PARLEZ-MOI DE VOUS #4 – No zob in job !

06 juil. 2023

4min

PARLEZ-MOI DE VOUS #4 – No zob in job !
auteur.e
Bénédicte Tilloy

DRH, ex-DG de SNCF Transilien, conférencière, professeure à Science-Po, autrice, cofondatrice de 10h32

contributeur.e

À quoi ressemble la vie d’une équipe RH dans une startup à succès ? « Parlez-moi de vous », le 1er feuilleton Welcome to the Jungle, dissèque le quotidien de Léa, Rana et Alex, entre amitié et crise d’ego. Une satire tendre de Bénédicte Tilloy. Dans ce 4e épisode, les histoires de cœur et de travail se mêlent, faisant difficilement bon ménage.


Avant de commencer votre lecture, n’hésitez pas à vous (re)plonger dans les épisodes précédents de la série.


« Eddy a beaucoup de chance, on lui a trouvé de vraies pépites ! », lance Léa, chargée de recrutement de Hey You, en parcourant une dernière fois les profils des futures recrues. Le processus d’embauche des développeurs dans le cadre du lancement aux États-Unis touche à sa fin. Il s’agit maintenant de préparer les contrats. Léa s’est installée en salle de réunion avec Rana, sa stagiaire, et elle lui explique la marche à suivre : les candidats sont attendus le soir-même pour la signature de leurs contrats et commenceront dès le lendemain dans l’entreprise. En ouvrant le dossier de Blaise, Léa poursuit, enjouée : « Lui, il a un parcours dingue, sans compter qu’il est vraiment pas mal, non ? » Le retour de Rana ne se fait pas attendre : « J’espère que ce n’est pas juste pour ça qu’on le recrute. En tout cas, moi, il ne m’a pas franchement impressionnée… » Léa ouvre des yeux ronds. Celle-là, elle ne l’avait pas vu venir. Mais elle n’a pas le temps de réagir que Rana renchérit déjà avec véhémence : « Ça se voit qu’il est du genre à en faire des caisses, et quand tu grattes la peinture, tout fout le camp ! D’ailleurs, on devrait vérifier. Pour moi, il a menti sur son CV. »

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« Mais qu’est-ce qui lui permet de dire ça ? », s’étonne Léa. Elle a beau questionner sa stagiaire, elle n’obtient aucune réponse claire en retour. La chargée de recrutement est choquée ; ce n’est pas le style de Rana de garder de tels doutes pour elle. Et puis, elle n’en avait rien dit jusqu’à maintenant et ne donne pas d’arguments pour appuyer ses insinuations. Pire, elle insiste même pour que l’on diffère l’embauche de Blaise le temps de s’assurer qu’il est bien l’expert qu’il prétend. Léa coupe court à sa proposition, qu’elle juge inéquitable vis-à-vis des autres candidats. Il a parfaitement réussi son cas pratique, et elle n’a pas senti de contradictions dans le résumé de son parcours. Elle s’en serait sans doute rendu compte s’il avait pipoté sur son CV. « Il n’y a pas de raison de le traiter différemment, sauf si tu sais quelque chose à son sujet. Dans ce cas, je te demande de me le dire maintenant. » N’obtenant comme seule réponse qu’un haussement d’épaules, elle poursuit : « Bien, dans ce cas, on rédige son contrat, comme pour les autres. » Fin de la séquence. Rana se ferme, mais s’exécute.

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En y repensant plus tard dans la journée, Léa s’interroge sur l’attitude de Rana, l’échange la chiffonne. Et la petite musique qu’Alex lui a servie la semaine dernière au sujet de sa stagiaire résonne de plus belle. Même si certaines remarques lui ont semblé déplacées, toutes n’étaient pas sans fondement. Alors que Léa programme une séance de feedback avec Rana le jour suivant - autant ne pas laisser traîner les choses -, voici qu’Étienne fait son apparition. Comme à son habitude, le directeur commercial n’a froid ni aux yeux ni à l’ego : « Je suis venu plaider ma cause directement, ça t’évitera de me ghoster quand je t’envoie un texto pour boire un verre ! » « Je ne t’ai pas ghosté, je t’ai simplement dit “non” », rétorque Léa. Mais Étienne ne se laisse pas démonter. À côté de ses avances explicites, il enchaîne sur des frustrations professionnelles qui ne semblent pas dater de la veille : « J’aimerais que tu m’aides pour parler à Boris. Je suis payé au lance-pierres et j’ai l’impression que je peux exploser les chiffres sans que ça l’émeuve beaucoup. Le mec trouve ça naturel… Mais faut qu’il fasse gaffe, je reçois souvent des offres très alléchantes… » Davantage pour s’en débarrasser que pour l’aider à obtenir gain de cause, Léa lui fixe un rendez-vous. Elle le verra le lendemain, au bureau, dans sa zone.

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Décidément, la matinée n’a pas été de tout repos. Les bureaux sont presque vides lorsque Léa décide d’aller s’acheter un sandwich pour le déjeuner. En passant devant la salle de réunion, elle capte les bribes d’une conversation entre Boris, le CEO, et Eddy, le CTO : « Non mais j’hallucine, quel enfoiré ! Comment il a pu nous faire ça ? » Eddy semble dans tous ses états : « Le mec sur lequel tu comptes pour développer ta boîte, il te la salope en douce. » « C’est grave, oui, répond Boris qui garde pourtant son sang froid. Mais il va falloir rester discret le temps qu’on prépare la communication aux équipes et surtout aux clients… » Léa n’en revient pas, elle comprend que le duo a identifié le hacker, et qu’il est sans l’ombre d’un doute l’un des leurs. Comment est-ce possible et surtout de qui s’agit-il ? Craignant d’être vue, la jeune femme file jusqu’à la boulangerie voisine. Elle passe en revue un à un les membres de l’équipe. Quand on commence à douter, les signaux s’allument et tout le monde (ou presque) semble coupable. Léa règle son déjeuner et heurte Étienne en sortant. Décidément, il est encore dans ses pattes. Drôle de coïncidence ! Ses jérémiades du matin prennent d’un seul coup tout leur sens : « Et si c’était lui… » Un homme bien placé dans la boîte, qui ne s’estime pas assez reconnu, sans oublier la crainte de Boris et d’Eddy face aux clients…

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Impossible pour Léa de rester concentrée durant l’après-midi, tant elle est persuadée de tenir le coupable. Les heures défilent jusqu’au moment de faire signer aux nouveaux développeurs leurs contrats. Flairant un possible écart de sa stagiaire, Léa prend les devants. « Je m’occupe des contrats de Claire et Blaise, et je te laisse gérer les deux autres, ça te va ? », Rana bredouille, la mine défaite : « Je ne me sens pas très bien, ça t’ennuie si je pars un peu plus tôt aujourd’hui ? » Léa lui fait signe qu’il n’y a pas de problème et regarde sa stagiaire réunir ses affaires avant de filer, aussi bizarrement qu’elle s’est conduite tout au long de la journée. Est-ce qu’elle a un souci avec sa fille ? Est-ce qu’elle se sent mal dans la boîte ? L’entretien du lendemain sera l’occasion de creuser. Léa se questionne encore en rejoignant les nouveaux embauchés, bien alignés sur le canapé du hall. La chargée de recrutement fait entrer Claire, puis vient le tour de Blaise, qui la salue poliment. Il semble guetter l’arrivée de quelqu’un. En montrant du regard l’escalier, il enchaîne : « Rana ne se joint pas à nous ? » « Non, elle a dû s’absenter. Elle sera de retour demain et t’accompagnera lors ton onboarding », explique Léa. « Ah d’accord, ajoute Blaise. J’espère que ce n’est pas un souci avec sa fille. » Léa indique au nouveau développeur où parapher et signer son contrat avant de lui tendre la main pour lui souhaiter officiellement la bienvenue parmi l’équipe. C’est quand il franchit la porte pour laisser la place au suivant qu’elle réalise : mais comment sait-il que Rana a une fille… ?


Article édité par Mélissa Darré et Ariane Picoche, photos : Thomas Decamps pour WTTJ

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