Il était une fois « Moi » : l’art du storytelling sur LinkedIn

23 nov. 2020

7min

Il était une fois « Moi » : l’art du storytelling sur LinkedIn
auteur.e
Gabrielle de Loynes

Rédacteur & Photographe

Il y a plusieurs manières de raconter son histoire. De la formulation la plus banale « je suis Camille, graphiste freelance, sortie de telle école de graphisme », au récit vivant et incarné. Combien de CV bazardés, de lettres de motivations jetées, de profil LinkedIn oubliés faudra-t-il pour comprendre que le message bateau, éternel copié-collé, a peu de chances d’accrocher un recruteur ou un prospect ?

Le storytelling, c’est littéralement l’art de raconter des histoires. Pas de ces récits impersonnels écrits à la 3ème personne, mais un récit singulier, unique et au ton personnel. Le vôtre. « Le pouvoir d’une histoire, d’après Pete Docter, réalisateur et scénariste chez Pixar, est qu’elle a la capacité de connecter les gens sur le plan émotionnel ». Pas question donc de vous présenter sur un mode catalogue, linéaire et sans aspérité. Votre résumé sur LinkedIn, c’est un peu comme un extrait de vous-même. Votre quatrième de couverture. Punchy et communicant, il a pour but d’appâter le lecteur, de lui donner envie de vous découvrir et d’en savoir plus. Pour vous guider dans la rédaction de votre story personnelle, on a rencontré Marie Fray, Coach Linkedin en Personal Branding.

L’histoire dont vous êtes le héros

« Votre résumé sur LinkedIn, explique Marie, est l’occasion de vous différencier. Le storytelling est l’outil parfait pour valoriser votre parcours professionnel, votre personnalité et votre expertise. L’idée n’est pas de raconter votre vie intime, mais de vous dévoiler suffisamment pour susciter l’émotion de votre lecteur. Vous pouvez donc parfaitement expliquer votre parcours professionnel à travers les moments forts de votre vie. »

Comme pour un manuscrit adressé à une maison d’édition, les premières lignes de votre histoire doivent être percutantes. « La première phrase est clé, poursuit l’experte, puisque c’est la seule partie du texte affichée. Il faut donc inciter le recruteur ou le prospect à cliquer sur ‘’voir plus’’. Pour cela, rentrez immédiatement dans le vif du sujet. » Posez le cadre d’emblée. Qui êtes-vous ? Quelle est votre cible ? Quid de votre valeur ajoutée ?

« L’idée est que votre cible s’identifie parfaitement en vous lisant. Votre histoire doit donc faire naître en lui des émotions : peur, tristesse… » Marie Fray, Coach Linkedin en Personal Branding

« En pratique, reprend Marie, cette partie doit reprendre les différents chapitres de votre histoire. D’abord, on l’a évoqué, une accroche qui attise la curiosité du lecteur. Ensuite, une question. » Par exemple, un coach pourra écrire : ‘‘Envie de prendre confiance en vous ?’’. « Puis, vous devez vous mettre dans la peau de votre cible : les recruteurs, les prospects, etc. N’hésitez pas à les citer franchement : CEO, entreprises, particuliers. Racontez en détail les problématiques qu’ils rencontrent, leurs ‘’points de douleurs’’. L’idée est que votre cible s’identifie parfaitement en vous lisant. Votre histoire doit donc faire naître en lui des émotions : peur, tristesse… Pour y répondre, proposez des solutions : vos services, un produit, bref, votre valeur ajoutée. Étoffez enfin votre récit d’anecdotes concrètes illustrant les bénéfices de vos anciens employeurs, de vos anciens clients. Soyez authentique et honnête, parlez de votre vécu. Et, pour terminer, glissez un ‘’call to action’’ : votre mail, votre site internet… » Et si derrière vous étiez contacté ? Voilà un happy ending !

Choisissez un angle original

« À aucun moment vous ne devez mentir ou enjoliver la réalité dans votre résumé, insiste Marie. Racontez votre histoire telle quelle est. » En revanche vous avez la possibilité de vous montrer original dans la forme. « L’humour, poursuit-elle, est un vecteur puissant de différentiation. Si vous êtes de nature comique, n’hésitez pas à user de votre talent pour illustrer votre personnalité. » Bien sûr, sans excès…

Comme pour un discours de mariage, si vous n’êtes pas spécialement drôle, partez sur un autre registre. Autrement, c’est le flop assuré. « Certains choisissent de raconter une anecdote, illustre Marie. D’autres font une métaphore entre la pratique de leur sport favori et les valeurs qu’ils véhiculent au travail. L’important c’est d’humaniser votre histoire, d’être au plus près de votre personnalité. On voit parfois des gens écrire ‘’ je suis père de 4 enfants’’, après tout pourquoi ne pas l’évoquer ? »

Trouvez un titre impactant

Belle du Seigneur, Les clochards célestes, La Promesse de l’aube… Combien de titres ont marqué l’histoire de la littérature ? En moins romantique, le titre de votre profil LinkedIn a aussi son importance… « On le néglige souvent mais c’est un élément phare, s’exclame Marie. Vous ne pouvez utiliser que 200 caractères mais il faut faire l’effort de tous les utiliser ! Ce sont des mots clés qui permettront à un recruteur ou un prospect de vous trouver. »

Concrètement, que faut-il prendre en compte ? « D’abord il y a le titre de votre poste actuel, précise la coach. Pour trouver le bon terme, regardez votre fiche de poste, ou celui qui est utilisé dans les offres d’emploi LinkedIn. N’hésitez pas à jeter un œil aux profils concurrents du vôtre. N’imitez pas, mais inspirez-vous ! Utilisez aussi les mots clés référents de votre secteur d’activité. Enfin, apportez une promesse de différenciation. Dans mon cas, ce sera : “Je vous aide à déployer votre expertise et à performer sur LinkedIn”.* »

Et quand on recherche un emploi ? « Trop souvent, je vois en titre de profil : #EnRechercheDeNouvellesOpportunités ou #EnRecherchedEmploi, déplore Marie. C’est une erreur à mon sens. Ça risque de faire fuir vos prospects et les recruteurs. La vie est telle qu’on convoite toujours ce qui est inaccessible ! Malheureusement, vous avez plus de chance d’être démarché si vous êtes en poste. Mettez-vous donc en valeur. Remplissez votre profil comme lorsque vous étiez en poste et, à la fin seulement, mentionnez que vous recherchez une opportunité. N’oubliez pas le ‘‘call to action’’ : en rappelant vos coordonnées »

Expériences : racontez vos « success stories »

« C’est une partie souvent bâclée, constate Marie, mais pourtant cruciale. Là il est plus difficile de faire du storytelling, mais le choix des mots a toute son importance. L’objectif est de rendre compte de vos expériences passées et raconter votre projection dans l’entreprise. » Plus la structure du récit est claire, plus votre message a de chances de passer. « Pour chaque expérience, précise Marie, resituez le contexte, votre mission et les résultats concrets que vous avez obtenus. » Résumez-les en différents bullet points. Utilisez des verbes d’action forts, tels que : « réaliser », « accomplir », « accroître ». Et veillez à ce que chaque résultat soit concret et quantifiable.

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« Même si cela reste une partie synthétique, observe-t-elle, vous pouvez faire preuve de persuasion. Par exemple, certains utilisent la technique des success stories : vous êtes arrivé dans l’entreprise dans une situation donnée (Point A), et vous avez œuvré pour arriver à une meilleure situation (Point B). C’est un cliché avant/après. Il vous appartient de valoriser toutes les actions que vous avez mises en place pour y arriver. »

« Trous » dans le CV : assumez vos rebondissements

Il arrive que le CV ne soit pas si linéaire. Une année sabbatique ici, un congé parental par là, un accident de parcours, un voyage à rallonge ou une reconversion… Dois-je ou non l’évoquer dans mon histoire ? Ou bien est-ce plus sage de passer cet épisode sous silence ? « D’une manière générale, je prône la sincérité et l’authenticité, assure Marie. On a tous des trous plus ou moins grands dans notre parcours. C’est souvent le signe d’un renouveau, d’une transformation personnelle qui a un impact sur notre vie professionnelle. » Assumez vos rebondissements ! Ce sont eux qui donnent du relief à votre histoire…

« On a tous des trous plus ou moins grands dans notre parcours. C’est souvent le signe d’un renouveau, d’une transformation personnelle qui a un impact sur notre vie professionnelle » Marie Fray, Coach Linkedin en Personal Branding

Évidemment, à moins de travailler dans la petite enfance, nul besoin de mentionner sur LinkedIn vos quelques mois de congé maternité. « Ce qu’il faut, c’est que cette expérience hors parcours puisse être valorisée, insiste l’experte. Il faut pouvoir expliquer ce que ça vous a apporté. C’est d’ailleurs le meilleur moyen de ne pas se retrouver pris au dépourvu le jour d’un entretien lorsqu’on vous posera cette fameuse question : vous avez fait quoi entre 2016 et 2017 ? » Gardez toujours votre fil conducteur en tête. Quel est le message que vous voulez faire passer ? Tout n’est qu’une question de cohérence.

Façonnez un univers à votre image

Qu’est-ce qu’un univers ? Si l’on vous dit Tim Burton… Vous voyez de quoi on veut parler ? Bon, évidemment on ne vous demande pas d’aller si loin. Mais chaque personne a son univers propre. À vous de vous l’approprier. « On en a l’habitude pour un produit, ou une marque, relève Marie, mais le marketing de soi, ou plutôt le ‘‘personal branding’’, s’applique aux individus. Essayez donc de définir votre charte graphique : quelles sont vos couleurs (maximum 1 ou 2) ? Quelle image voulez-vous renvoyer ? Avez-vous un logo ? », interroge-t-elle.

Emojis, photo de profil, photo de couverture… Il y a bien des options sur LinkedIn pour se mettre en valeur et raconter une histoire cohérente autour de soi. « L’utilisation des émojis (avec modération) dans le titre ou le résumé fluidifie la lecture, affirme Marie. Ça évite l’effet ‘‘pavé Wikipédia’’. Il existe aussi des outils gratuits pour vérifier l’impact de sa photo sur LinkedIn ou pour créer des designs graphiques facilement. » Une image personnelle forte, comme celle de Marie qui interpelle immédiatement lorsqu’on tombe sur son profil.

Posts LinkedIn : un témoignage poignant

Pour Marie, s’il est un endroit où l’on peut user du storytelling sur LinkedIn, c’est bien dans son feed ! « *Les posts sur LinkedIn, c’est du storytelling pur et dur. C’est un support idéal pour se dévoiler, faire de l’humour et affirmer sa marque personnelle. »

Vous séchez ? Pas de panique, voici quelques tips. « Ce qui marche très bien, ce sont les réussites. En fait c’est une anecdote de votre vie professionnelle qui va révéler vos compétences. Elle doit débuter par une accroche forte, type : ‘‘ La plus belle décision de ma vie ?’’. Racontez ensuite avec vos mots votre anecdote. Insistez sur les problèmes rencontrés, comment vous les avez dépassés, ce que cela vous a apporté et terminez par expliquer la morale de cette histoire. »

Ce n’est pas l’occasion de flatter votre égo. « Au contraire, parlez avec humilité et sincérité, recommande Marie, étoffez le récit de vos doutes et vos craintes. Basez-vous sur votre expérience. Puis, finissez par une question qui incite les commentaires : ‘‘ et vous, ça vous est déjà arrivé ?’’ » Plus votre histoire sera vraie, mieux elle sera écrite et plus vous toucherez votre cible. Enfin, pour fidéliser votre audience, Marie recommande de poster régulièrement, à jour fixe. Par exemple les mardis et jeudis.

En panne d’inspiration ? Essayez l’exercice du Pitch Pixar. Rien de plus simple, remplissez les blancs : « Il était une fois (…). Chaque jour, (…). Mais un jour, (…). À cause de ça, (…) À cause de ça, (…). Jusqu’à ce que finalement (…). » Sinon, prenez exemple sur les autres !

Le storytelling c’est l’art de capter l’attention de votre audience et donc de potentiels recruteurs ! Il s’inscrit dans le processus de fonctionnement narratif du cerveau. Et figurez-vous que, nous aussi les adultes, nous retenons mieux et sommes plus concentrés quand on nous raconte une histoire ! LinkedIn est un outil parfait pour y conter sa vie professionnelle et se faire remarquer par son futur employeur ou client. « Non, non et non, martèle Marie, LinkedIn n’est pas un CV digitalisé ! C’est un incroyable annuaire professionnel mondial, créateur de liens humains et d’émotions. » Alors à vos crayons !

Photo by WTTJ