Réunion pré-mortem : la méthode idéale pour mieux anticiper vos projets

14 juin 2023

5min

Réunion pré-mortem : la méthode idéale pour mieux anticiper vos projets
auteur.e
Marlène Moreira

Journaliste indépendante.

contributeur.e

Pourquoi de nombreux projets échouent ? Bien souvent parce que les personnes impliquées hésitent à partager leurs réserves façon « oiseau de mauvais augure » pendant la phase de préparation. On décortique à ce propos une solution avec notre expert Louis Vareille : la réunion pré-mortem.

La réunion pré-mortem consiste à identifier, en amont du lancement d’un projet, toutes les raisons possibles de son échec. De quoi donner des frissons de plaisir aux plus pessimistes d’entre nous ! Mais vous vous en doutez, elle n’a pas pour unique but d’imaginer le pire, en restant les bras croisés. Il s’agit avant tout de mettre en place des mesures préventives afin d’éviter des catastrophes bien réelles. C’est l’application business du « mieux vaut prévenir que guérir ». On en fait le tour avec notre expert réuniologue Louis Vareille.

Pourquoi la réunion pré-mortem a de l’avenir

Un outil d’intelligence collective au service du succès potentiel d’un projet…

Cette technique - développée par Gary Klein en 2007 - offre un savoureux mélange de brainstorming et d’analyse des risques qui fait ses preuves. « Au fond, c’est une manière très intéressante de mettre au travail des intelligences diverses pour maximiser les chances de succès d’un projet », résume Louis Vareille. L’exercice est ainsi très habile pour faire partir le projet sur des rails solides, avec le soutien de tous.

C’est également une approche qui sensibilise l’équipe dans le but de détecter les premiers signes d’un problème une fois le projet lancé. « Quand on a soulevé autant de lièvres, imaginé des actions préventives et responsabilisé chacun, non seulement, on remet de l’ordre dans un projet, mais on apprend aussi sur ce qui sera vraiment critique pour son succès et quel rôle on devra y jouer », ajoute encore l’expert du Lab.

…à mettre en œuvre à bon escient !

Malgré ses bénéfices, la réunion pré-mortem n’est pas LA méthode parfaite. Il ne s’agit donc pas de l’utiliser à toutes les sauces car :

  • Elle fait sens uniquement sur des projets réellement stratégiques : de manière générale, on l’applique à des projets clés pour l’entreprise (lancement de produit, virage stratégique…) ou quand un projet comporte des risques aux conséquences graves (construction d’un pont, réfection d’un bâtiment important…).
  • Elle mérite plusieurs sessions pour être efficace : le format classique de ces réunions - à savoir, une longue session d’une demi-journée - n’est pas nécessairement idéal. « Tout le monde n’est pas capable d’identifier tous les aléas possibles liés à son domaine de compétence en un temps limité, enfermé dans une salle de réunion. Certains ont besoin d’une balade en forêt pour générer des idées, d’autres d’être au calme dans leur bureau. Je pense que l’on gagne en puissance en organisant une préparation asynchrone, ou en menant le process sur plusieurs sessions », recommande Louis Vareille.
  • Elle n’est pas exhaustive : il faut rester conscient que, quoi qu’il arrive, il n’est pas possible d’imaginer TOUS les problèmes qui pourraient survenir au cours d’un projet. La réunion pré-mortem ne doit pas conduire votre équipe à mettre des œillères.

Malgré tout, retenons une chose : parfaite ou non, chaque réunion est un prétexte pour souder une équipe. Et la réunion pré-mortem est, en ce sens, un exercice particulièrement adapté. « *La réunion pré-mortem est une sorte de jeu, qui permet d’installer le collectif et d’augmenter la sécurité psychologique de ses membres. C’est un contexte dans lequel il est plus facile d’apporter des objections, car le problème n’est pas réel. On peut même dire au grincheux que, pour une fois, il doit se lâcher ! Les participants se révèlent, et il y a de l’intelligence sociale qui se crée », explique l’expert. C’est une manière de mieux connaître les domaines d’expertise de chacun, mais aussi leurs modes de fonctionnement. « Et cela permet à chacun de trouver sa place* », ajoute Louis Vareille. Qui aurait pu imaginer que parler de catastrophes puisse resserrer les liens au sein d’une équipe ?

Autopsie d’une réunion pré-mortem réussie

La réunion pré-mortem est un exercice très particulier. « On va mettre autour de la table des individus qui ont non seulement des expertises différentes, mais surtout portent un regard différent sur ce que peut être le chemin qui conduit au succès d’un projet : il va y avoir les enthousiastes, les chipoteurs, les fatalistes, les risque-tout… Il est donc essentiel de réunir les conditions qui permettent à toutes les sensibilités de s’exprimer », explique Louis Vareille. L’expert analyse pour nous les différentes étapes d’une réunion pré-mortem, et partage ses conseils pratiques.

Étape n°1 – Le lancement de la séance

Comme toutes les réunions, la pré-mortem commence généralement par un tour de table qui permettra à chacun de se présenter et de partager son domaine d’expertise, mais également de se mettre en condition. C’est le fameux processus d’inclusion. « Ici, c’est d’autant plus important de générer une bonne énergie que l’on va discuter de sujets assez négatifs. Je recommande donc un tour d’inclusion assez positif, pendant lequel chacun pourra évoquer en quelques mots un projet dont il est particulièrement fier, par exemple », recommande Louis Vareille. L’animateur de la réunion explique et détaille ensuite les différentes étapes de la méthode. Ce lancement est essentiel pour créer la sécurité psychologique qui permettra à tous de s’exprimer. « Le facilitateur doit inviter chacun à dire ses craintes et ses doutes. C’est le meilleur des moments pour le faire, et pas plus tard, une fois dans le feu de l’action », précise Louis Vareille.

Étape n°2 – La génération des idées

Une fois le cadre posé, c’est au tour de la créativité de s’exprimer. L’animateur informe alors le collectif que le projet a échoué de façon spectaculaire. Commence alors un temps de réflexion individuel pendant lequel chaque participant établit une liste des raisons qui ont pu conduire à cet échec. « Nous avons tous des besoins différents quand il s’agit de générer des idées. Invitez chacun à choisir ce qui lui convient : certains auront besoin de gribouiller, d’autres de faire les 100 pas dans le couloir… L’important est que ce soit individuel pour éviter la pensée de groupe », rappelle Louis Vareille.

Vient ensuite le temps de partage des idées : chaque participant va pouvoir présenter le fruit de ses réflexions au groupe. Toutes les idées doivent être recueillies dans le silence, sans être critiquées ni discutées. « Ici, il est primordial de créer des conditions d’équité de parole. Je recommande que chacun propose UNE idée à tour de rôle. Il faut absolument éviter ce terrible schéma du dernier interrogé qui n’a rien à dire et se sent inutile, car toutes ses idées ont déjà été exprimées », alerte Louis Vareille.

Étape n°3 – Le tri et l’analyse des solutions

Une fois les idées exprimées, celles-ci doivent être triées et classées en fonction de leur pertinence et de leur impact potentiel sur le projet. À chaque typologie de projet ses critères, mais de manière générale, il est adapté de noter : l’impact, la probabilité et la réversibilité. « Si le temps imparti ne permet pas de traiter chaque idée une par une, un système de gommettes peut être utile ici : donnez un nombre défini de gommettes à chaque participant, et laissez-les les coller sur les idées qu’il juge les plus impactantes et les plus probables. Ainsi, tout le monde peut s’exprimer et cela permet souvent de voir émerger un consensus », propose l’expert.

Ensuite seulement, arrive le moment de parler « actions ». Analysez les principaux problèmes et commencez à réfléchir à des solutions pour chaque défaillance. Cela constituera l’épine dorsale de votre analyse des risques et de votre stratégie. « Je conseille d’abord de faire un travail en sous-groupe, qui va permettre une équité de contribution, une meilleure qualité d’écoute et plus de concentration. Puis seulement, une étape de mise en commun », conseille Louis Vareille. C’est enfin le moment de passer au plan d’action : compte tenu de ces nouvelles connaissances, réexaminez le projet et voyez comment chacun pourra contribuer à limiter les risques potentiels identifiés. « *Ne repartez jamais sans résumer les actions et les responsabilités des uns et des autres, ni sans avoir remercié les participants ! »

Si nous ne doutons pas que vous soyez maintenant convaincu(e) par les bénéfices de l’exercice, une dernière question se pose : devez-vous craindre une vague de pessimisme post réunion ? « Pas nécessairement », rassure Louis Vareille. Pour l’expert, terminer avec des actions concrètes à mettre en place, des responsabilités attribuées à chacun, permet au contraire de rassurer sur la pérennité du projet. « Chacun a pu exprimer ses doutes. On a rendu l’implicite explicite. Des individus qui sortent de réunion avec le sentiment d’avoir été entendus et d’avoir appris sont généralement rassurés et énergisés ! », conclut Louis Vareille.


Article édité par Mélissa Darré, photo : Thomas Decamps pour WTTJ

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