire une recommandation sur Linkedin, l’inviter aux soirées d’entreprise, car il se peut qu’elle ou il revienne un jour.

« Comprendre pourquoi les gens partent permet aussi d’améliorer son recrutement et les avantages qu’on offre. » - Emmanuel Gueidan, VP of Engineering chez Datadog

Il est également crucial d’avoir une politique salariale équitable et adéquate aux profils recherchés. « Chez BlaBlaCar, nous avons mené un partenariat avec Radford, qui réalise des études salariales, pour benchmarker les entreprises européennes de notre domaine. Cela nous permet d’avoir un cadre clair et des chiffres en tête lorsqu’il s’agit de positionner les candidats en termes de rémunération. », indique Albane Hussenet.

Une option, choisie par Datadog, pour intéresser les salariés à la réussite de l’entreprise consiste à utiliser des stocks options. Les employés apprécieront par ailleurs de voir leur performance récompensée.

La marque employeur tech : un outil précieux

Communiquer sur son entreprise auprès des candidats potentiels est un excellent moyen de faciliter le recrutement. Comme le dit Albane Hussenet, « c’est dommage de faire des choses géniales en interne et de ne pas capitaliser dessus. Chez BlaBlaCar, on a offert offre l’opportunité à nos développeurs de faire un culture trip, un voyage d’une semaine dans la Silicon Valley pour rencontrer les grosse boites de tech et échanger avec elles, mais on ne le communiquait pas alors que ce n’est pas quelque chose qui est proposé par tout le monde ! C’est d’ailleurs un format que nous sommes en train d’améliorer. ». Cela peut se faire via les réseaux sociaux, un blog, le site internet, ou en formant les équipes tech à prendre la parole lors de conférences et meet-ups afin de faire connaître l’entreprise et ses projets.

Fluo, malgré sa petite équipe, a participé à quatre talks lors de la dernière édition de la conférence Devoxx - la plus grosse conférence indépendante de développeurs en France.

« C’est dommage de faire des choses géniales en interne et de ne pas capitaliser dessus. » - Albane Hussenet, Employer Brand Manager chez BlaBlaCar

Et pour que la communication soit efficace et reste dans l’esprit des personnes ciblées, elle doit être faite de manière fréquente et régulière.

La marque employeur tech est un outil utile même pour les entreprises bien connues du milieu. Dans le cas de Datadog par exemple, les candidats sont souvent des clients qui utilisent les produits depuis longtemps, même si beaucoup d’entre eux ne savent pas qu’il existe un bureau à Paris.

Le futur du recrutement des profils techniques

Pour mettre un terme à la pénurie de candidats dans ce domaine, une première solution pourrait être de former tout le monde au code dès le plus jeune âge. Ainsi, davantage de jeunes connaitraient et apprécieraient cette discipline et choisiraient d’y faire carrière. Dans cette optique, BlaBlaCar accueille des ateliers de code et a lancé un partenariat avec Magic Makers, une organisation qui apprend le code aux enfants de 7 à 15 ans, afin d’animer des ateliers sur le développement de sa première application, la découverte des drones etc…

Autre piste de travail : encourager les femmes à postuler, car aujourd’hui la majorité des candidats sont des hommes.

Cela passe d’abord par la réécriture des offres d’emplois pour mettre davantage en avant la sensibilité produit et pas seulement l’expertise technique, et pour réduire le nombre d’exigences quant au profil recherché. « Une femme va avoir tendance à candidater si elle arrive à cocher au moins 80% des points sur l’offre, alors que pour un homme, 30 à 40% lui suffira. », souligne Thierry Abaléa. S’associer à des associations pour promouvoir les femmes dans la tech, organiser des évènements avec des femmes qui réussissent, créer des role models féminins, sont aussi des façons de féminiser ces professions et ainsi de créer des entreprises plus paritaires et - rappelons le - qui réussiront mieux !

Emmanuel Gueidan note enfin qu’il y a une tendance des développeurs à devenir freelance et se questionne sur leur place dans la transformation de demain et sur le pourcentage des effectifs qu’ils représenteront.

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