Meubler les silences ou briser la glace, les pouvoirs du "small talk"

21 nov. 2019

4min

Meubler les silences ou briser la glace, les pouvoirs du "small talk"
auteur.e
Marlène Moreira

Journaliste indépendante.

Nous l’avons tous vécu, ce petit moment de panique dans l’ascenseur avec Jean-Michel de la comptabilité. Il vous regarde, vous le regardez, vous savez tous les deux que vous n’avez rien d’intéressant à vous dire mais ce silence devient oppressant. Vite, il faut trouver quelque chose.
« Il fait doux pour un mois de novembre, n’est-ce pas ? »
Ouf, Jean-Michel, aussi soulagé que vous, répond : « Oui, en effet. Nous avons une belle arrière-saison cette année. Ah le réchauffement climatique… »

Si le “small talk” permet de meubler les silences ou de sympathiser avec des retraités dans la queue de la boulangerie, c’est aussi une compétence très utile dans la vie professionnelle. La météo, les problèmes de transport, les dernières vacances… Autant de cordes à avoir à votre arc pour faire face à toutes les situations.

De tout temps les Hommes… ont “small talké”

« Des expressions sans but, des récits d’événements non pertinents et des commentaires sur ce qui est parfaitement évident » : en 1923, l’anthropologue polonais Bronislaw Malinowski (dans son ouvrage The problem of meaning in primitive languages, ndlr) est le premier à décrire ce que l’on appelle aujourd’hui le “small talk” et à relever son rôle dans les relations sociales. Il le dépeint alors comme une forme de discours sans intérêt autre que celui de… conjurer le silence.

Mais dans les années 1970, la sociolinguistique s’intéresse à ces nouvelles formes de discours qui constituent le langage quotidien et représentent l’essentiel de notre communication verbale. Depuis, les recherches s’accordent sur le caractère primordial de ces échanges informels. Ils relèvent d’une forme de rituel qui permet de se sentir à l’aise avant de se lancer dans une conversation sérieuse ou une amitié durable.

Donc non, personne ne s’attend à susciter un débat passionné en évoquant le film d’hier soir ou la météo du week-end prochain, l’important n’est pas le sujet de conversation mais l’acte de converser.

Faut-il “small talker” pour devenir le king de l’open-space ?

Qu’on le veuille ou non, le small talk est le lubrifiant des relations sociales, et ce même au boulot. Ces petits moments d’échanges devant la machine à café ou avant le début d’une réunion jouent un rôle crucial dans la réussite professionnelle. Ils permettent de s’intégrer plus facilement dans une nouvelle entreprise, d’étoffer son réseau ou simplement d’instaurer un climat plus détendu avant un rendez-vous.

Quelques exemples de sujets de small talk améliorés pour briser la glace avec vos collègues

Mais pour changer des éternels échanges sur la météo - qui ont pour seul bénéfice de rompre le silence mais sont loin de vous aider à briller d’intelligence - quels sujets abordés ?

  • « Tu as vu le dernier… match de l’équipe de France / film de Woody Allen ? »

Tout l’art du small talk réside dans le fait de savoir détecter la limite de vos interlocuteurs, déterminer quand le sujet le mettra mal à l’aise ou qu’il trouvera votre question déplacée. Alors pour ne prendre aucun risque, vous pouvez aborder les sujets classiques (et un peu plats) qui fonctionnent à tous les coups : sport, films, séries, voyages, la cuisine ou les dernières actualités.

  • « Comment as-tu… trouvé ce poste / choisi cette carrière ? »

Toutes les questions ouvertes et commençant par “pourquoi / comment” invitent votre interlocuteur à entrer dans les détails… et à parler de lui. Ce qui reste le sujet préféré de la majorité des êtres humains. Une étude du neuroscientifique Dr. Jason Mitchell de l’Université d’Harvard montre d’ailleurs que parler de soi active les zones du cerveau qui correspondent au plaisir et libèrent de la dopamine. Alors au lieu de convaincre vos collègues de vous suivre dans une séance de crossfit, proposez-leur plutôt de raconter leur vie autour d’un verre, c’est bon pour leur santé (avec modération, ndlr)

  • « À ton avis, comment je devrais… aborder ce client / gérer cette situation délicate sur le projet ? »

Oscar Wilde disait que nous admirons la sagesse de ceux qui s’intéressent à nous pour obtenir des conseils. La majorité des gens aiment en effet parler de leurs expériences et donner leur avis. Leur donner l’occasion de le faire est la voie royale pour engager une conversation qui fait mouche !

  • « J’ai entendu dire que… les croissants de la boulangerie d’en face sont délicieux / une nouvelle salle de sport a ouvert près du bureau. Est-ce que tu l’as essayée ? »

Évoquer votre environnement proche est non seulement un moyen d’avoir des bons plans, mais surtout de valoriser l’avis et les conseils de vos collègues. Dans l’idéal, orientez la question sur un sujet qui intéresse votre interlocuteur : les crèches du coin pour les jeunes parents, les bars aux happy hours prolongés pour les plus fêtards ou encore les meilleurs resto pour les cordon-bleus.

  • « Est-ce que tu penses qu’un jour on devrait… envoyer des pionniers sur Mars / arrêter de prendre l’avion ? »

Sans entrer dans des sujets trop subversifs ou propices aux avis tranchés - tels que la politique, la religion ou la sexualité - il ne faut pas s’interdire d’évoquer des questions de fond. Des études montrent d’ailleurs que les gens préfèrent avoir des discussions approfondies et constructives. Parler des choses qui comptent vraiment et qui ont du sens rendrait plus heureux et permettrait de créer des liens plus forts avec les personnes qui vous entourent.

Le small talk peut rester un banal échange pour combler un silence gênant dans l’ascenseur… ou être utilisé comme un puissant levier pour briser la glace avec un interlocuteur, mieux le comprendre, le mettre à l’aise et poser les bases d’une relation plus pérenne. Alors, à vous de jouer !

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