Comment le biais des « coûts irrécupérables » vous rend irrationnel
09 déc. 2019
2min
NOUS SOMMES TOUS BIAISES - C’est un fait : nous sommes tou·te·s victimes des biais cognitifs. Vous savez ces raccourcis de pensée de notre cerveau, faussement logiques, qui nous induisent en erreur dans nos décisions quotidiennes, et notamment au travail. Dans cette série, notre experte du Lab Laetitia Vitaud identifie les biais à l’oeuvre afin de mieux comprendre comment ils affectent votre manière de travailler, recruter, manager… et vous livre ses précieux conseils pour y remédier.
Explication
Vous est-il déjà arrivé de vous ennuyer au cinéma mais d’hésiter à partir pour ne pas gâcher l’argent dépensé pour l’achat du billet ? Vous avez sans doute été victime du biais des « coûts irrécupérables ». En économie comportementale, les coûts irrécupérables (sunk cost en anglais) sont les coûts qui ont déjà été engagés, qui ne sont ni remboursables ni récupérables, et que l’on craint de voir « gaspillés ».
Pour un agent rationnel, les coûts ne devraient pas influencer les choix qui seront réalisés après qu’ils ont été engagés. Pourtant, ils interviennent dans les décisions à cause du phénomène d’aversion à la perte : le fait qu’on attache plus d’importance à une perte qu’à un gain du même montant.
Mais en réalité, il y a là une erreur de raisonnement. Le choix offert dans l’exemple ci-dessus est entre deux options :
- Avoir dépensé un billet de cinéma et partir faire autre chose de moins ennuyeux
- Avoir dépensé un billet de cinéma et s’ennuyer une heure de plus.
Dans les deux cas, il est impossible de récupérer l’argent du billet. C’est donc la première option qui serait objectivement la meilleure. Pourtant, nous sommes nombreux à opter pour la seconde.
Le biais des coûts irrécupérables est très courant dans les grandes organisations. L’exemple le plus parlant : « l’effet Concorde » qui fait référence à l’entêtement des gouvernements français et britannique à poursuivre le projet du Concorde, pour le prestige, mais aussi à cause des dépenses immenses déjà engagées. Pourtant, on savait dès 1973 que son exploitation commerciale n’était pas rentable.
Conséquences pour les ressources humaines
Le biais des coûts irrécupérables est courant dans les ressources humaines. Il est présent, en particulier, au stade de l’embauche et de la formation d’un salarié. Au début, il est facile de rompre la relation. Au fur et à mesure que le temps passe, cela devient moins facile. Dans la Silicon Valley, certaines entreprises comme Netflix affirment ne pas être victimes de ce biais là, car elles ne font appel qu’aux talents dont elles ont besoin à l’instant T.
Le biais est aussi courant dans les projets de logiciel de gestion des RH, notamment dans la fonction publique. On se souvient du projet Louvois, un projet informatique pour gérer la paie des militaires, qui a englouti des centaines de millions d’euros et n’a jamais fonctionné correctement. Mais plus récemment, le Ministère de l’Education Nationale n’a pas cédé au biais des coûts irrécupérables puisqu’il a abandonné le logiciel RH Sirhen, après avoir pourtant dépensé 320 millions d’euros. Ces logiciels d’un autre âge ne permettent pas aux directions RH de ces grandes organisations d’opérer leur transformation numérique
Comment y remédier ?
Le biais des coûts irrécupérables est un danger pour les entreprises qui doivent devenir plus agiles à l’ère numérique. En matière de logiciels, il est préférable de se tourner vers des solutions par abonnement qui permettent d’utiliser les applications du jour et d’en changer quand c’est nécessaire. On peut aussi déployer des API (Application Programming Interface) pour que des acteurs plus agiles développent des solutions à partir de ressources mises à disposition par les grandes organisations.
« Les salariés, eux, ne sont pas des « coûts irrécupérables ». Leur offrir plus de mobilité horizontale, même quand on a investi beaucoup à un poste, c’est une manière de garder plus longtemps les meilleurs talents.
Inspirez-vous davantage sur : Laetitia Vitaud
Autrice et conférencière sur le futur du travail
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