La success story de Mathilde Collin, co-fondatrice et CEO de Front

03 août 2018

7min

La success story de Mathilde Collin, co-fondatrice et CEO de Front
auteur.e.s
Thomas Decamps

Photographe chez Welcome to the Jungle

En 2017, elle s’est hissée parmi les « 30 under 30 » du magazine américain Forbes, le classement des jeunes entrepreneurs de moins de 30 ans qui révolutionnent déjà leur secteur. Cinq ans après le lancement de Front, une application qui permet de simplifier la gestion des mails en entreprise, Mathilde Collin est à la tête d’une entreprise de plus de 90 salariés qui a récemment annoncé une levée de fonds de 66 millions de dollars. Installée à San Francisco, elle a profité d’un passage dans ses bureaux parisiens pour nous raconter son parcours, les défis qu’elle gère au quotidien et pour livrer quelques conseils à tous les jeunes qui ambitionnent de créer leur start-up.

Je suis très fière de ce qu’on a accompli mais je sais que la route est encore longue.

Quel a été ton parcours après le bac ?

J’ai fait une école de commerce, avec un master en entrepreneuriat. Pendant ma dernière année d’études, j’ai travaillé pour une entreprise qui avait développé un logiciel de gestion de contrats. Après l’obtention de mon diplôme, je les ai rejoint à temps plein pour participer au lancement d’un nouveau produit. C’est là que j’ai découvert le monde des logiciels. Personnellement, dans mon travail, je n’utilisais pas trop les contrats mais énormément l’e-mail. Je trouvais qu’il y avait encore beaucoup de choses que l’on pouvait améliorer dans la gestion de cet outil. Alors un an plus tard, j’ai quitté cette entreprise pour créer Front avec Laurent Perrin, un ingénieur que j’ai rencontré dans un start-up studio à Paris. C’était il y a un peu plus de quatre ans.

Mathilde et son équipe - Front Paris 

Avais-tu depuis toujours l’envie de créer ta propre boîte ?

Quand j’étais jeune, dans ma famille, les gens autour de moi n’aimaient pas trop leur boulot. J’étais une enfant de nature plutôt heureuse et joyeuse et je n’avais pas envie d’avoir un métier qui ne me plaise pas. Depuis toujours, créer une boîte qui aurait pour seul objectif que je sois heureuse d’aller travailler et éventuellement de permettre à d’autres personnes d’être heureuses aussi, cela m’attirait. À l’époque, je n’avais pas encore conscience que je pourrais monter ma propre entreprise mais avec le temps, j’ai pris de plus en plus confiance en moi et le stage que j’ai réalisé au cours de mes études dans une start-up a été un vrai déclic.

Créer une boîte qui aurait pour seul objectif que je sois heureuse d’aller travailler et éventuellement de permettre à d’autres personnes d’être heureuses aussi, cela m’attirait.

Comment se sont passés les débuts ?

Les débuts, c’était galère ! En octobre 2013, on a commencé à travailler sur un produit que l’on faisait tester auprès d’utilisateurs mais personne ne voulait vraiment l’adopter. On était alors basés en France mais nos premiers utilisateurs étaient presque tous aux États-Unis. J’ai donc décidé de partir à San Francisco pour les rencontrer et j’ai adoré ce séjour. Les personnes que nous avons rencontrées nous ont fait davantage confiance, et j’ai eu l’impression de faire plus de progrès en 10 jours sur place qu’en trois mois à Paris. En parallèle, on a postulé à Y Combinator, un accélérateur de start-ups américain. On a été sélectionnés, et après trois mois sur place, on a décidé de rester et toute notre équipe française a accepté de nous suivre !

Aujourd’hui ton équipe compte plus de 90 salariés et plus de 3.500 entreprises ont adopté ton application. Est-ce que tu imaginais que Front rencontrerait un tel succès ?

Je n’imaginais pas ce succès-là. Je suis de nature assez critique et je me suis toujours dit que si ça marchait, tant mieux, mais je savais que ce serait difficile. C’est marrant à quel point aujourd’hui, même si on a l’impression que Front c’est un succès parce qu’on a plus de 90 salariés et qu’on a levé plus de 60 millions de dollars récemment, en fait, je considère encore que c’est le tout début et que l’on a encore énormément de choses à prouver. Je n’arrive pas à me dire que j’ai réussi. Je suis très fière de ce qu’on a accompli mais je sais que la route est encore longue.

Au début, je faisais un peu tous les boulots : support client, commercial, recrutement, développement produit, marketing…

Comment a évolué ton job ?

Au début, je faisais un peu tous les boulots : support client, commercial, recrutement, développement produit, marketing… Puis, mon job a beaucoup évolué puisque progressivement je me suis mise à recruter des personnes meilleures que moi pour chacune de ces fonctions. Aujourd’hui, je passe à peu près 40% de mon temps à gérer des gens, un tiers de mon temps à faire passer des entretiens, un quart de mon temps à faire de la communication interne pour faire en sorte que tout le monde ait l’information dont il a besoin. Le reste de mon temps, je le passe soit sur des sujets produits, soit sur des sujets ad hoc liés au développement de l’entreprise.

Front Family

Une journée type de CEO, ça ressemble à quoi ?

Je travaille en moyenne de 8h à 18h. Chaque jour, je passe une heure à gérer mes mails et j’ai environ trois rendez-vous en face-à-face avec des salariés. Tous les jours, je passe un peu de temps à travailler sur le produit et à échanger avec nos clients. Je crois qu’il est fondamental que je reste proche d’eux, même si notre structure grandit.

Ton âge a-t-il été un frein pour réussir ?

Non, je ne crois pas. Quand on était en France, on avait plus de mal à vendre notre produit parce que notre structure était jeune et que cela pouvait effrayer les entreprises que l’on rencontrait mais je n’ai jamais eu l’impression que c’était mon âge qui posait problème. Il suffit de deux minutes de conversation pour que les gens comprennent que je ne fais pas n’importe quoi. Aux États-Unis, comme la plupart des grosses entreprises que l’on contacte étaient encore petites il y a quelques années, elles sont passées par là, elles ont beaucoup plus d’empathie et elles sont donc beaucoup plus susceptibles de collaborer avec des gens qui se lancent. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles on s’est installés aux États-Unis. Le fait d’être jeune, pour la boite et pour moi, c’était moins un problème là bas.

Je n’ai jamais eu l’impression que c’était mon âge qui posait problème. Il suffit de deux minutes de conversation pour que les gens comprennent que je ne fais pas n’importe quoi.

As-tu parfois eu le sentiment que la réussite est arrivée très/trop vite ?

Pour moi cela ne va jamais assez vite. La seule chose à laquelle je suis très attentive, c’est que l’on garde une super culture d’entreprise, même si on grandit vite. Je serais prête à accélérer moins vite si un jour je me rends compte que la cohésion de l’équipe et la communication entre nous est affectée, mais cela n’a pas été le cas pour l’instant.

À quoi dois-tu ta réussite ? Quelles qualités t’ont permis de réussir selon toi ?

Une qualité très importante quand on crée son entreprise, c’est de rester focalisé sur très peu de choses. Le risque de se disperser est très grand. Une chose que j’ai bien faite, c’est d’avoir été très sérieuse et de m’être toujours fixée des objectifs très clairs. Par exemple : faire que nos revenus augmentent et ne se donner aucune excuse pour qu’ils n’augmentent pas. Cela peut paraître stupide mais tout ce que je fais au quotidien, c’est pour remplir cet objectif.

Une qualité essentielle, c’est ce que l’on appelle en anglais le « self awareness », c’est-à-dire avoir conscience de ses forces et de ses faiblesses.

Une deuxième qualité essentielle, c’est ce que l’on appelle en anglais le « self awareness », c’est-à-dire avoir conscience de ses forces et de ses faiblesses. J’ai confiance en moi et cela me permet de faire du bon boulot mais aussi d’admettre ce que je ne sais pas faire et de continuer d’apprendre. Je pense que quand on manque de confiance en soi, on a plus de difficultés à reconnaître là où on doit progresser. Tous les 3-6 mois, mon boulot change, j’ai de nouvelles choses à apprendre mais je reste hyper transparente sur les compétences que je dois approfondir. J’ai toujours eu l’humilité de m’entourer de personnes qui ont plus d’expérience que moi. C’est ce qui fait que je suis là aujourd’hui, je n’ai rien fait toute seule. Je pense que là où j’ai eu le plus de chance dans toute l’histoire de Front, c’est de m’être associée avec Laurent Perrin et que cela ait si bien marché entre nous.

Quels conseils donnerais-tu à des jeunes qui veulent créer leur boîte ?

Les gens peuvent penser que tout nous a réussi, car tous les signaux sont au vert, on a levé beaucoup d’argent. Cela peut donner l’impression que les choses sont faciles mais en fait non. C’est incroyablement dur, cela l’a toujours été et ce le sera encore. Donc un conseil : il ne faut pas se demander si c’est normal que ce soit difficile.

Mathilde Collin

Qu’est-ce qui te plait le plus dans ton job ? Et le moins ?

À chaque fois que je fais des entretiens en face-à-face avec des salariés qui sont très épanouis cela me rend hyper heureuse. Je pense d’ailleurs que rien ne me rend plus heureuse que ça. A contrario, le principal aspect négatif de mon job, c’est qu’il est très difficile de déconnecter. Même si je fais attention à garder un bon équilibre entre ma vie professionnelle et ma vie personnelle, Front est toujours là dans ma tête et je ne peux jamais couper complètement.

Même si je fais attention à garder un bon équilibre entre ma vie professionnelle et ma vie personnelle, Front est toujours là dans ma tête et je ne peux jamais couper complètement.

Justement, comment parviens-tu à préserver cet équilibre ?

Je dors beaucoup, je fais beaucoup de sport, je prends des vacances parce que depuis le début, je savais que ce serait une aventure qui durerait des années et que je ne pouvais pas me permettre d’être fatiguée. Et puis, je médite dix minutes tous les matins et je crois que cela m’aide énormément. On vient de fêter les quatre ans de l’entreprise avec toute l’équipe et on me demandait justement comment je me sentais. Et bien, je me sens vraiment bien ! J’ai plus d’énergie qu’au premier jour !

Dans 10 ans, tu te vois où ?

Chez Front ! Je pense que l’on peut grandir encore beaucoup et j’aimerais vraiment participer encore de longues années au développement de l’entreprise. Je n’ai plus de limite à l’ambition de Front !

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Photo by WTTJ @FRONT

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