Votre future entreprise est-elle faussement éthique ? Les indices à surveiller

12 janv. 2022

5min

Votre future entreprise est-elle faussement éthique ? Les indices à surveiller
auteur.e
Coline de Silans

Journaliste indépendante

En 2018, plus de 30 000 étudiants manifestaient leur volonté de travailler pour des entreprises plus engagées sur le plan écologique, en signant le Manifeste pour un Réveil Écologique. Aujourd’hui, selon une étude CSA, 78% des salariés choisiraient, à offres équivalentes, d’aller travailler pour une organisation véritablement engagée en faveur de la transition écologique, et l’environnement est la première préoccupation des jeunes salariés de moins de 35 ans. Pour autant, il n’est pas toujours évident, en tant que candidat, de distinguer une entreprise à impact d’un simple discours de surface. Comment ne pas tomber dans le panneau du greenwashing quand on postule à une offre ? Quels sont les points de vigilance à avoir en tête pour être certains de ne pas être déçus ? Comment se renseigner de façon fiable sur l’entreprise en amont ? Claire Pétreault, fondatrice des Pépites Vertes, nous a donné quelques pistes.

Faire fi des préjugés

Quand on est candidat et avant même de postuler, il convient de se défaire des images préconçues que l’on peut avoir du secteur de l’entreprise. Contrairement aux idées reçues par exemple, les grands groupes ne sont pas nécessairement moins engagés que les petites entreprises. Une petite structure pourra faire du greenwashing (c’est-à-dire communiquer sur le fait qu’elle mène une politique écoresponsable alors que c’est faux), de la même façon qu’un grand groupe pourra tout à fait avoir un réel impact environnemental positif. Finalement, ce n’est pas la taille qui compte. « Aujourd’hui tous les secteurs sont censés se transformer, donc il n’y en a pas qu’il faudrait éviter plus que d’autres », souligne Claire. Au contraire, et intégrer un grand groupe permet parfois de faire évoluer les mentalités et de changer les choses de l’intérieur. « Quand j’ai postulé dans ma boîte, le secteur n’était a priori pas des plus verts puisqu’il s’agissait de l’automobile, raconte Jean, ingénieur chercheur. Et pourtant, cela fait deux ans que je travaille sur l’optimisation des véhicules électriques et les solutions pour démocratiser ce mode de déplacement et le rendre le moins impactant possible pour l’environnement. Alors certes, cela prend du temps et c’est parfois un peu décourageant, mais si un grand groupe comme le mien se dirige vers ce type de modèle, l’impact derrière peut être énorme ! »

Plus que la taille de l’entreprise ou son secteur d’activité, il convient surtout de s’intéresser à la fiche de poste quand on est candidat. Est-ce que ce poste permettra vraiment de faire avancer les choses ? Quelles missions recouvre-t-il exactement ? Dispose-t-il des moyens suffisants à leur mise en place ? Postuler dans une entreprise déjà très engagée n’impliquera pas les mêmes challenges que de travailler pour une entreprise où tout reste encore à faire. « À mes yeux, il faut vraiment s’interroger pour savoir si l’on veut faire bouger les choses de l’intérieur, ou si l’on préfère être en vitesse de croisière, dans une entreprise déjà très engagée, explique Anna, chargée de mission RSE. Moi, quand j’ai postulé, j’étais chargée de mission donc je savais qu’il allait falloir mettre des choses en place. » Avant toute chose, il faut se demander vers quel type de mission on souhaite tendre. Car être le seul de ses collègues à se battre pour l’environnement peut aussi être épuisant !

Faire un travail d’investigation

Toutefois, une fois l’offre repérée, comment s’assurer que l’entreprise en question est aussi engagée qu’elle le dit ? Première chose, « faire un travail de journaliste », et aller regarder tous les documents officiels accessibles publiquement, explique Claire. À commencer par le rapport RSE, désormais appelé « déclaration de performance extra-financière ». Ce document est obligatoire pour les sociétés cotées en Bourse de plus de 500 employés et de 40 millions de chiffre d’affaires (100 millions pour les sociétés non cotées), et fait état de l’avancement de l’entreprise sur les questions sociales, sociétales et environnementales. On le trouve normalement sur le site internet de l’entreprise.

Les entreprises de plus de 500 salariés ont aussi l’obligation de publier leur bilan carbone, dont beaucoup sont facilement trouvables sur la base de données de l’Ademe, qui en compile plus de 2000. Pour vous aider à mieux évaluer l’impact de l’entreprise, vous pouvez également vous appuyer sur des applis comme Nota Climat, qui décrypte les rapports annuels des grandes entreprises de chaque secteur, ou des sites comme Shift Your Job, qui identifie les structures les plus impactantes. Dans le cas d’entreprises industrielles, il est aussi intéressant de consulter l’analyse du cycle de vie des produits (ACV), quand elle a été réalisée, qui évalue l’impact environnemental des produits.

Enfin, n’hésitez pas à vérifier si l’entreprise est reconnue par des labels comme B-Corp, société à mission… Si vous postulez pour une entreprise de grande consommation, sachez que l’Ademe a recommandé sur son site une centaine de labels parmi les plus fiables, vous pouvez donc regarder si les produits de votre future entreprise en bénéficient.

Poser les bonnes questions en entretien

Une fois toutes ces recherches effectuées, mettre les pieds dans le plat pendant l’entretien d’embauche est un bon moyen d’obtenir la confirmation que votre quête d’un emploi vert se précise. « Le candidat doit être curieux, affirme Claire, il ne faut pas avoir peur de poser des questions au recruteur sur ces sujets. Cela permettra de voir si le recruteur est à l’aise, et si ses réponses sont transparentes. » L’idée n’est pas de « piéger » le recruteur, mais bien de voir si l’entreprise a réellement mis en place des process pour s’engager concrètement dans une démarche plus verte et de tester la congruence entre son discours et son action.

Pour vous aiguiller, voici quelques exemples de questions que vous pouvez poser en entretien :

  • Quels sont les défis ou les problèmes rencontrés par votre industrie ? Que faites-vous pour y faire face ?
  • Quelles actions RSE sont mises en place ? Avec quelles échéances ? Est-ce que les salariés sont formés aux enjeux de la transition ?
  • Comment est structuré le département développement durable (s’il y en a un) ?
  • Quelles mesures sont mises en place en interne pour réduire l’impact environnemental ?

Le but est avant tout de profiter de l’entretien d’embauche pour évacuer tout doute et vérifier que l’engagement de l’entreprise est bien réel et mesurable, et qu’il ne s’agit pas seulement d’un discours de surface.

Claire recommande d’ailleurs fortement de doubler ces échanges de questions posées directement aux principaux concernés : les salariés de l’entreprise à laquelle vous postulez. Entrer en contact avec un ou plusieurs salariés peut en effet vous donner un aperçu de ce qui se passe en interne. Attention toutefois à ne pas vous griller en contactant n’importe qui dans l’organigramme. Privilégiez plutôt des salariés cumulant une certaine ancienneté ou un rang similaire au votre. Si on ne veut prendre aucun risque, on peut également contacter d’anciens salariés via LinkedIn par exemple, ou chercher dans ses contacts, son réseau, peut-être qu’un ancien camarade de promo a déjà travaillé pour l’entreprise que vous visez.

Il vous faut par la suite aborder les bons sujets. Adopter une démarche RSE passe aussi par le bien-être des collaborateurs, pensez à vous renseigner sur les mesures mises en place en interne dans ce sens. « Dans mon ancienne entreprise, le directeur parlait tout le temps de RSE, or il y avait un manque total de cohérence avec leur façon de manager, rien n’était mis en place pour les collaborateurs », se souvient Anna. « Le mieux est encore de suivre son intuition et de se faire confiance, conclut Claire, quand on ne le sent pas dès l’entretien, mieux vaut ne pas y aller. »

Distinguer un discours de surface d’un véritable engagement de la part des entreprises n’est pas toujours chose aisée. Certains documents officiels et labels permettent d’évaluer les actions des entreprises de façon objective, tandis que des échanges informels avec les salariés et les départements RH peuvent permettre d’avoir un ressenti plus précis de ce qui a été effectivement mis en place en interne. Enfin, n’oubliez pas que l’important lorsque l’on postule est aussi de rester ouverts : si certaines entreprises peuvent de prime abord sembler éloignées des enjeux écologiques, y travailler peut-être une belle occasion de faire évoluer les choses de l’intérieur !

Article édité par Manuel Avenel, photo de Thomas Decamps

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