Excitation, stress, déception : comment gérer ce grand huit en recherche d'emploi ?

22 mai 2024

9min

Excitation, stress, déception : comment gérer ce grand huit en recherche d'emploi ?
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De la mise à jour du CV à la signature de la promesse d’embauche, la recherche d’emploi s’apparente souvent à un long chemin ponctué de multiples rebondissements. Pour beaucoup de candidats, le cœur est mis à rude épreuve et se retrouve embarqué dans de vraies montagnes russes émotionnelles. Tout y passe : stress, excitation, joie, tristesse… à chaque nouvelle épreuve, votre cerveau se transforme en une scène du film d’animation Vice-versa où vos émotions se battent en duel et celles-ci peuvent avoir un réel impact sur votre comportement. Retour sur les émotions que l’on rencontre à coup sûr pendant la recherche d’emploi et analyse d’une psychologue experte en émotions et santé mentale.

La peur

Motivé à bloc, vous commencez vos recherches en parcourant les offres d’emploi, prêt à dégainer votre CV refait à neuf. Sauf que, arrivé rapidement à la quatrième page de résultats, aucune annonce ne vous attire. Pire, celles qui vous intéressent demandent une expérience démesurée pour le poste, ou ne remplissent pas les conditions que vous attendiez. Un pincement vous saisit au cœur, vous sentez votre estomac se crisper tandis que des sueurs froides coulent sur votre front. Et voilà qu’une petite voix dans votre tête commence à chevroter : « Mais comment suis-je censé trouver du travail s’il n’y a aucune offre en fait ?! Quelle idée d’avoir démissionné ? J’aurais dû négocier une rupture co, comme tout le monde ! » C’est la peur qui vous assaille et vous paralyse. Alors que tout reste à faire, elle vous fait envisager le pire et annihile toute votre motivation. « Si ça commence comme ça, je vais épuiser toutes mes économies avant d’avoir envoyé mon premier CV. Je ferais mieux de fermer Welcome to the Jungle et d’ouvrir la page de Décathlon pour investir dans une tente deux secondes et déménager dans la forêt ! »

Christèle Alabert, psychosociologue, experte en émotions et en santé mentale, nous éclaire sur l’impact de cette émotion négative sur notre comportement. « La peur est une émotion qui a tendance à nous inhiber. Elle peut nous faire perdre nos moyens et affecter nos capacités, explique-t-elle. Il y a aussi un risque de déclencher un comportement de procrastination ou d’agressivité lorsqu’on a du mal à la contenir. » Ce qui n’est pas idéal en contexte de recherche d’emploi, où tout l’enjeu est justement de démontrer ses qualités et son potentiel. Gare cependant aux stratégies d’évitement pouvant s’avérer contre-productives. « Pour éviter la peur de se retrouver sans rien, certaines personnes sont tentées de répondre à un maximum d’offres d’emploi pour se rassurer, au détriment de la qualité, poursuit notre experte. Le matching ne pourra alors pas se faire correctement, et la recherche d’emploi en sera négativement impactée. Ce qui, à terme, ne fera qu’augmenter le sentiment de peur, et empirer la situation. » Un cercle vicieux qu’il faut à tout prix éviter !

L’excitation

Heureusement pour vous, la peur ne fut que de courte durée. Il n’aura fallu qu’un envoi de CV et une proposition d’entretien dans la foulée pour envoyer valser les nuages noirs de votre esprit. Une licorne de la tech avec plein d’avantages est emballée par votre profil et veut vous rencontrer rapidement pour une ouverture de poste à venir. Désormais, vous voilà dans un tout autre état d’esprit : celui du winner ! Et alors que vous n’avez même pas encore rencontré les RH, vous vous projetez déjà dans votre futur poste… « Ayam-ze-best ! Comme disaient La Fouine et Jules César : Veni, vidi, vici ! À moi le poste de rêve, à moi le gap de 10K sur mon salaire, à moi la semaine de 4 jours ! D’ailleurs, je devrais peut-être me renseigner sur les cours de poterie pour le cinquième jour, non ?! »

Bien que la situation soit un peu exagérée - la poterie n’est déjà plus à la mode ! vous avez saisi l’idée : attention à ne pas se voir trop beau trop tôt ! Ce qui ne veut pas dire qu’on n’aurait pas le droit de célébrer ses succès, nuance Christèle Albaret. « Profitez de ce moment, la joie est une émotion positive qui pourra vous porter. Mais gardez en tête que la recherche d’emploi est un marathon, avec plusieurs étapes. Et à chacune ses hauts et ses bas. » Accordez-vous donc cette pause que vous avez bien méritée pour savourer votre réussite, mais n’oubliez pas que vous avez un travail à terminer. « Il faut veiller à ce que cette joie ne devienne pas un excès de confiance qui pourrait se retourner contre vous, prévient l’experte en émotions. Si l’on se dit que c’est dans la poche, on peut être tenté de moins préparer les entretiens, ou demander un salaire plus élevé que ce qui était prévu et abîmer la relation de confiance créée avec le recruteur. » Par ailleurs, sans tomber dans un pessimisme excessif, sachez tempérer votre excitation pour mieux vous protéger de la suite, qui ne sera pas toujours positive. « Plus vous allez vous projeter dans le poste comme si c’était acquis, plus la déception sera grande en cas d’échec », prévient Christèle Alabert.

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La frustration

Hélas, quelques semaines plus tard, l’excitation a laissé place au doute et à la frustration. Ce qui semblait pouvoir être rapidement plié se révèle beaucoup plus long que prévu, voire carrément interminable ! Quatre entretiens, deux cas pratiques, un café avec les équipes et ce n’est toujours pas fini… « Bientôt, on va me demander de rencontrer la mère du manager si ça continue », pensez-vous. « Cela sentait très bon au début mais ça sent de plus en plus le cramé cette histoire », et vous êtes moralement cuit. À chaque nouvelle étape, les soupirs intérieurs sont de plus en plus forts et un goût amer remonte votre gorge. Et là, c’est le drame ! Après des semaines de frustration, l’explosion a lieu lors de cet énième entretien, devant le CEO de l’entreprise, après qu’il ait annoncé que le process toucherait « bientôt » à sa fin. Un cinglant « C’est pas trop tôt » s’échappe de votre bouche plus vite qu’un postillon sans que vous puissiez le rattraper. Le rire gêné du CEO et le « au revoir » qui s’ensuivit furent légendaires.

Pour Christèle Alabert, la frustration est un sentiment complexe à gérer, car il est parfois difficile à évacuer sans risque de tomber dans une forme d’agressivité ou de repli sur soi. « On se renferme, on a envie d’abandonner et ça nous empêche d’avancer. Cela peut se sentir dans vos échanges avec le recruteur. » Comment empêcher la frustration de prendre le dessus sur nos actions ? En décentrant son attention, tout simplement. « Si vous avez plusieurs processus de recrutement qui avancent en parallèle, vous pourrez mieux gérer les temps d’attente entre les étapes ou les événements frustrants qui surviennent, poursuit Christèle, avant de rappeler un élément trop souvent ignoré : il faut aussi avoir conscience que la temporalité du recruteur n’est pas la même que celle du candidat. Le recruteur n’est pas aussi pressé que vous et veut se donner le temps d’être sûr de son choix final. » Mettez-vous donc dans la peau du recruteur et tentez de comprendre son point de vue et son comportement. Vous verrez que ce qui vous semble long ou frustrant ne l’est pas forcément vu sous un autre angle. « Surtout, renchérit Christèle Albaret, évitez à tout prix de tomber dans la fiction en vous faisant des scénarios catastrophe à partir d’éléments d’interprétation, c’est la meilleure manière d’entretenir la frustration. »

La déception

Par chance, « l’incident » du dernier entretien n’a pas eu de conséquences sur vos relations avec votre futur employeur. Il est d’ailleurs toujours aussi séduit par votre profil et vient de vous soumettre une proposition salariale. Sauf que celle-ci ne correspond pas aux montants que vous aviez mentionnés au début du process. La petite voix dans votre tête refait surface pour signifier sa déception : « Adieu crédit immobilier… adieu les vacances aux Bahamas… je vais encore devoir dire que je reste en France pour les vacances par pure conviction environnementale ! »

« La déception naît toujours d’un résultat plus bas que les attentes » explique Christèle. Et plus celles-ci sont élevées, plus on s’est projeté dans ce futur job, plus le processus de guérison sera long. « C’est un peu comme le processus de deuil, il faut passer plusieurs étapes avant de s’en remettre définitivement », poursuit la psychosociologue. Mais faut-il pour autant la refouler et passer outre coûte que coûte ? Christèle Albaret met en garde : « Les déceptions racontent quelque chose. Ce n’est pas parce que vous voyez le bout du process que vos envies ne comptent plus et qu’il faut signer tout ce qu’on vous propose. Si vous acceptez ce qui, initialement, n’égalait pas vos attentes, il restera une dette à payer dans votre esprit. » Une promotion, une augmentation rapide ? Votre futur employeur n’étant pas au courant, cela ne risque pas d’arriver et votre déception deviendra peu à peu de la frustration ou de la colère, mettant en péril votre épanouissement au sein de l’entreprise. Le conseil de Christèle Albaret : « Préparez-vous en amont pour être sûr de vos envies et de vos limites. Posez à l’écrit un tableau à trois colonnes : ce que vous voulez obtenir ; ce que vous seriez prêt à accepter, ce que vous n’accepterez jamais ».

Le stress

Depuis le début de votre recherche, vous sentez une étrange présence autour de vous. Que vous soyez en train de plancher sur vos candidatures ou pas, vous la sentez constamment comme quelqu’un qui vous soufflerait derrière la nuque. Et plus sa présence se fait sentir, plus la petite voix dans votre cerveau se fait entendre : « Il me faut absolument ce nouveau job ! Au lieu de regarder des vidéos motivationnelles sur TikTok, je ferais mieux de m’y mettre vraiment et de rédiger ma lettre de motivation. » Parfois, cette présence revient de plus belle en plein entretien, lorsqu’une question vous surprend et que vous tentez de vous en sortir par une pirouette rhétorique. Des idées négatives vous empêchent de penser. « Je galère trop dans cet entretien, je ne sais même plus quoi répondre. Je dois plus ressembler à un suspect en interrogatoire qu’à un candidat en recherche d’emploi… »

Plus diffus et constant que les autres émotions, le stress vous accompagne tout au long de la recherche d’emploi, avec parfois des pics plus ou moins intenses. Lorsqu’il est très fort, il peut se transformer en peur ou en anxiété et vous paralyser. Mais détrompez-vous, le plus souvent, il est un allié dans la bataille acharnée qu’est la recherche d’un job. Christèle Alabert confirme : « Le stress nous stimule en nous faisant prendre conscience de ce qui se joue et de ce qui compte pour nous. » En d’autres termes, c’est la petite pression qui nous pousse à passer en mode Terminator pendant tout le processus de recrutement. Sans cela, pas sûr que nous aurions une énergie et une concentration à la hauteur des événements.

La fierté

Ça y est, vous l’avez, votre promesse d’embauche, bravo ! Vous pouvez enfin souffler et vous détendre. C’est marrant comme, d’un coup, tout semble plus gai autour de vous. Finies les angoisses et les idées noires. Vous sortez vous balader dans votre quartier et êtes instantanément frappé par la beauté soudaine de la ville. Vous flânez en arborant un grand sourire aux lèvres sans aucune raison. D’ailleurs, vous ne marchez pas, vous lévitez à 30 cm au-dessus du sol, la tête haute, et sentez une énergie folle en vous, tel un coureur d’ultra trail avant une course. Dans cet instant parfait, vous êtes heureux mais aussi très fier de votre accomplissement.

« Le sentiment de fierté est évidemment positif, car il permet de se sentir fort et d’avoir une bonne estime de soi. C’est tout simplement la satisfaction personnelle d’avoir réussi quelque chose qui vous tenait à cœur, alors profitez-en », analyse Christèle Albaret. « La fierté vous apportera assez de confiance et d’énergie pour commencer ce nouveau boulot en vous sentant légitime à ce poste et sans avoir l’impression d’être un imposteur. » En d’autres termes, vous êtes à votre place et vous le savez. Rien de mieux pour démarrer cette nouvelle étape de votre vie professionnelle. « Évidemment, tout excès est nuisible, poursuit la spécialiste des émotions. Un employé qui démarre un peu trop sûr de lui peut vite déchanter, car une prise de poste n’est jamais facile. » En effet, bien que vous ayez les compétences et les qualités qu’il faut pour le poste, l’adaptation à de nouvelles missions dans un nouvel environnement demande toujours des efforts et un certain temps. Pour Christèle Albaret, « la véritable fierté, moins éphémère que lors d’un succès ponctuel, vient lorsque l’on s’accomplit pleinement dans ce que l’on fait. » Soyez donc fier de ce succès, car vous ne devez votre embauche qu’à votre travail et à votre talent. Mais vous verrez, vous le serez encore davantage lorsque vous aurez confirmé votre potentiel au sein de ce nouveau job.

Chacun sa route, chacun ses émotions

Si le process de recrutement éveille toute une palette d’émotions, celles-ci varient beaucoup d’un candidat à l’autre, de même que les comportements qui sont déclenchés en réaction. Évidemment que nous ne ressentons pas tous de la même manière les événements qui rythment la recherche d’emploi, et chacun réagit ensuite à sa façon. « Cela dépend de chaque individu et de la réalité dans laquelle il se trouve, confirme Christèle Albaret. Êtes-vous déjà en poste pendant votre recherche ou au chômage ? Êtes-vous en recherche active ou juste en train de prendre la température du marché ? À quel point ce changement de job compte-t-il pour vous ? Toutes ces questions ont un impact sur la façon dont on va s’investir émotionnellement. »

Mais les différences inter-individuelles trouvent également d’autres explications. Selon un article scientifique repris dans The Conversation, l’intensité des émotions et la confiance en soi jouent un rôle clé dans la gestion des émotions pendant la recherche d’emploi. En effet, les expériences émotionnelles fortes, qu’elles soient positives ou négatives, sont plus susceptibles de booster les efforts des candidats et leur efficacité dans la recherche. Cependant, il faut noter que les candidats les plus à même de réagir de manière efficace aux émotions intenses sont ceux ayant une auto-évaluation de base élevée. C’est-à-dire ceux qui ont une grande confiance en leurs capacités ainsi qu’une opinion positive d’eux-mêmes.

Pour Christèle Alabert, un autre paramètre a un réel impact sur la gestion des émotions : le degré de projection de soi dans le poste et notre capacité à relativiser l’enjeu. « Plus vous vous projetez dans un poste avant d’avoir signé votre contrat et plus l’enjeu vous semblera important, au risque de trop vous investir émotionnellement » explique-t-elle. « Malgré l’importance que vous accordez à votre recherche d’emploi, il faut être capable de relativiser l’événement. Que peut-il vous arriver en cas d’échec ? Pas grand chose, si ce n’est l’obligation de recommencer. Certes, ce n’est jamais agréable et assez stressant, mais ce n’est pas une situation qui contient un réel danger. Alors soyez conscient de l’enjeu tout en gardant votre calme, l’important étant de s’appliquer tout en restant authentique. »

Article rédigé par Alexandre Nessler et édité par Manuel Avenel ; photo de Thomas Decamps.

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