6 conseils lorsqu’on ne trouve plus de sens dans son travail

02 févr. 2023

6min

 6 conseils lorsqu’on ne trouve plus de sens dans son travail
auteur.e
Martin CadéeExpert du Lab

Guide en transition professionnelle et expert de la culture d’entreprise

« J’en ai ras-le-bol. » « Je me fais un peu ch***. » « Je ne progresse plus. » « J’ai besoin de trouver un meilleur taf. » « Il faut que ça change. Genre maintenant ! »

Voici le genre de pensées qui nous passent par la tête quand notre job a perdu tout son sens à nos yeux. La solution ? Partir tête baissée vers « la suite » : un meilleur job, une boîte plus stimulante, une équipe plus chouette… Et il faut enclencher les choses rapidement. Car bien souvent, le temps qu’on passe à chercher est considéré comme du temps « perdu ».

Et effectivement, prendre les choses à bras-le-corps est boostant, motivant. Ça donne de l’énergie et l’impression de pouvoir déplacer des montagnes. Mais avec une telle approche, vous prenez le risque de passer à côté d’un changement plus profond et bien plus épanouissant. Car parfois, prendre son temps en vaut la peine. Rester un peu dans cet inconfort et ne pas savoir ce qu’il va se passer par la suite a également ses bienfaits… Et c’est d’autant plus vrai si vous avez déjà beaucoup bougé ou évolué dans les mois ou années précédentes.

Alors que faire quand votre travail ne vous fait plus vibrer, que vos journées n’ont plus vraiment de sens à vos yeux ? Voici sept suggestions :

1. Acceptez de ne pas être dans l’action immédiatement

Quand on essaye de s’imaginer une “nouvelle vie”, la phase de recherche prend souvent du temps et peut devenir fatigante voire épuisante. Surtout quand vous devez continuer d’assurer au poste que vous occupez en même temps. Cela peut sembler contre-intuitif, mais vous offrir un break peut vraiment vous faire du bien. Pourquoi ? Car vous vous laissez ainsi le temps de souffler et créez un peu d’espace pour une étape intermédiaire, même quand la suite logique vous paraît a priori évidente.

Dans notre société moderne, on a tendance à envisager le changement comme un processus en deux étapes : de l’avant à l’après, en ligne droite. Nous espérons que cela va nous booster, nous ouvrir de nouveaux horizons. Dans de nombreuses cultures plus axées sur la tradition, le changement est perçu comme un processus en trois étapes, avec une phase intermédiaire, un « entre-deux », où on accepte de ne pas savoir, d’écouter, d’explorer. C’est quelque chose que l’on retrouve dans de nombreux rituels et rites de passage, à l’occasion de grandes étapes de la vie.

Le mythologue américain Joseph Campbell en a fait un sujet d’étude approfondie. Il s’est intéressé à de nombreuses cultures et en a rendu compte dans Le Héros aux mille et un visages (ensuite publié sous le titre Les Héros sont éternels), devenu une référence. Il y expose un schéma narratif, baptisé le « voyage du héros ». On pense à Ulysse ou à Frodon dans Le Seigneur des anneaux : le protagoniste répond à un « appel », celui de partir, de quitter le statu quo de sa vie. D’abord, le héros refuse, s’obstine, puis le départ devient inévitable et mène à toutes sortes de défis et d’expériences. Une fois ses taches menées à bien, notre héros s’en retourne au pays et partage avec tous les fruits de son voyage. C’est le début d’une nouvelle vie.

Ce schéma s’applique de la même manière à la situation que nous évoquions plus tôt. Ce désintérêt pour votre travail est comme un appel à entreprendre un voyage. Notre vision moderne (et pressée) nous pousse à être dans l’action immédiate. Passer à autre chose, monter une marche, est certes positif : cela apporte un vrai soulagement, et c’est aussi une évolution. Cependant, un épanouissement plus durable passe par le fait de nous connecter, par différents moyens, à notre “moi” authentique et à notre vraie raison d’être. Et pour cela, beaucoup d’entre nous doivent entreprendre ce voyage du héros ou de l’héroïne, quelle que soit sa forme.

Comme je l’ai écrit dans le premier article de cette série, ce que nous faisons est souvent dicté par des schémas hérités du passé ou de notre environnement culturel. Ces schémas s’interposent entre vous et votre voix intérieure, celle qui vous est singulière. Pour aller de l’avant, il est donc tout à fait logique de rester un peu dans cet inconfort – oui, même si cela semble paradoxal – pour observer en quoi vous avez changé et ce que vous pouvez tranquillement laisser derrière vous. Vous serez alors mieux en mesure de tendre l’oreille et d’écouter ce que vous dit votre voix sur la prochaine étape.

2. Faites de l’inconfort votre ami

Rester un peu dans l’inconfort n’est pas sans intérêt. Nous sommes tellement focalisés sur notre quête de « bonnes » émotions que se sentir perdu ou triste n’est pas acceptable et pas accepté. Pourtant, ces émotions sont tout aussi humaines que la joie et l’enthousiasme. Leur tourner le dos, c’est vous priver des enseignements qu’elles recèlent. C’est décliner l’invitation à entreprendre le voyage du héros ou de l’héroïne. Essayez de rester en contact avec ce qui est et de l’accueillir. C’est là que s’ouvre une porte, que se crée un espace dans lequel formuler vos questions et obtenir des réponses vraiment riches de sens. Quel chemin vous a conduit là où vous êtes ? Pour quelles raisons aviez-vous choisi ce poste ou cette mission ? Et à l’intérieur de cela, qu’est-ce qui est réellement vous et qu’est-ce qui est de l’ordre des attentes extérieures auxquelles vous tentez de vous conformer ?

L’une de mes clientes craignait tellement l’inconfort de l’incertitude que toute son énergie passait dans la recherche de « the nouveau projet ». Elle se levait et s’endormait avec cela dans la tête. C’était crevant pour elle. Elle a fini par comprendre que cette quête un peu paniquée masquait une peur de prendre la mauvaise décision. C’est seulement après cette prise de conscience qu’elle a pu ralentir le mouvement et commencer à se donner de l’espace pour réfléchir à ce qu’elle voulait vraiment.

Nos actes sont souvent motivés par le fait d’être vu ou vue comme quelqu’un de réussi. Nous voulons avoir notre place et nous sentir valorisés. Alors qu’il pourrait être intéressant de regarder qui est réellement au volant de votre voiture depuis tout ce temps. Demandez-vous si le moment n’est pas venu de changer de pilote et de laisser s’exprimer une autre voix en vous. Une fois qu’on comprend le rôle qu’on interprétait jusqu’ici, et dans la pièce de qui (pour reprendre la métaphore théâtrale de mon premier article), on peut commencer à dépasser tout cela, à laisser de côté ce qui ne nous appartient pas et envisager avec un œil nouveau la suite des événements.

3. Donnez de la valeur à « ici et maintenant »

Où trouver du répit et du réconfort s’il n’y a ni nouveau projet ni solution à l’horizon ? Réponse : dans l’ici et maintenant. C’est à la fois tout simple et très difficile – à moins de pratiquer la méditation ou le yoga depuis un moment, peut-être. Le mieux pour y parvenir est de décider de prendre du temps pour vous et de vous concentrer là-dessus pendant quelques minutes, plusieurs fois par jour. Si vous faites déjà du yoga, de la méditation ou du qigong, c’est le bon moment pour vous focaliser encore un peu plus. Vous pouvez aussi avoir un cahier de gratitude et prendre le temps de le remplir : le matin ou le soir, notez les choses pour lesquelles vous êtes reconnaissant ou reconnaissante.

Que nous apporte le fait d’exprimer plus de gratitude ? Beaucoup de choses. De nombreuses études se sont penchées sur la question. Vous trouverez par exemple d’excellentes informations (en anglais) sur le site du Greater Good Science Center de l’université de Californie, à Berkeley. Appropriez-vous ces bonnes habitudes : vous y trouverez un espace de confort dans cette période inconfortable.

4. Restez dans votre job jusqu’à ce que vous soyez au clair

Engagez-vous à rester en poste jusqu’à ce que vous ayez une idée claire, courageuse, pour la suite. Ne fuyez pas (à moins d’être en vraie souffrance, bien sûr). Laissez-vous le temps de rester dans cet « entre-deux » et de défricher tout cela, car c’est nécessaire.

Combien de temps ? Difficile à dire, mais au moins quelques semaines – ou quelques mois. Il vous faudra peut-être progressivement passer votre travail actuel au deuxième plan, pour faire place, en toute conscience, au voyage qui vous attend. Pas besoin de démissionner, tant que vous parvenez à changer de priorités. Il se peut aussi que vous ayez besoin de faire un vrai break, voire de prendre un congé sabbatique, de sauter dans le vide en quittant votre job alors que vous n’avez rien derrière. Quand une chose nous prend toute l’énergie dont nous aurions justement besoin pour aller de l’avant, il faut parfois savoir prendre une décision un peu plus radicale.

5. Entourez-vous de soutiens

Il n’est pas facile de traverser cet entre-deux dans son coin, surtout si certaines personnes autour de vous sont à fond dans le travail et ne comprennent pas pourquoi vous avez besoin de lever le pied. Demandez-vous qui de vos collègues et de vos proches vous soutiennent dans votre petite (ou grande) odyssée et passez plus de temps avec ces personnes.

Cela peut aussi vous faire du bien de parler avec des gens qui en sont au même endroit que vous. Vous pourriez aussi trouver utile de vous faire accompagner par un ou une coach en transition. Échanger avec quelqu’un qui comprend la situation dans laquelle vous êtes et peut vous guider, c’est possiblement rendre le voyage plus plaisant et efficace.

6. Faites des choses qui vous donnent de l’énergie

Se laisser vivre les choses de cette façon peut paraître difficile car cela réclame du travail, même si c’est très enrichissant. Et il y a toujours le risque que changer de priorités chamboule une certaine stabilité chez vous – et ce n’est pas souhaitable. Quelles sont les choses que vous pouvez faire concrètement et dès maintenant pour vous donner de l’énergie – même si vous n’avez pas encore la réponse à toutes vos questions ? Aller courir, danser, chanter dans une chorale ? Cela vous permettra de recharger vos batteries jusqu’à ce que l’heure du (grand) changement ait sonné.

Article traduit de l’anglais par Sophie Lecoq, édité par Gabrielle Predko
Photo Thomas Decamps pour WTTJ.

Les thématiques abordées