Entretien d’embauche « trop facile » : y a-t-il anguille sous roche ?

30 sept. 2021

5min

Entretien d’embauche « trop facile » : y a-t-il anguille sous roche ?
auteur.e
Caroline Roux

Journaliste freelance

S’il est communément acquis qu’un entretien d’embauche va souvent de pair avec palpitations, mains moites et neurones en ébullition, parfois, il crée la surprise, et s’apparente à un long fleuve tranquille… Pourtant, une fois passée haut la main cette étape redoutée, certains candidats sont pris d’un certain malaise et/ou sont envahis par le doute. Pourquoi cet entretien était-il si simple ? Où est le piège ?

Alors un entretien trop facile, bon ou mauvais signe ? On fait le point avec des témoignages de candidats et Roseline Laloupe, experte du Lab et autrice du blog RH qui vous veut du bien !

Quand la facilité inquiète

Surprenant mais vrai, selon une étude réalisée par Glassdoor US, une proposition d’embauche est plus souvent acceptée quand l’entretien a été jugé « difficile ». Amélie (1), 28 ans, confirme justement cette tendance. Consultante en social media, elle participe au printemps dernier à deux processus de recrutement, parfaitement opposés. Le premier se déroule sans accroc. « Via mon réseau et après avoir été recommandée, j’ai décroché un entretien avec une directrice d’agence. Très vite, le rendez-vous téléphonique ressemble plus à une discussion informelle, c’est agréable et j’ai un très bon feeling », détaille la candidate.

Mais alors que le second entretien avec le directeur de création est annulé, elle reçoit déjà une proposition d’embauche. Après une seule et unique rencontre ! Le Graal pour certains, seulement Amélie doute. « Il est vrai que les connexions de réseau peuvent précipiter les choses, mais ici, on était sur un vrai flou artistique, tant en termes de besoins que de fiche de poste (inexistante), se souvient-elle. Cette situation est encore plus désagréable que mon interlocutrice semblait très pressée… »

Comment se projeter tandis que cette candidate n’a même pas rencontré physiquement la directrice, ni eu aucun contact avec le reste de l’équipe opérationnelle ? Peut-on se fier uniquement à un bon feeling ? À l’inverse, le deuxième processus est bien plus classique : l’entreprise, une grosse structure, propose un package qui comprend un cas pratique, plusieurs entretiens et des mises en situation. Une façon de faire qui booste l’ego et rassure la candidate sur les intentions et le sérieux de l’entreprise. Sans surprise, l’attrait de la difficulté l’emporte pour Amélie qui accepte le second poste.

Thibaut (2), lui, est plus partagé. « Après avoir répondu à une offre de poste, sans succès, je suis recontacté par la même agence, mais pour une autre mission », raconte le responsable d’influence. Il accepte de se lancer. S’ensuit un entretien plutôt rapide, sans difficulté. « L’échange était centré sur moi, et étrangement, on ne m’a pas posé de questions, ni fait de mise en situation. » Il se demande alors : « Comment peuvent-ils évaluer réellement ma réactivité et mon expertise sur tels ou tels sujets ? » Déplorant également un manque d’information sur le poste et le salaire, le candidat est totalement dérouté. Le lendemain, il reçoit une proposition d’embauche qui offre un salaire décevant. Coincé dans une situation professionnelle précaire et poussé par une forte envie de changement, il accepte, même si le poste n’a pas l’étoffe de ses ambitions.

Chaque fois qu’un entretien a été jugé comme trop facile, les candidats ont naturellement eu des doutes. Pour quelle raison ? Plusieurs mécanismes entrent en jeu face à ce type d’expériences. D’une part, rappelons que le processus de recrutement fait figure de vitrine de l’entreprise, il est donc le pilier de l’expérience candidat. C’est un moment clé qui doit également convaincre le postulant. Lorsque les parcours de recrutement sont allégés, nous avons tendance, par effet de miroir, à penser qu’il s’agit d’un biais inhérent à l’entreprise. Les missions pourraient, elles aussi, être prises à la légère, avec un niveau d’exigence médiocre.

D’autre part, certains d’entre nous ont besoin de se sentir challengés et d’être animés par un sentiment de fierté, comme dirait l’adage “à vaincre sans péril on triomphe sans gloire” pour les plus belliqueux. Mais cela est évidemment à nuancer… car qui dit entretien facile ne dit pas toujours entretien bâclé.

Un match idéal ?

Parfois - et heureusement -, les besoins du recruteur sont très bien définis en amont. Avec une telle précision, inutile de faire de l’entretien d’embauche une séance de décorticage : seuls les profils qui correspondent parfaitement au poste sont reçus.

Marine en a fait l’agréable expérience. Commerciale en régie publicitaire, elle a été chassée via LinkedIn, pour une opportunité qui a retenu son attention. Elle enchaîne trois entretiens, dans une atmosphère détendue. Ses interlocuteurs sont de tous âges, mais liés par une forte harmonie de groupe. Plus qu’une discussion professionnelle, ils cherchent plutôt à en savoir plus sur la personnalité de Marine, « car sur le papier j’ai un CV très identifiable et un profil assez particulier avec une double casquette brand content et commerciale. » Une proposition est faite dans la foulée et bingo : salaire extrêmement attractif, poste à responsabilités, perspectives d’évolution dans son secteur d’activité privilégié des médias. C’est le gros lot. Depuis, elle n’a pas été déçue, le poste tient ses promesses : elle est désormais à la tête d’une toute nouvelle cellule, ce qui lui a même fait changer sa vision des processus de recrutement et son envie de « faire évoluer ce modèle d’entretien par la souffrance ».

Les signaux à savoir interpréter

Ainsi, il n’y aurait pas de règle concernant les entretiens jugés faciles. Toutefois, il est important de savoir interpréter les signaux faibles et se mettre des warnings quand il le faut, notamment sur des problématiques de transparence.

« Il existe différents types d’entretiens, explique Roseline Laloupe, spécialiste RH. Quand un manager a tendance “à aller droit au but”, les RH prennent la peine d’en dire plus sur l’entreprise, alors que des futurs N+1 s’attardent davantage sur la personnalité du candidat. » Donc, pour juger de la qualité d’un entretien, pensez à recontextualiser.

L’entretien d’embauche est avant tout « un moment où deux personnes se rencontrent, où l’on doit juger l’intérêt de chacun », explique la spécialiste. Donc, pour savoir si un entretien s’est bien passé et s’il est prometteur, la bonne question à se poser est plutôt la suivante : le recruteur a-t-il montré de l’intérêt pour moi ? « Méfiez-vous des entretiens vides d’information où le recruteur ou le manager est expéditif », ajoute-t-elle. Moins de 30 minutes d’entretien peuvent constituer un signal alarmant si l’échange est marqué par des « réponses brèves ou si le recruteur ne pose pas de questions, ou coupe la parole. » Mais il ne faut pas se formaliser. Roseline Laloupe fait le parallèle avec un rendez-vous amoureux, ou tout irait trop simplement, sans difficulté. L’un ou l’autre des amants pourrait s’alarmer, redoutant un manque de passion, alors qu’il peut s’agir tout simplement d’un match parfait.

Repenser le modèle de l’entretien d’embauche

Et si le véritable problème résidait dans la pratique même de l’entretien d’embauche, ses codes, ses échanges qui cherchent à déstabiliser, le fait de vouloir pousser le candidat dans ses retranchements ? « L’idée n’est pas de piéger le candidat, de le mettre en situation pour tester sa performance et son endurance mais plutôt de voir si cette personne pourrait s’insérer dans une équipe et s’épanouir dans ses nouvelles missions », ajoute Roseline Laloupe.

Pourquoi ne pas réinjecter de la bienveillance dans l’entretien d’embauche et d’en faire une nouvelle norme ? Il est également important de rééquilibrer le rapport de force selon notre recruteuse : le candidat ne doit pas subir dans cet espace relationnel si particulier. Alors, si vous êtes perplexes suite à un entretien trop facile, n’hésitez pas à prendre la parole et une part plus active dans l’échange pour lever toutes les zones d’ombre.

(1) et (2), les prénoms ont été modifiés.

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Photo WTTJ
Édité par Romane Ganneval

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