Management en temps de crise : connaissez-vous la « boucle de vulnérabilité » ?

27 oct. 2020

3min

Management en temps de crise : connaissez-vous la « boucle de vulnérabilité » ?
auteur.e
Laetitia VitaudExpert du Lab

Autrice, consultante et conférencière sur le futur du travail, spécialiste de la productivité, de l’âge et du travail des femmes

Pour continuer leur activité malgré le confinement, de nombreuses entreprises ou équipes ont déployé des trésors d’inventivité pour maintenir les liens à distance. Face à l’incertitude continue de la période de pandémie, elles imaginent des nouvelles manières de travailler.

Dans les cultures les plus solides, on a avant tout encouragé l’expression de la vulnérabilité aussi bien des managers que de tous/toutes les salarié.e.s. Étonnamment, on s’est rendu compte que cela pouvait contribuer à renforcer l’équipe. Parler des difficultés en toute transparence, demander l’aide des salarié.e.s pour les résoudre, cela cimente la culture de l’équipe et permet de mieux surmonter ces difficultés.

Dans notre livre 100 idées innovantes pour recruter des talents et les faire grandir, nous avons consacré un chapitre à ce sujet, que nous publions ici en libre accès. Il est plus que jamais d’actualité.

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Quel est le secret de la cohésion d’une équipe ? Comment créer la confiance au sein d’une équipe? La plupart des gens s’accordent à dire que la confiance est essentielle pour travailler ensemble avec succès. Et la majorité pense que l’ouverture et le respect contribuent à faire naître la confiance. Mais rares sont ceux qui appréhendent vraiment le rôle de la vulnérabilité.

Il est souvent admis que la confiance prime, et que la vulnérabilité vient
en second
– avec l’idée que vous ne pouvez admettre vos limites et vos faiblesses que si vous avez confiance dans votre équipe. Or c’est l’inverse. Dans son livre The Culture Code, Daniel Coyle écrit : « En règle générale, nous concevons la confiance et la vulnérabilité de la même façon que nous pensons à bien nous tenir au sol avant de sauter dans l’inconnu. Nous commençons par établir la confiance, puis nous nous lançons. Mais la recherche montre que c’est dans l’autre sens que ça se passe. La vulnérabilité ne vient pas après la confiance – elle la précède. »

Dans The Culture Code, Coyle développe le principe de la « boucle de vulnérabilité », un concept qui, selon lui, contribue largement à bâtir des cultures propices à la sécurité affective et l’épanouissement.

« À certains égards, nous savons intuitivement que la vulnérabilité déclenche la coopération et la confiance », affirme le docteur Jeff Polzer, professeur de comportement organisationnel à Harvard. Il souligne que la vulnérabilité se situe moins du côté de l’émetteur que du destinataire. La « boucle de vulnérabilité » est un échange partagé d’ouverture et « la pierre angulaire de la coopération et de la confiance », ajoute-t-il.

Les étapes de cette boucle sont les suivantes :

  1. A envoie un signal de vulnérabilité.
  2. B détecte ce signal.
  3. B réagit en signalant sa propre vulnérabilité.
  4. A détecte ce signal.
  5. Une norme est établie : la proximité et la confiance se développent.

La boucle de vulnérabilité présente l’immense avantage d’être contagieuse.
« La recherche montre que pour susciter de la coopération, la vulnérabilité
ne constitue pas un risque mais une nécessité psychologique
», écrit
Coyle.

Les échanges de vulnérabilité, que nous préférons en général éviter, alimentent le mécanisme du travail en équipe : en avouant nos limites, nous signalons que nous reconnaissons avoir besoin des compétences complémentaires de l’équipe. En d’autres termes, admettre sa vulnérabilité revient à dire à quelqu’un : « J’ai besoin de toi. »

Dans son ouvrage, Coyle décrit un exemple unique de cohésion. Dans l’équipe SEAL de la marine américaine, chaque dirigeant a l’habitude de faire part de sa vulnérabilité et d’être ouvert aux suggestions. Résultat : l’équipe SEAL peut fonctionner comme une ruche. Draper Kauffman, le créateur des commandos SEAL après la Seconde Guerre mondiale, se focalisait sur « le point où la vulnérabilité rencontre l’interconnexion ».
Il voulait que chaque aspect de la formation SEAL soit basé sur l’équipe, et il entendait aussi éliminer la distinction hiérarchique entre officier et engagé.

Voici quelques conseils pour tirer parti de la « boucle de vulnérabilité » et instaurer plus de confiance et de cohésion :

  • Assurez-vous que le/la dirigeant.e soit le/la premi.er.ère à montrer des signes
    de vulnérabilité
    , et qu’il/elle le fasse régulièrement. Parce que nous sommes généralement victimes du « biais d’autorité », aucun moment de vulnérabilité n’a plus de poids que celui où un leader signale sa propre vulnérabilité. Les leaders devraient partager des histoires sur leur vulnérabilité.

  • Nommez des dirigeant.e.s doté.e.s de solides capacités d’écoute. Pour encourager la coopération, les dirigeants devraient cesser de donner des ordres et poser des questions à la place. « Si les questions ne comportent que 6 % d’interactions verbales, elles génèrent 60 % des discussions qui suivent », explique Daniel Coyle. Les questions ont le pouvoir d’aider les idées innovantes à « émerger » dans un groupe.

Les auditeurs les plus efficaces agissent comme un trampoline : en renvoyant les idées à leur auteur, ils leur donnent de la perspective et génèrent des moments de découverte mutuelle.

  • Misez sur la sincérité mais évitez l’honnêteté brutale. Le retour d’information limité et ciblé paraîtra moins critique et personnel (et sera moins douloureux et plus efficace). C’est l’objectif de la culture de Pixar axée sur l’encouragement à la créativité, comme l’a écrit Ed Catmull dans Creativity, Inc. à propos du retour d’information sincère et ciblé.

Lire notre article : Zoom sur la culture de la créativité unique chez Pixar

  • Faites concorder langage et action. Les organisations où règne un niveau de coopération exceptionnel utilisent le langage pour renforcer l’interdépendance de leurs membres, ce qui a pour effet de conforter leur identité de groupe.
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