Des plateaux télé au backstage des défilés : le métier d’habilleuse

13 avr. 2017

4min

Des plateaux télé au backstage des défilés : le métier d’habilleuse
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Sur le podium, une mannequin s’avance, sereine, en sublime tenue haute couture avec toute une panoplie d’accessoires. Une minute avant, elle était entièrement nue. Durant ce laps de temps ultra court se sont affairées une flopée d’habilleuses, petites fourmis en backstage qui s’assurent que les silhouettes présentées lors du défilé sont conformes à l’idée de base du créateur, prêtes à être dévoilées au public et aux photographes. Mélanie Renardier exerce le métier d’habilleuse depuis maintenant 3 ans, et partage son temps entre les défilés de mode et les coulisses du tournage de films français. Rapidité, efficacité, créativité et sensibilité – plongée dans un métier à 100 à l’heure !

Diplômée de LISAA en parcours stylisme-modélisme, Mélanie a commencé à faire de l’habillage lors de ses études : les maisons de mode font souvent appel à des étudiants pour habiller les mannequins en période de fashion week, sans avoir besoin d’expérience au préalable. Elle est désormais inscrite dans deux agences d’événementiel qui mettent en relation chaque saison les maisons de mode avec une équipe d’habilleurs. « On est environ 200 habilleurs, » explique Mélanie. « Chaque saison, deux semaines avant les défilés, l’agence nous envoie un planning sur lequel on indique nos disponibilités. On est tout le temps rappelés, saison après saison, et je fais quasiment tous les défilés. » Un planning qui n’est pas de tout repos…

Habilleuse dans la mode : une minute pour habiller un mannequin

Chaque saison, Mélanie est appelée à participer aux défilés de mode, couture comme prêt à porter, mode homme comme femme : les maisons Chanel, Kenzo, Elie Saab ou encore Jean Paul Gaultier font régulièrement appel à ses services. Elle exerce un rôle clé lors du déroulement d’un défilé, car chaque mannequin sur le podium a au moins deux habilleuses attitrées !

« On arrive 1 à 2 heures avant, » explique Mélanie. « Les passages des mannequins sont très rapides, mais il y a beaucoup de préparation en amont. » Le travail de l’habilleuse est compliqué : chaque mannequin défile 3 à 4 fois par défilé, et doit être prêt en une minute afin d’aller se replacer sur le lineup. « Il y a une vraie adrénaline ! ».

© Mélanie Renardier pour Andrew GN

Démonstration…

  • 1 minute avant le passage : Mélanie doit se frayer un chemin parmi la foule en backstage, photographes, maquilleurs, coiffeurs, assistants… « Il faut savoir s’imposer dans un environnement assez chaotique ! » Ca y est, elle a atteint son mannequin attitré : elle lui pose une voilette sur le visage pour qu’elle ne tâche pas son vêtement en l’enfilant.
  • 45 secondes avant le passage : avant que le mannequin puisse sortir sous le flash des projecteurs, Mélanie s’assure que la tenue est conforme à la volonté du créateur : le mannequin porte les bonnes chaussures, la ceinture est placée au bon endroit, le tombé du vêtement est impeccable… « Comme je suis formée en stylisme, je sais comment ça marche ! »
  • 20 secondes avant le passage : Panique ! Une des habilleuses a du mal à agrafer le corsage d’une robe haute couture. Heureusement, Mélanie est là pour l’aider. « On est chacun responsable d’un mannequin attitré, mais on s’entraide sur les autres : dès qu’on voit que l’un de nous est en difficulté, on va aller l’aider. En haute couture, on est généralement 4 sur un mannequin ! »
  • Sortie sur le podium : ça y est, le mannequin a fait son passage… mais doit être déshabillée et rhabillée en une minute chrono pour sa deuxième sortie ! Souvent, les habilleuses terminent d’habiller les filles sur le line-up, quelques secondes avant qu’elles sortent sous les projecteurs… et une fois le tout fini, il faut impérativement vérifier que le mannequin a tout rendu, et tout ranger ensuite. « Il y a un vrai rush lors des défilés haute couture, les gens dorment peu. Les défilés homme sont beaucoup plus cool, » compare Mélanie. A t-elle déjà eu à gérer un incident d’habillage ? Elle raconte la fois où une collègue a envoyé un mannequin homme sur le podium portant une veste réversible… du mauvais côté ! « Heureusement, personne ne s’en est rendu compte à part nous ! »

© Mélanie Renardier pour Andrew GN

Habilleuse dans le cinéma : 150 figurants à habiller

En plus de ses expériences dans la mode, Mélanie exerce également le métier d’habilleuse dans le monde du cinéma. Dans ces cas là, elle porte une double casquette : à la fois habilleuse et assistante costumière. Contrairement au milieu de la mode, où le vêtement est porté une fois, dans le cinéma il faut que le vêtement vive : au cours d’un tournage, qui peut durer plusieurs mois, Mélanie effectue des raccords plateau – s’assurant que le vêtement reste le même au début comme à la fin de la scène, qu’il n’y ait pas une bretelle qui glisse ou une braguette qui s’ouvre – et même des modifications, comme dans le cas de bagarres et de cascades.

« Dans le cinéma, il y a un réel point de vue, » estime Mélanie. « On doit suivre le scénario, et transmettre ce que veut le réalisateur. » Parfois jusqu’au dernier moment ! La préparation est ultra importante : il faut s’assurer que chaque costume est accordé avec le décor ou ceux des autres personnages. Même quand il y en a des centaines : pour son dernier tournage, un film avec l’acteur Dany Boon, Mélanie s’est rendue au château de Vaux-Le-Vicomte où elle et le reste de l’équipe d’habilleuses ont dû s’occuper de plus de 150 figurants, et même en habiller certains en costume d’époque !

© Mélanie Renardier pour Andrew GN

Réactivité, discrétion, humanité

Hautement personnel, le métier d’habilleuse requiert d’entrer dans l’intime de la personne dont ont s’occupe. « Certains mannequins n’aiment pas qu’on les voie nus, » explique Mélanie. « Il faut les mettre en confiance, les rassurer, être attentionné. » Cela passe par l’assurance qu’ils sont bien dans leurs vêtements : Mélanie n’hésite pas à s’adapter à ce qu’ils demandent, que ce soit des semelles anti-dérapantes dans des chaussures trop grandes ou un corset qu’il faut desserrer de quelques maillons.

Le côté humain est ce qu’elle apprécie le plus dans son métier : « Il faut respecter la pudeur de l’autre et garder une certaine distance, » tempère t-elle. Les qualités requises pour être une bonne habilleuse ? La réactivité, la discrétion, la débrouillardise… et la rapidité avant tout ! Grande hyperactive, Mélanie apprécie la mobilité que lui apporte son métier. « On bouge tout le temps ! » raconte t-elle. « D’une maison à l’autre en période de fashion week, ou même dans un autre pays pour un tournage de film. Une fois, j’ai passé trois mois en Macédoine. On travaille la nuit, on travaille l’été car il y a moins de monde dans les rues. C’est un métier très prenant, un vrai métier de passion - mais tellement enrichissant ! »