Travailler aux Pays-Bas : les petites originalités locales vues par une expat'

28. 7. 2020

5 min.

Travailler aux Pays-Bas : les petites originalités locales vues par une expat'
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Thomas Decamps

Photographe chez Welcome to the Jungle

Julie Zabinsky

Rédactrice indépendante - Amsterdam

Après avoir terminé mon master en traduction à Paris et à Bruxelles, j’ai décroché mon premier emploi à Amsterdam en juillet 2015. Et ce qui ne devait être qu’un simple contrat de six mois et une « expérience à l’étranger » s’est transformé en CDI, puis en une nouvelle vie avec l’achat d’un appartement, une nouvelle bande d’amis expats et une petite copine néerlandaise.

Alors que je viens de fêter mon cinquième anniversaire dans la capitale hollandaise, il est temps pour moi de faire un tour d’horizon des petites originalités locales dans le monde du travail et de pointer les principales différences culturelles avec mes collègues néerlandais.

Une hiérarchie plutôt floue

Depuis mon déménagement à Amsterdam, j’ai bossé dans quatre entreprises : de la start-up à la scale-up, j’ai même vécu la faillite de l’une d’entre elles. Ainsi, j’ai pu me faire une idée assez précise sur le monde du travail néerlandais. C’est sans doute très différent dans les entreprises plus traditionnelles, mais j’ai remarqué que la plupart de mes managers étaient à chaque fois très jeunes et que le tutoiement était toujours à l’honneur.

Les Néerlandais tutoient automatiquement, alors qu’en Belgique par exemple, on priorise le vouvoiement. C’est peut-être aussi pour cette raison que les managers avec lesquels j’ai travaillé ces dernières années m’ont toujours semblé très accessibles. Concrètement, cela se traduit par une certaine liberté d’expression, une facilité à donner son avis et à partager ses idées et ce, peu importe la place que l’on occupe dans la hiérarchie, qui est d’ailleurs plus horizontale que verticale.

Ils ne passent pas par quatre chemins

Les Néerlandais sont connus pour être très francs, même au travail. La première fois que cela m’a interpellée, c’est lorsque ma manager a renvoyé illico presto un collègue qui venait la déranger à son bureau parce que non, elle n’avait même pas une minute à lui accorder. Moi j’aurais eu tendance à dire oui et à intérioriser la frustration d’avoir été interrompue.

Pour être honnête, si cette franchise culturelle demande un tant soit peu d’adaptation et de ne pas s’en offusquer à chaque fois, c’est quelque chose que j’ai appris à apprécier et à valoriser. Pendant mes one-to-one, j’ai toujours pu donner d’honnêtes feedbacks à mes managers et sans passer par quatre chemins. Ici, pas question de se cacher derrière les questions d’une enquête anonyme !

Des adeptes du work-life balance

Une semaine de travail classique aux Pays-Bas est de 38 heures, la majorité des emplois à temps plein oscillent entre 36 et 40 heures par semaine. Et pourtant, les Néerlandais travaillent vingt-neuf heures par semaine en moyenne. Pourquoi ? Ils sont particulièrement adeptes des contrats à temps partiel.

Alors que j’ai parfois du mal à gérer mon niveau de stress en essayant à tout prix de terminer ma to-do list avant vendredi 18h, ma compagne relativise bien plus : « Si un projet ne peut pas être terminé en 40 heures, c’est que manifestement il y a un problème dans ton cahier des charges. »

De manière générale, j’observe que mes collègues néerlandais arrivent plutôt bien à équilibrer leur vie privée et leur vie professionnelle. Ils posent facilement leurs limites. « Pourquoi travailler plus que ce qui est nécessaire ? Pourquoi faire des heures sup’ qui ne seront pas payées ? »

Le travail a peut-être une place moins importante qu’en France, mais cela s’explique peut-être par la place que prennent les activités extérieures. Boire un verre en terrasse le lundi soir, aller au concert le mercredi, faire du sport tous les deux jours, tester un nouveau restaurant le vendredi — bref, il est quasiment impossible pour un Néerlandais de rester tard au bureau vu que son agenda est déjà bien rempli !

À 18h00, on est prêt pour le Bootcamp

C’est peut-être inhérent aux start-up, mais les Néerlandais étant très sportifs, il est très commun qu’une entreprise propose des cours de fitness sous forme de Bootcamp et les mette en avant dans les offres d’emploi comme avantages — à côté du lunch gratuit et des Friday Drinks (aussi appelé VrijMiBo). À 18h pile, la plupart de mes collègues néerlandais enfilent leurs baskets et dépointent pour aller rejoindre le cours de sport collectif. Sensible au peer-pressure, j’ai moi-même pris le pli et je me surprends à faire du sport trois fois par semaine.

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Le « papadag » ou jour du papa

Si dans les autres pays européens, il est plutôt normal de voir une femme passer en 4/5ème après avoir donné naissance, aux Pays-Bas, les papas rompent avec les normes de genre en adoptant le « papadag » (le jour du papa) !

En 2016, près de 50% des jeunes pères néerlandais ont déclaré prendre un jour de congé au moins une fois par semaine pour s’occuper de leurs enfants. D’ailleurs, nombreux de mes collègues papas sont eux aussi passés en 4/5ème pour équilibrer les charges parentales. Une amie m’a même raconté que lorsqu’elle était enfant, c’était son père qui avait naturellement mis un terme à sa carrière pour rester avec ses enfants.

Un déjeuner sur le pouce

Le matin, tout le monde se rencontre à la machine à café ou à la cantine pour commencer la journée avec un petit déjeuner mis à disposition par la boîte. Yaourt, muesli, céréales, jus d’orange et lait d’avoine, tout y est. Ce que les Néerlandais apprécient beaucoup vu qu’ils adorent les bons plans.

Au déjeuner, la plupart de mes collègues se préparent un « toasti », ce qui correspond à notre croque-monsieur français. Je vous laisse un peu imager la file au toaster ! Le choix en pain est assez varié et impressionnant, vu qu’ils ne mangent pas vraiment de plats chauds et se contentent d’un sandwich minute. Ceux qui utilisent le micro-ondes sont souvent les expats qui se font réchauffer les restes de la veille.

Petite originalité, lorsqu’une personne fête son anniversaire, c’est à elle d’apporter son gâteau et de régaler ses collègues. Un peu comme à la maternelle quand on apportait des paquets de bonbons aux copains.

L’amour, mais pas trop non plus, pour les expats

On fait souvent référence au niveau d’anglais presque parfait des Néerlandais. Effectivement, depuis tout petits, ceux-ci sont habitués à un apprentissage passif de la langue, notamment parce que les films ou séries sont rarement doublés, mais toujours sous-titrés.

Pour autant, cela ne les empêche pas d’être un poil irrités lorsque l’entreprise pour laquelle ils travaillent depuis des années se développe à l’international et que la langue de travail passe à l’anglais. Je me suis retrouvée à plusieurs reprises en minorité linguistique et, croyez-moi, les minutes peuvent être très longues quand tout se dit en néerlandais et que vous ne pipez mot. Si vous avez la chance d’être deux ou trois expats dans un groupe, ils parleront anglais à coup sûr, mais si vous êtes seul.e, ne vous attendez pas à ce qu’ils fassent des efforts. Mais en France, on n’est pas mieux…

Dans une entreprise amstellodamoise où j’étais la toute première expat’ à être engagée : mon onboarding s’est fait exclusivement en néerlandais. Et là, j’ai vraiment chéri mes cours de flamand au collège.

Les relations de bureau : difficile de s’intégrer

Pour m’aider à rédiger cet article, j’ai voulu en savoir plus sur l’avis de mes amis expats. Et l’un des témoignages que j’ai recueillis m’a particulièrement interpellée : « Ce que je trouve bizarre chez les Néerlandais au travail, c’est qu’ils sont vraiment très doués pour les small talks, mais très difficiles à connaître sur le plan personnel. » Et c’est vrai que si je fais le point sur le nombre d’amis proches que j’ai pu me faire à Amsterdam, le pourcentage est bien 90 % d’expats et seulement 10 % de Néerlandais.

Les collègues néerlandais sont assez proches entre eux, et ils organisent beaucoup de team-buildings. Pour autant, je trouve qu’il est encore difficile de créer autre chose qu’une relation de bureau avec eux.

Finalement, après cinq ans à Amsterdam, je me rends compte qu’il y a mal de points sur lesquels le monde du travail français pourrait s’inspirer : l’honnêteté et la franchise, le meilleur équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle, mais aussi entre les charges parentales avec le «  papadag ». Pour ma part, j’ai totalement adopté le style de vie ultra-actif et l’agenda bien rempli des Néerlandais, sauf que je le partage avec mes amis expats. Et pour remédier au problème de langue, je suis un cours de néerlandais chaque année. Pas toujours simple, mais je m’améliore !

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Photo by WTTJ, illustration Clémentine Latron