Réunion : comment composer avec les différentes personnalités de votre équipe ?

06 avr. 2023

5min

Réunion : comment composer avec les différentes personnalités de votre équipe ?
auteur.e
Marlène Moreira

Journaliste indépendante.

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Dans une réunion, il y a toujours celui ou celle qui parle trop, celui ou celle qui parle trop peu, le petit nouveau et le taulier de l’open-space… autant de profils et de personnalités différentes, qu’il faut savoir gérer. Passage en revue des astuces pour y parvenir avec notre expert Louis Vareille, réuniologue et auteur.

La diversité, on en mange à toutes les sauces. « En entreprise, on parle beaucoup de diversité des genres, de culture, d’origines… mais on oublie parfois qu’il existe beaucoup d’autres formes de diversité : de caractère, de compétences, de niveau hiérarchique, d’ancienneté, etc. Et au sein d’une réunion, c’est indispensable de prendre ces diversités en compte, elles aussi », introduit Louis Vareille. Alors, comment identifier et traiter avec des participants aux profils différents ? Et comment faire de cette diversité un atout ? Décryptage.

De quelle diversité parlons-nous ?

Pour Louis Vareille, il y a deux façons de piloter une réunion. « Pendant des années, j’ai utilisé la première : je comptais sur le fait que chacun adopte mon mode de communication et s’adapte à ma façon d’animer. Puis avec l’expérience, j’ai compris que je me trompais et qu’il me fallait apprendre à adapter la réunion et mon animation à ses participants », explique-t-il. Car la diversité des comportements et des attentes des individus en réunion n’est finalement que le reflet de la diversité de leurs profils, de leurs intelligences et de leurs manières de raisonner.

L’Américain Bruce Campbell, spécialiste des intelligences multiples, confirme cette observation dans ses ouvrages, en indiquant que 80 % d’un auditoire ne partage pas le même « bouquet d’intelligences » que son animateur. D’où l’intérêt -notamment dans une réunion - de solliciter un maximum de formes d’intelligence. Mais comment reconnaître les intelligences et la personnalité des personnes qui vous font face ? N’est pas fin psychologue qui veut. Par ailleurs, la « personnalité » est un concept complexe et englobe de nombreux aspects de la vie d’une personne : ses traits de caractère, ses attitudes, ses croyances, ses émotions, ses comportements. Alors pour gérer différents types de profils, il faut déjà être capable de dessiner les grands contours de celles des personnes qui vous font face.

Cerner les personnalités autour de la table : comment faire ?

Bien souvent, vous avez déjà une idée de la personnalité des collègues avec qui vous travaillez au quotidien : Paul est très confiant et monopolise la parole, Samia parle peu mais avec précision, Thomas monte rapidement dans les tours et Jeanne est pointilleuse sur les chiffres. Mais comment faire quand vous êtes face à des participants que vous ne connaissez pas, ou peu ?

N’ayez pas honte : stalkez !

Oh le vilain mot. Et pourtant, s’il est dangereux de partir en quête d’information sur un voisin un peu louche (qui sait ce que vous pourriez découvrir), il est tout à fait recommandé de vous adonner aux joies du voyeurisme pour préparer une réunion. « Si je ne connais pas un participant, je vais toujours faire un tour sur son profil LinkedIn. On peut en apprendre plus sur lui qu’on ne le croit », confie Louis Vareille.

Car oui, un profil LinkedIn est une mine d’information. Le doctorant Frédéric Piedbœuf de l’Université de Montréal travaille d’ailleurs sur un algorithme qui permettrait d’identifier les grands traits de caractère d’une personne à travers son profil LinkedIn. Vos expériences professionnelles peuvent ainsi en dire long sur votre niveau d’ambition, vos publications et vos commentaires révèlent vos opinions et vos sujets d’intérêts… Bref, Internet a fait de tous un véritable livre ouvert.
Autre méthode, plus conventionnelle, également utilisée par Louis Vareille : entrer en contact avec les participants inconnus en amont de la réunion, afin d’échanger quelques minutes avec eux et avoir une première idée de leur fonctionnement et de leurs attentes. Moins « creepy », sans doute.

Prêtez attention aux signes

À quoi être attentif pour décoder l’autre ? « Tout est signifiant, rien n’est un hasard. Il ne faut pas chercher à tout interpréter, mais vous pouvez repérer tout de même quelques indices », soutient Louis Vareille. À quelle place les participants ont-ils choisi de s’asseoir ? Que font-ils en arrivant : relisent-ils leurs notes, ouvrent-ils leur ordinateur, ou bien préfèrent-ils bavarder avec leur voisin ? Qu’ont-ils devant eux : un carnet, un ordinateur, un empilement de smartphones… ou bien, rien du tout ?

Lorsque la réunion commence, l’attention de son animateur à tous les signaux verbaux et non-verbaux ne doit pas faiblir. « Si vous voyez un pattern commun, par exemple 6 des 8 participants qui croisent soudainement les bras en se reculant sur leur chaise, vous devez prendre en compte ce signal », explique-t-il. Pour autant, garde à ne pas jouer aux mentalistes de série B : ne cherchez pas nécessairement à tirer des conclusions vous-même. « Au contraire, profitez de cette occasion pour les interroger de manière très simple : vous êtes plusieurs à avoir croisé les bras en même temps, qu’ai-je dit qui suscite cette réaction ? », illustre l’expert.

Tirez parti du tour d’inclusion

Enfin, organisez toujours un tour d’inclusion. C’est l’un des grands secrets d’une réunion réussie. « Pour moi, c’est un moment du domaine du sacré. On doit être très attentif à ce que chacun dit, car c’est à la fois une opportunité unique d’accueillir les participants, mais surtout de lire et faire lire un peu de ce que chacun a en tête », affirme Louis Vareille. Une simple question ouverte (« Qu’est-ce qui est prioritaire pour vous aujourd’hui ? ») permet d’en apprendre beaucoup sur les attentes et les profils des uns et des autres. C’est une manière de développer la « sensibilité sociale » des personnes présentes qui est l’un des deux piliers de la sécurité psychologique.

Comment créer des conditions inclusives ?

Timide, bavard, enthousiaste, grincheux, sympa… cette liste de traits de caractère peut vous faire penser aux seconds rôles du film Blanche Neige. Mais une dimension semble particulièrement clé quand il s’agit de comprendre l’autre, dans le cadre d’une réunion : est-il introverti ou extraverti ? « L’introverti trouve ses idées dans le silence. L’extraverti, en parlant », résume Louis Vareille. Et si l’introverti a besoin de calme et l’extraverti de parole, les idées de l’un ne sont pas moins bonnes que celles de l’autre. Alors, comment créer les conditions qui permettent à chacun d’eux de donner le meilleur ?

Et si on mettait fin au règne de l’oralité ?

« L’essentiel de la communication en réunion est orale, avec le risque d’exclure les introvertis », alerte Louis Vareille. Pour lui comme pour d’autres - du français Jean-Charles Samuelian-Werve d’Alan à Jeff Bezos d’Amazon, en passant par Matthieu Beucher, fondateur et président de Klaxoon - l’oral n’est pas démocratique. Jeff Bezos va plus loin et assure qu’en laissant trop de place aux personnalités plus à l’aise avec l’oral, on va vers une forme de médiocrité. Selon lui, « l’oral est paresseux alors que l’écrit nécessite de penser clairement ».

Pour Louis Vareille, gérer la diversité des personnalités en réunion consiste donc à offrir à chaque participant un terrain d’expression sur lequel il sera à l’aise. « Il faut varier au maximum les conditions d’animation : alterner entre des phases de partage à l’oral et des temps de préparation à l’écrit, ce qui est particulièrement facile lorsque les réunions se déroulent à distance en utilisant toutes les fonctionnalités des plateformes », recommande l’expert. Concrètement, il peut simplement s’agir de proposer des idées sur des post-its, ou dans le chat, au lieu de les évoquer à la volée de façon systématique.

Créer des modalités d’animation équitables

« Quand on a un temps suffisant et que le sujet de la réunion le nécessite, introduire des réflexions en sous-groupes rééquilibre également le rapport entre les différentes personnalités. Les moins à l’aise, s’exprimeront plus facilement dans un groupe de 3 à 4 personnes que devant une assemblée entière », propose-t-il également. En fin de réunion, Louis Vareille recommande de terminer par un rapide tour de table. « Cela permet parfois aux introvertis de s’exprimer. Cela permet à chacun de mettre un peu plus conscience sur la diversité dans le groupe », ajoute-t-il.

Repenser les interactions est donc la meilleure manière de créer les conditions qui permettent à tous de s’exprimer. « Il faut être capable de changer d’instrument en fonction de la salle, des enjeux, de la personne qui prend la parole. Apprendre à bien animer une réunion demande du temps, notamment pour développer sa vigilance à tous les micro indices et s’ajuster en temps réel », rassure Louis Vareille. Alors oui, vous avez le droit de faire une note de frais pour acheter des post-it colorés qui aideront les introvertis à s’exprimer. Et oui, vous pouvez couper Paul le bavard d’un « merci Paul, c’est très clair » et inciter Samia plus timide à continuer d’un « dis nous en plus ». Car prendre en compte différentes personnalités, c’est créer des modalités d’animation qui font régner l’équité et tirer le meilleur de la diversité.

Article édité par Mélissa Darré, photo : Thomas Decamps pour WTTJ.