La proactivité au travail : bienfaits et limites d’une soft skill plébiscitée

22 juin 2022

6min

La proactivité au travail : bienfaits et limites d’une soft skill plébiscitée
auteur.e
Charlotte Bordatto

Rédactrice freelance

« Tu bosses très bien, mais j’aimerais vraiment que tu sois un peu plus proactif. » Après le dynamisme, l’agilité et l’esprit entrepreneurial, se présente en tête du podium des soft skills les plus recherchés, la proactivité. Derrière cette notion dont on ne saurait dire au premier abord si les attentes sont plus du ressort de la réactivité ou de la productivité, les managers recherchent avant tout une perle rare capable d’anticipation et de vision. Et dans un monde où tout va vite, ces profils qui ont toujours un coup d’avance sont une vraie mine d’or pour les entreprises. Mais à quel prix ? Dans quelle mesure est-il bon de faire preuve de proactivité ? Quand savoir lorsque l’on en fait trop ? Et comment être proactif sans négliger ses missions quotidiennes ? Décryptage.

Qu’entend-on vraiment par “proactivité” ?

Si pour Vanessa Lauraire, psychologue du travail et psychothérapeute, être proactif signifie être responsable de soi, Cyrille Lafont, cofondateur de Sonnar, entreprise de recrutement pour les boîtes à forte croissance, lui, pousse la définition de ce concept un peu plus loin : « Pour moi, rapporté à une entreprise, une personne proactive est une personne qui anticipe les besoins, qui va au-delà du périmètre de sa fiche de poste et de ce que son manager lui demande de délivrer au quotidien ».

En y regardant de plus près, c’est in fine, le parfait mélange des deux. Car faire preuve de proactivité requiert à la fois de la prise d’initiative et donc d’autonomie mais aussi une capacité certaine à prévenir une situation et solutionner un problème. Plus concrètement, cela peut aller d’une simple optimisation comme l’automatisation d’une tâche en vue de gagner du temps, à la mise en place d’une formation en vue d’une future prise de poste ou encore une réflexion stratégique pour contrer et devancer de potentiels évènements à venir. Bref, être proactif, c’est donc prendre les devants en analysant ce qui vous entoure et en passant à l’action au bon moment pour convertir une menace en opportunité, provoquer une situation ou améliorer un processus.

Si l’on perçoit clairement les gains pour l’entreprise de telles qualités humaines, quel intérêt avez-vous, vous, à vous dépasser ?

À quoi ça sert d’être proactif ?

La question mérite d’être posée, car dans les faits, on pourrait aisément se dire qu’il est largement suffisant de se cantonner uniquement à sa to-do-list et de laisser le bon soin à son manager d’investiguer sur de potentielles optimisations. Alors pourquoi faire preuve d’initiative ?

Pour Cyrille Lafont, c’est avant tout un excellent moyen de donner un peu plus de couleurs à son job. « Soit tu te limites à ta fiche de poste, et c’est ok , soit tu prends l’ownership en sortant de ta zone de confort et en proposant des choses nouvelles à ton entreprise ou pour ton service. En plus, cette prise de hauteur offre une toute autre dimension à ton quotidien, c’est beaucoup plus excitant et stimulant », nous explique t-il.

Au-delà d’un bien-être et d’un épanouissement personnel, des études ont aussi révélé qu’un salarié proactif est perçu comme particulièrement performant par son employeur et voit donc sa carrière évoluer plus rapidement. La proactivité, en plus d’être une soft skill remarquée et très appréciée en entretien, serait donc également un indice de bonne réputation pour rayonner en entreprise ainsi qu’un levier pour grimper les échelons et prendre du galon.

« Du côté des entreprises, s’entourer de collaborateurs proactifs permet d’avancer plus vite et d’aller plus loin. Mais pour porter ses fruits, cette proactivité doit absolument être canalisée, consciente voire même réfléchie afin d’avoir du sens et un impact réel », précise Cyrille Lafont.

Se dépasser sans oublier de garder le cap de ses priorités

Car la quête constante du coup d’avance peut se révéler à la fois épuisante et stressante au quotidien. À trop vouloir se dépasser et toujours en faire plus que nécessaire, on peut rapidement s’infliger une pression pesante, d’autant plus si vous êtes reconnu par votre manager comme le roi de la performance et que celle-ci est gratifiée d’une récompense. Le risque de surchauffe est réel, de même que l’éventualité de se retrouver complètement débordé par la surcharge de travail. Aussi, c’est potentiellement le contrecoup d’une baisse de régime qui pourrait vous desservir : à trop habituer votre entourage professionnel à cette capacité à vous projeter au-delà de vos missions, le jour où vous lèverez le pied, n’aura-t-il pas l’impression que vous en faites un peu moins que d’habitude ?

C’est pourquoi Cyrille Lafont nous fait remarquer que si cette proactivité n’est pas un minimum encadrée, ses résultats peuvent être rapidement décevants, inexistants, perçus comme une perte de temps et donc frustrants au vu de l’effort et de l’énergie qu’ils auront nécessité. « La proactivité n’a de sens que si elle provient d’une réflexion, d’une vision et d’une volonté. Pour percevoir de vrais impacts bénéfiques, il est primordial de mesurer et quantifier les effets de toutes actions proactives mises en place. Cela demande également un vrai travail de suivi et d’accompagnement par le manager. »

Aussi, il est essentiel de noter que les concurrentes directes de la proactivité, ce sont vos propres missions quotidiennes. Celles qui font votre job et qui doivent toujours rester en tête de liste de vos priorités. Parce qu’à vouloir être touche à tout, on peut parfois se disperser et s’écarter un peu trop de ce pourquoi on a été recruté.

4 conseils pour être proactif dans son job

Identifier les attentes de son manager

Avant même de vous imaginer en train de révolutionner votre entreprise, renseignez-vous tout d’abord auprès de votre manager sur le degré de proactivité qu’il attend de vous. « En te référant directement à ton manager, tu sais que toutes les actions identifiées et optimisées auront de la valeur à ses yeux et ne seront pas perçues comme une totale perte de temps. Cela évite les coups d’épée dans l’eau mais aussi de passer complètement à côté de là où on vous attend ou pas », explique Cyrille.

Pour le cofondateur de Sonnar, chaque entreprise et chaque métier ont des besoins différents. Par exemple, là où il est très facile et quasi normal d’attendre d’un Product Manager qu’il soit extrêmement proactif, un Sales, lui, n’aura pas nécessairement la bande passante suffisante pour analyser et creuser une problématique soulevée.

S’organiser

Afin de vous assurer que vos missions seront accomplies et vos objectifs bien remplis tout en menant d’autres projets en parallèle, il est essentiel de vous bloquer un temps nécessaire dédié à celles-ci dans votre agenda et surtout de ne pas aller au-delà.

En effet, ces projets d’amélioration ou d’optimisation que vous avez identifiés, qui sont pour rappel hors de votre scope initial, doivent vous stimuler certes mais sans vous écarter de votre to do quotidienne et de vos principaux enjeux. Voyez-les donc davantage comme une sorte de bonus pour lequel vous pouvez accorder deux heures maximum par semaine par exemple.

Mesurer les impacts de ses actions

Vous souhaitez démontrer que tout ce temps passé sur l’automatisation des mails clients ou du processus de validation de facture a une vraie utilité pour l’entreprise ? Alors évaluez les résultats de votre travail et présentez-les à votre manager.

C’est un excellent moyen de démontrer une proactivité réfléchie mais aussi les apports bénéfiques et le retour sur investissement des actions que vous aurez mises en place. Et puis quoi de plus satisfaisant et valorisant pour soi-même que de pouvoir constater les fruits de son travail ?

S’aligner avec ses collègues

Faire preuve de proactivité dans votre job peut vous amener au-delà des frontières de votre périmètre et s’adosser à celui de vos collègues quitte à créer dissonance et frustration… Par exemple, en tant que sales, vous avez identifié un manque de contenus informatifs à une étape de vente où la déperdition de prospects est assez forte. Vous réfléchissez alors aux éléments à créer et leur format sans même questionner le service concerné. Résultat, vous apprenez plus tard que tout un dispositif de communication pour améliorer cette étape dans le parcours client est déjà en cours de déploiement. Vous avez donc perdu du temps et de l’énergie.

Moralité, être proactif, c’est bien, mais la jouer collectif c’est mieux ! Pensez donc toujours aux postes qui pourraient être impactés par votre idée, à vous aligner avec vos collègues, à identifier dans quelle mesure ils peuvent vous laissez la main et embarquez-les à vos côtés.

Retenez que la proactivité, ce n’est ni une prérogative, ni une obligation. Tout dépend de votre personnalité, de votre degré d’envie de vous dépasser, de vos objectifs de carrière, du type d’entreprise dans laquelle vous évoluez mais aussi de votre métier et du temps dont vous bénéficiez. Pour Cyrille Lafont, si vous êtes proactif, vous devez absolument prendre le temps de poser vos idées pour ne pas vous éparpiller et mener vos projets en vous alignant avec votre manager et les autres équipes de l’entreprise. Dans le cas contraire, on pourrait vous targuer d’une étiquette peu flatteuse de “chien fou” qui courre dans tous les sens sans savoir où aller. Enfin et comme le dit Elbert Hubbard, gardez à l’esprit que « faire preuve d’initiative c’est faire les bonnes choses sans qu’on vous les demande ». À méditer…

Article édité par Manuel Avenel, photo Thomas Decamps pour WTTJ

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