Train, café, vacances... 4 situations où les télétravailleurs nous agacent

22 déc. 2022

6min

Train, café, vacances... 4 situations où les télétravailleurs nous agacent
auteur.e.s
Manuel Avenel

Journaliste chez Welcome to the Jungle

Aurélie Cerffond

Journaliste @Welcome to the jungle

Gabrielle Predko

Journaliste - Welcome to the Jungle

« Déso, je suis en TT ». Aussi surprenant que cela puisse paraître, il existe des choses encore plus agaçantes que l’utilisation de cette expression par les télétravailleurs. Zoom sur les petites manies des travailleurs hybrides qui nous rendent fou. Garanti 100% mauvaise foi.

Ils pensent que le monde (enfin les cafés), leur appartient

La révolution du télétravail, c’est la possibilité de bosser depuis chez soi et surtout de partout. Par “partout”, il faut comprendre tous les bars, cafés et restos de la ville. On aperçoit bien de temps en temps un salarié, laptop sur les genoux, au détour d’un parc ou d’un stade de foot (un oeil sur l’écran, un autre sur sa progéniture à l’entraînement), mais on ne va pas se mentir, leur terrain de prédilection sont les tables de nos troquets. Pourquoi c’est ennuyeux ? Parce que les bougres sont des occupants indélogeables. Si bien que vous, simple employé qui se rend encore dans l’enceinte des bureaux de votre entreprise pour charbonner, vous n’accédez jamais aux bonnes tables pour profiter de votre pause-déjeuner si bien méritée.

Alors oui on les maudit, et on n’est pas les seuls. Les principales victimes de ces squatteurs de WIFI, ne sont autres que les restaurateurs et les cafetiers eux-mêmes. Là vous vous dites peut-être, « Heu ils sont gonflés, ils devraient être contents de faire salle comble ! » Oui sauf qu’un service rempli d’individus qui commandent un café avec six verres d’eau du robinet pour rester quatre heures, ce n’est pas franchement rentable. Sans parler de leur tendance à leur rappeler qu’ils sont en train de bosser (eux), donc que « ce serait bien si vous pouviez faire moins de bruit avec la machine à expresso pendant mon call », puis, « arrêter de passer sans cesse devant ma table avec votre plateau, c’est stressant » et « possible de demander à cette famille de se mettre plus loin ? Les cris des enfants pendant ma visio, ça ne le fait pas ».

Vous ne rêvez pas, certains télétravailleurs pensent que les cafés sont une extension de leurs bureaux, et n’hésitent pas à le rappeler dès que s’ouvre leur connexion sur zoom : « Pourquoi les gens viennent avec leurs enfants au resto sans déconner ? Ils n’ont pas école là ? » Un peu comme les individus qui reprochent aux personnes âgées de venir au supermarché le samedi, ces télétravailleurs urbains considèrent que les bistrots sont leurs territoires. Insupportables, on vous dit.

Week-end entre amis : ils sont flexibles, mais pas trop

Vous êtes déjà partis en weekend ou en vacances avec un ami qui télétravaille ? Si oui, vous voyez où on veut en venir. Sinon, ne le faites jamais. Vraiment. Ok, on y va un peu fort, mais on a de bonnes raisons. C’est que, sur le papier, cette flexibilité offerte par la possibilité de télétravailler depuis la maison de campagne avec vous, - qui avez vraiment posé des jours de congés pour vous mettre au vert -, ça sonnait bien. Sauf que dans les faits, votre pote a beau être là… mais, il bosse en fait ! Donc non, il ne peut pas faire les courses au marché avec vous, ou vous aider à préparer le repas pour la bande de copains, ou même sortir les poubelles (“ça aurait été avec plaisir, mais j’ai une réunion qui commence là”). De là, à ce que vous vous transformiez en serviteur pendant trois jours, il n’y a qu’un pas.

C’est justement ça le problème ! Est-ce qu’il n’aurait pas mieux valu qu’il prenne des jours comme les autres ? Histoire de ne pas être à demi-là, mais 100% présent avec vous ! À participer davantage aux corvées c’est vrai, mais aussi à profiter des activités communes. Par activité on entend, la sieste post-digestive du midi, qu’il a gâché en montant le son de sa conversation en visio, la balade dans les bois, que vous avez écourtée pour être rentrés quand il aurait fini sa journée et la soirée festive que vous avez troquée par un apéro à la tisane pour lui éviter la gueule de bois… Résultat : vous vous demandez si vous êtes son ami ou son collègue. Stop ! Rappelez-lui que le temps que vous passez ensemble est précieux et mérite d’être choyé. Un peu comme la fâcheuse tendance à scroller sur son portable plutôt qu’à faire la conversation à votre voisin de tablée au restaurant (on ne vous juge pas, on le fait tous), ceci est un plaidoyer pour être de nouveau à ce qu’on fait. Se reposer et passer du temps de qualité avec ses proches, c’est ce qui nous permettra de recharger nos batteries… Et puis, c’est pour ça qu’on bosse non ?

Le télétravailleur des grandes lignes : le wagon ne s’amuse pas

Tchou-Tchou font les petits trains à destination de Bordeaux, Marseille, Lyon… Il est 9h30, l’heure de pointe au boulot… mais vous filez pour des vacances bien méritées. Votre hantise comme toujours, c’est d’être placé dans le wagon familial, entouré de marmots qui pleurent. Aujourd’hui, pas l’ombre d’un Kid. Vous êtes placé à côté d’un jeune homme, d’allure propre, chemise et pantalon cintrés. Son laptop posé sur sa tablette, probablement pour regarder Kaamelott, entrecoupant le ronron du train, de rires étouffés… En fait, non. L’animal est “au travail”. Alors que le soleil tape à votre carreau, vous entendez un « hello » sur votre gauche. Envisage-t-il de communiquer avec vous ? Que nenni ! Équipé de ses Air Pods, il débute une réunion dans le plus grand des calmes.Zoom zoom zen dans le train train train. Pas de bol, il parle, parle beaucoup. Avec ce meeting, c’est comme si tout le wagon s’était transformé en open space.

Faut-il le secouer et lui faire remarquer qu’il n’est pas seul ? Dilemme. Un peu comme avec ces personnes qui parlent fort au téléphone dans le métro et qui ont l’air surprises lorsqu’on leur demande d’arrêter. « Alors quoi ? C’est comme si je parlais avec quelqu’un à côté de moi », arguent-ils souvent, l’air satisfait. Non, ce n’est pas pareil. Déjà, parce que notre cerveau ne parvient pas à reconstituer une conversation dans son entièreté, devenant rapidement un bruit parasite agaçant (on est bien loin de l’ASMR). Et parce que sérieusement, qui a envie d’écouter un fragment de discussion d’un parfait inconnu ? Un ethnologue peut-être, mais vous n’êtes pas Claude Lévi-Strauss.

D’un autre côté, allez-vous empêcher un honnête travailleur de faire sa besogne ? Vous n’avez jamais mené de grève et vous ne portez aucune revendication, si ce n’est votre droit à la tranquillité. « Hum, excusez-moi, vous en avez pour longtemps ? » En enlevant ses écouteurs, le trublion répond : « Je suis en train de travailler ». Oui, oui, il est bien “en train”… L’ennui, c’est qu’il n’est pas seul, et c’est comme si tout le wagon était composé de télétravailleurs qui se répondaient. « Tu me fais ça ASAP » ; « il faut créer la disruption en scalant nos objectifs du quarter »… Quoi ? De guerre las, vous capitulez.

Lorsque le calme revient, vous croyez entendre le doux bruit des cigales qui annonce l’arrivée du sud. Loupé. C’est la symphonie créée par ces compositeurs de talent pianotant à toute berzingue sur leurs claviers. Et si vous suggériez à votre voisin d’investir dans un de ces claviers sans fil dont les vertus antistress, grâce à leur bruit agréable, sont avérées ? Si vous êtes du genre geek, vous pourriez aussi pirater sa connexion et envoyer des mails fleuris à son boss. Mais c’est beaucoup d’efforts et ça n’arrêtera sans doute pas la marche du monde… De toute façon, vous êtes arrivé à destination.

Quand les horaires s’étalent et que vous n’êtes plus vraiment chez vous

Vous avez enfin terminé votre journée de boulot et comptiez enfiler votre meilleur jogging et engloutir un McDo devant la Star Ac’ ? C’était sans compter sur votre coloc’ (ou conjoint·e, ou membre de votre famille) qui a décidé de faire des heures supplémentaires en télétravail. Adieu votre soirée de rêve, vous venez de quitter le bureau pour vous retrouver dans un nouvel open space… chez vous. Alors pour ne pas déranger, vous devez être aussi silencieux qu’un parent auprès de son nouveau-né qui dort et chaque petit bruit que vous émettez vous vaut un regard assassin de la part de votre colocataire qui ne voudrait SURTOUT PAS que ses collègues réalisent qu’il a une vie en dehors du travail (et que cette vie aimerait bien pouvoir aller aux toilettes tranquillement et écouter sa musique sans se soucier de la productivité de qui que ce soit). Et parce qu’il ne faudrait pas apparaître en arrière-plan Zoom du télétravailleur, vous vous installez discrètement dans un coin de la pièce : on vous l’a dit, vous n’êtes plus chez vous, mais dans l’espace de travail de quelqu’un. Le pire dans tout cela, c’est que ce télétravailleur sans cœur a de grandes chances de vous refiler son stress. Alors que vous aviez bouclé vos derniers dossiers, l’entendre débriefer de ses problèmes d’équipe, de ses projets bloqués ou encore de ses objectifs non atteints vous ramène à vos propres petits tracas du boulot que vous pensiez avoir laissé derrière vous en claquant la porte du bureau.

Ce n’est pas terminé. Alors que vous avez eu le temps de décompresser et de digérer votre journée de travail dans les transports pour rentrer chez vous, lui vous infligera ses trente minutes de coups de gueule dès qu’il aura fermé son ordinateur : « Et là tu ne sais pas ce que mon boss a dit ? », « Et machine a encore oublié de faire telle tâche »… Bref, la prochaine fois qu’il vous fait le coup, sentez-vous libre de manifester pour votre droit à la déconnexion !

Article édité par Romane Ganneval, photo Thomas Decamps pour WTTJ

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