Les 6 phrases assassines qui devraient être interdites au bureau

05 avr. 2022

5min

Les 6 phrases assassines qui devraient être interdites au bureau
auteur.e.s
Thomas Decamps

Photographe chez Welcome to the Jungle

Marlène Moreira

Journaliste indépendante.

Volontaires ou non, exprimées innocemment ou à mauvais escient, ces petites phrases lancées à la volée dans l’open-space peuvent faire beaucoup de dégâts. Top 6 des phrases dangereuses que vous avez peut-être déjà entendues, voire prononcées vous-mêmes (bouuuh).

« Je n’ai pas le temps pour ça »

Généralement lancé par un boss peu coopératif, ou un collègue « sous l’eau ».

C’est une manière (presque) sympa de dire… « Tu es gentil mon loulou, mais mon travail est beaucoup plus important que le tien, alors tu comprendras que j’ai autre chose à faire. »

Pourquoi c’est dangereux ? Pour la personne qui a sollicité votre aide, cette réponse est extrêmement dévalorisante. Comme tout le monde, vous êtes une personne très occupée, votre travail est crucial pour l’entreprise et la société (ce reporting sur la consommation de rouleau de papier toilette au bureau va changer la face du monde, c’est certain). Mais dire à un collègue, à votre n-1 ou à votre n+1 que vous n’avez pas le temps de lui apporter votre aide démontre, au mieux, un défaut de gestion du temps de votre part… et au pire, que vous n’avez pas l’esprit d’équipe. N’espérez pas obtenir de l’aide à votre tour quand vous en aurez besoin.

Que dire ou faire à la place ? Il existe de multiples manières de répondre à cette demande de façon plus diplomatique, en fonction de la situation. Vous pouvez, par exemple, rediriger votre interlocuteur vers une personne plus pertinente en lui expliquant pourquoi c’est le cas (elle est plus experte, plus disponible…) Vous pouvez également repousser l’échéance : « Je serais ravi d’en discuter avec toi dès que j’ai fini ce reporting. Peut-on en discuter en fin de semaine ? » Ou tout simplement - si vous avez un lien hiérarchique et une charge de travail déjà écrasante - demander laquelle de vos tâches existantes vous devez mettre en pause pour traiter la nouvelle. Cela obligera votre interlocuteur à prioriser.

« Tu as pris ton après-midi ? »

Généralement entendu un vendredi soir - ou une veille de jour férié - par un boss ou des collègues qui auraient aimé partir tôt, eux aussi.

C’est une manière (presque) sympa de dire… « Quel fainéant, reste plutôt trimer avec nous au lieu de te la couler douce. »

Pourquoi c’est dangereux ? En lâchant une telle remarque de façon innocente, vous cautionnez le célèbre « présentéisme à la française ». Pourquoi faire culpabiliser une personne qui a peut-être tout simplement terminé son travail ? Qui n’est pas en période de rush ? Qui a peut-être commencé sa journée plusieurs heures avant vous ?

Que dire ou faire à la place ? Si votre collègue a réellement terminé son travail, vous gagnerez plutôt à lui demander comment il s’organise pour être aussi performant, et apprendre de lui. Et s’il part en laissant le reste de l’équipe en difficulté, l’apostropher en public est rarement la solution : attendez son retour pour discuter de la répartition des tâches de l’équipe en tête à tête.

« Je suis surpris(e) de ne pas avoir eu un retour de ta part »

Généralement entendu une à deux heures après l’envoi du mail demandant le-dit retour.

C’est une manière (presque) sympa de dire… « Quand est-ce que tu ouvres ta boîte mail ? J’ai des sujets importants sur le feu, moi. »

Pourquoi c’est dangereux ? Parce que cette pauvre Clothilde, toujours à jour sur ses dossiers, pourrait faire une attaque en imaginant avoir loupé un e-mail important. Et tout simplement, parce que ce n’est pas légitime de penser que vos urgences doivent être celles des autres.

Que dire ou faire à la place ? Vous avez réellement une urgence ? Un sujet sur lequel vous attendez un retour rapide ? Dans ce cas, la meilleure solution est de décrocher votre téléphone pour discuter du sujet en direct avec votre interlocuteur. CQFD ou d’expliquer dès votre premier mail que c’est un sujet urgent pour vous et pourquoi.

« Ton prédécesseur n’aurait pas fait ça comme ça ». Existe également dans la version « Pourquoi veux-tu changer ça ? On fonctionne de cette manière depuis 20 ans »

Généralement prononcé par une personne peu constructive, qui a peur du changement, et qui disait d’ailleurs la même chose au prédécesseur en question.

C’est une manière (presque) sympa de dire… « Tu es mauvais Jacques. Arrête de penser par toi-même et suis les process. »

Pourquoi c’est dangereux ? Parce que cela nie l’autonomie de votre interlocuteur, et le conduit à douter de son travail. Parce que cela encourage l’entreprise entière à rester dans l’immobilisme.

Que dire ou faire à la place ? Et si vous le/la laissiez expérimenter, se tromper et s’améliorer seul(e) ? Qui sait, il ou elle pourrait trouver une façon de faire - différente de ce qui se faisait jusqu’ici - mais qui fonctionne aussi bien… voire mieux. Oui, le changement fait peur, c’est une invitation à sortir de votre zone de confort, mais c’est souvent bénéfique. Et si votre interlocuteur est réellement dans l’erreur, proposez-lui plutôt de partager quelques bonnes pratiques issues de votre expérience, de façon constructive, en le laissant libre d’adhérer à celles qui lui conviennent.

« Tu n’es pas content ? La porte est grande ouverte. »

Généralement prononcé par un boss furieux et toxique, lorsqu’un collaborateur le remet en question.

C’est une manière (presque) sympa de dire que… « J’ai le pouvoir et ton avis m’importe peu. En bonus : je te vire quand je veux. »

Pourquoi c’est dangereux ? Car ce type de remarque est typique du « management par la peur », une forme de management qui annihile les initiatives, crée une pression constante sur les collaborateurs et nuit fortement à la cohésion d’équipe. C’est sooo 1984’ !

Que dire ou faire à la place ? Changer. Vraiment. Et vite. De manière générale, il n’est pas recommandé de réagir à chaud aux contrariétés causées par un collaborateur. Prenez plutôt le temps de réfléchir de manière constructive à la situation pour proposer (voire, « co-construire ». Non, ce n’est pas un gros mot.) des solutions au problème qui a conduit à cette remarque.

« Il faut que l’on parle »

Généralement prononcée par une personne qui aime beaucoup trop le drama et les comédies romantiques. Ou un fanatique du suspens, un peu sadique.

C’est une manière (presque) sympa de dire que… « Je veux te laisser mijoter et douter avant de te dire ce que j’ai à te dire. »

Pourquoi c’est dangereux ? Parce que votre interlocuteur va transpirer à grosses gouttes et laisser un terrible fumet dans l’open-space. Parce que ce type de phrase annonce rarement une bonne nouvelle et que tout le monde en est conscient. Car non, jamais personne n’a prononcé, d’un air très sérieux « Jean, entre et ferme la porte derrière toi, il faut que l’on parle… (pause) je voudrais t’offrir deux places pour Disneyland. Allez, amuse-toi bien ! ».

Que dire ou faire à la place ? Si ce n’est pas votre intention de terrifier les membres de votre équipe, envisagez de remplacer cette phrase par une version moins marquée et plus précise : « Jean, passe me voir dans mon bureau un peu plus tard, j’aimerais que tu me tiennes au courant du projet X » ou « Clothilde, je sais qu’il y a eu quelques aléas sur le dossier Y, parlons-en en fin de journée, j’ai quelques pistes de solution à te proposer ». Ne soyez pas avare de mots, s’il-vous-plaît.

De nos jours, les échanges sont quotidiens, chronophages et omniprésents. Se laisser aller à ces petites phrases assassines par manque de temps ou de diplomatie est néfaste pour vos collègues, vos subordonnés, votre équipe entière. Ne sous-estimez jamais le pouvoir des mots et la capacité de l’être humain à imaginer le pire, derrière des phrases innocentes.

Article édité par Manuel Avenel
Photo par Thomas Decamps

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