Dire qu'on a trouvé mieux ailleurs : une (fausse) bonne idée ?

16. 6. 2021

5 min.

Dire qu'on a trouvé mieux ailleurs : une (fausse) bonne idée ?
autor
Gabrielle de Loynes

Rédacteur & Photographe

Hier encore vous étiez là, serein, à flâner dans votre entreprise. Gai comme un pinson, accroché à votre poste. En quelques minutes, tout a changé. Vous êtes entré dans le viseur d’un chasseur de têtes. Vous avez été pris pour cible. Vous qui pensiez avoir trouvé votre nid douillet, vous en êtes sorti tout troublé. Puis, votre ego s’est gonflé, vous vous êtes senti léger, prêt à voler vers d’autres cieux, plus glorieux. Là-bas, vous a-t-on promis, vous serez mieux, payé, mieux considéré, plus valorisé. Pourtant, cette bonne vieille branche sur laquelle vous vous reposiez n’était pas si mal. Elle vous plaisait. Vous y seriez bien resté. Alors, faut-il sauter le pas et voler vers de nouveaux horizons professionnels ? Est-ce prudent de foncer vers votre manager pour vous vanter d’avoir trouvé mieux ailleurs ? Petit tour d’horizon du problème avec Marie-Laure Deschamp, coach professionnelle.

Cible d’une chasse : la décharge d’ego-boost

Que l’on soit chassé par surprise ou que l’on ait flairé soi-même une nouvelle piste, lorsqu’il y a prise, que votre profil est touché en plein cœur, c’est l’euphorie. « Ça vient taper l’ego, observe Marie-Laure Deschamp. Tout à coup, un inconnu nous flatte, nous attise et éveille notre besoin de reconnaissance. Il n’y a pas de mal à prendre cette petite décharge qui fait du bien. » Pourtant, hier encore, vous étiez pleinement satisfait de votre job et vous n’aviez aucune intention de le quitter. Cette nouvelle piste est venue vous dérouter et tout chambouler.

Être chassé par une entreprise ou survoler les offres en quête d’opportunités prétendument meilleures permet de savoir ce que l’on vaut sur le marché de l’emploi. « Cela vient titiller notre besoin de reconnaissance, reprend la coach. On se sent reconnu pour ce qu’on fait ou ce qu’on est. » Et cette reconnaissance se manifeste à travers le salaire, les conditions de travail, le contenu de la fiche de poste, les feedbacks qui vous sont faits ou les responsabilités qui vous sont confiées. « Savoir ce que l’on vaut au travail, ce que les autres pensent de nous est essentiel, poursuit-elle. Mais il faut prendre garde à ne pas se laisser appâter par l’ego et ne pas le laisser parler pour nous. »

Prendre de la hauteur et cibler ses besoins

Cette offre d’emploi qui vous est soudain tombée dans le bec a fait naître en vous de nouveaux besoins. Le choix qui se présente à vous, vous force à la comparaison et vous fait prendre conscience d’éventuels manques dans votre poste actuel. « Est-ce que vous vous sentez utile dans votre travail ? sonde Marie-Laure Deschamp. Quelles sont vos perspectives d’évolution ? Avez-vous l’impression de progresser ? Êtes-vous toujours motivé.e ? »

Concrètement, on ne peut pas courir deux lièvres à la fois. Il va donc falloir faire un choix. Alors, grimpez sur votre mirador et observez attentivement la situation. « Il est nécessaire de prendre de la hauteur, conseille la coach. De faire un bilan de vos besoins : stabilité, sécurité, environnement de travail, valeurs… et de comparer à la lumière de ces besoins ce que vous propose votre job actuel et ce que pourrait vous offrir un nouveau poste. Il faut remettre du rationnel dans la balance ! » Une fois ce bilan effectué, soit vous choisissez d’en savoir plus sur le poste pour lequel on vous courtise, soit vous déclinez la proposition. « Vous pouvez vous apercevoir que non, ce poste n’est pas véritablement mieux que celui que vous occupez actuellement, explique la coach. Ou au contraire vouloir tâter un peu plus le terrain pour en savoir davantage. Une fois votre décision prise vous serez en mesure de l’annoncer sereinement à votre hiérarchie. »

Trophée de chasse : faut-il s’en vanter ?

Ça y est, cette fois c’est sûr vous pensez avoir trouvé mieux ailleurs. Faut-il pour autant vous élancer vers votre manager pour vous vanter d’avoir été chassé ? À vos risques et périls… « Tout dépend du climat de votre entreprise et de vos objectifs », tranche Marie-Laure Deschamp. Si vous faites le choix d’en parler, allez-y pas-à-pas. Avancez prudemment. Il y a toujours un risque de se brûler les ailes.

Flairez les risques

« Une fois que vous avez pris conscience d’un écart entre le job que vous occupez actuellement et celui pour lequel vous êtes chassé, posez-vous la question : faut-il en parler ? », interroge Marie-Laure Deschamp. La réponse se cache dans l’objectif qui vous anime : avez-vous l’intention de saisir cette opportunité pour quitter votre poste ? Ou au contraire voulez-vous vous servir de cette opportunité comme levier de négociation pour améliorer votre situation actuelle ? Dans la seconde hypothèse, restez circonspect. Faites le guet. « Vous devez vous fier à votre ressenti, suggère la coach. Mettez vos sens en alerte. Quels sont les signaux envoyés par votre manager ou par votre entreprise ? Est-ce que les collaborateurs entrent et sortent de la boîte au moindre prétexte ? Dans ce cas, redoublez de prudence. Toute vérité n’est pas bonne à dire. »

Tentez une approche subtile

Tous les voyants sont au vert. La voie est libre ! Votre manager est quelqu’un d’ouvert, de disponible et vous pouvez sereinement lui en parler. « Dans ce cas, reprend Marie-Laure Deschamp, dites-lui que vous avez besoin de faire le point avec lui. Commencez par lui expliquer que vous vous êtes fait chasser. Dites-lui quelque chose comme : ‘‘Rassure-toi, je n’ai pas l’intention de partir. Je ne suis pas en recherche. Mais en discutant avec le recruteur j’ai pris conscience qu’il y avait un écart de salaire / de responsabilités avec le poste que j’occupe. Bien sûr, ça m’a questionné et je me suis dit que c’était l’occasion de refaire le point sur ma situation’’. » L’envie de progresser, de monter et d’atteindre ses aspirations professionnelles ne peut pas vous être reprochée. C’est d’ailleurs à cela que l’on reconnaît un bon manager. Il s’implique personnellement dans la carrière de ses collaborateurs et cherche continuellement à les tirer vers le haut. Si rien ne dit que vous obtiendrez gain de cause, la petite graine sera semée dans la tête de votre manager.

Rebroussez chemin

Certes, cette piste tombée du ciel est tentante. Mais tout compte fait, vous le savez, elle ne vous correspond pas. « Savoir ce que l’on vaut sur le marché ne signifie pas qu’il faille atteindre cet objectif coûte que coûte, insiste la coach. Le salaire est alléchant, mais à quel prix ? L’hameçon de l’argent appâte, mais plus le salaire est élevé, plus on a de responsabilités et plus on prend des coups. » Recentrez-vous sur vos besoins et efforcez-vous de rester toujours aligné avec vos aspirations profondes. « Le salaire n’est pas le seul qui compte, les valeurs que véhicule l’entreprise ont tout autant leur importance, reprend-elle. Pour être certain de ne pas vous renier, posez votre cadre dès le départ. » Chaque fois que vous serez chassé pour un poste qui n’entre pas dans ce cadre, passez votre chemin. Nul besoin de l’évoquer à votre manager, vous savez ce qui vous fait rester.

Assurez vos arrières et négociez !

Vous hésitez. La nouvelle aventure qui s’offre à vous est attirante et vous pourriez être tenté de vous envoler si votre employeur actuel ne cherche pas à vous retenir ? « Avant d’en discuter avec votre manager, assurez-vous d’avoir une offre et des conditions sérieuses en face », recommande Marie-Laure Deschamp. Dans ce cas-là, il va falloir négocier et mieux vaut y aller armé. « Faites comprendre à votre manager que si l’on ne vous propose pas mieux que cette offre, vous êtes prêt à partir », affirme-t-elle. Il y a un risque, celui de braquer votre manager qui pourrait interpréter votre démarche comme une trahison. Le risque aussi de vous fermer la porte d’une promotion ou même de vous faire renvoyer. Mais ce risque, vous êtes peut-être disposé à le prendre. « C’est évidemment un pari, mais une autre perspective vous attend ailleurs », nuance la coach.

Alors, êtes-vous prêt à sauter le pas ? À quitter cette branche sur laquelle vous étiez confortablement installé ? Vous seul le savez. Vous êtes pris en chasse ? Restez calme, n’en parlez pas trop vite à votre manager. Si vous visez trop haut, vous risquez de vous brûler les ailes. Gare à la chute, votre manager pourrait bien vous voler dans les plumes. Soyez prudent, attendez, observez vos besoins et voyez s’il est plus stratégique pour vous de rester perché à votre poste ou de voler vers d’autres cieux…

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Photo par WTTJ
Édité par Romane Ganneval