Boris Paillard, d'analyste dans la finance à créateur d'une école de code

15 nov. 2018

5min

Boris Paillard, d'analyste dans la finance à créateur d'une école de code
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Après trois ans dans la finance en tant qu’analyste quantitatif, Boris Paillard, aujourd’hui âgé de 32 ans, a décidé de tout plaquer pour monter une école de code. Quatre ans après la première session de formation proposée par Le Wagon, ce jeune entrepreneur revient sur les raisons qui l’ont poussé à changer de vie et les challenges auxquels il a dû faire face.

Quel a été ton parcours et qu’est-ce qui t’a poussé à t’orienter vers la finance ?

J’ai suivi un parcours assez classique : une prépa maths sup/maths spé au lycée Henri IV à Paris, puis j’ai intégré l’école d’ingénieurs Centrale. J’ai toujours été bon en mathématiques et en sciences mais je n’avais pas d’idée précise du métier que je voulais exercer. Je savais juste que je ne voulais pas faire de la recherche et à la fin de mon cursus, c’était la grande époque de la finance de marché. J’ai donc choisi de me spécialiser en mathématiques appliquées à la finance, mais sans grande motivation. Après une année de césure chez HSBC à Hong Kong, j’ai rejoint leur équipe parisienne en tant qu’analyste quantitatif.

En quoi consistait ton job ?

Mon job consistait à construire des modèles mathématiques pour permettre aux traders de mieux évaluer leur portefeuille. C’était un métier très technique, l’analyste quantitatif est un peu l’ingénieur de la salle de marché. Je travaillais avec des gens très compétents, presque tous issus de grandes écoles, et nos échanges m’ont motivé à rester dans cette voie quelques années mais très vite, je me suis rendu compte que je n’étais pas bien dans mes baskets, je trouvais que mon métier n’avait pas beaucoup de sens.

Qu’est-ce qui ne te plaisait pas ?

Déjà, le fait de travailler dans une grande entreprise me donnait l’impression d’être un pion parmi tant d’autres. Je ne voyais pas la réelle utilité de ce que je produisais, je ne savais jamais réellement si les traders utilisaient les modèles que je concevais. J’avais parfois l’impression d’être là juste pour justifier auprès de l’Autorité de contrôle des marchés financiers que l’on faisait bien notre boulot. Et les histoires de politique interne me mettaient mal à l’aise : je voyais que les personnes qui progressaient dans l’entreprise n’étaient pas forcément celles que j’estimais le plus au niveau professionnel et je trouvais cela frustrant. Par ailleurs, le fait de travailler dans un domaine très technique et hyper spécialisé m’étouffait un peu. Et je ne voyais pas comment utiliser ce que je mettais en place et apprenais dans mon travail dans un autre domaine de ma vie. Tout cela combiné a fait que j’ai rapidement eu envie de me tourner vers autre chose…

Le fait de travailler dans une grande entreprise me donnait l’impression d’être un pion parmi tant d’autres. Je ne voyais pas la réelle utilité de ce que je produisais, je ne savais jamais réellement si les traders utilisaient les modèles que je concevais.

Boris Paillard, CEO de l’école du Wagon - Paris.

Quel a été le déclic pour quitter la finance ?

J’ai eu la chance d’avoir beaucoup d’amis de longue date qui se sont lancés dans le domaine de la tech et avec qui j’ai pu monter, en parallèle de mon activité en finance, des projets plus personnels, notamment des applications web et mobiles. J’ai notamment travaillé sur un projet de comparateur de vols puis d’un calendrier centralisé, deux projets qui n’ont jamais vu le jour mais qui m’ont permis de perfectionner mes connaissances en code. Le fait de m’investir dans des projets très concrets et qui pouvaient être utilisés directement par le grand public m’a beaucoup stimulé. Progressivement, je me suis dit que je serais beaucoup épanoui en travaillant dans ce domaine et j’ai donc décidé de quitter mon poste.

Comment t’est venue l’idée du Wagon ?

J’ai toujours aimé expliquer et enseigner. Lorsque j’étais en prépa, je donnais des cours de mathématiques à côté pour gagner un peu d’argent et dans le monde de la finance, j’étais souvent désigné pour animer des talks et vulgariser des sujets techniques auprès des équipes opérationnelles. Et puis, en travaillant sur mes projets d’applications, je me suis rendu compte que les cours de programmation que j’avais suivis en école d’ingénieurs étaient très rébarbatifs, beaucoup trop théoriques et pas très adaptés. J’ai beaucoup réfléchi à la manière dont j’avais appris à coder et comment je pouvais améliorer la formation dans ce domaine. J’ai regardé ce qui se faisait aux Etats-Unis qui sont beaucoup plus en avance que nous sur ce sujet et j’ai découvert qu’il existait des formations intensives de deux mois, baptisées “bootcamps”, à destination des personnes en reconversion professionnelle qui n’ont pas forcément le temps ni les moyens de se lancer dans une ou deux années d’études classiques. Le concept m’a intéressé, j’en ai parlé à des amis entrepreneurs et à mon frère, qui est avocat pénaliste. Et tous les deux, nous avons décidé de nous lancer en créant notre propre école de code.

Je me suis rendu compte que les cours de programmation que j’avais suivis en école d’ingénieurs étaient très rébarbatifs, beaucoup trop théoriques et pas très adaptés. J’ai beaucoup réfléchi à comment je pouvais améliorer la formation dans ce domaine.

La Wagon à Paris. 

Comment se sont passés les débuts de cette aventure entrepreneuriale ?

Nous avons travaillé pendant huit mois sur le projet avant de lancer notre première session de formation en janvier 2014. J’ai élaboré moi-même le contenu des cours, nous avons dû trouver des professeurs pour nous épauler et nous avons proposé quelques cours du soirs gratuits pour tester notre idée et notre pédagogie… Ça a été l’une des périodes les plus intenses de ma vie. J’étais assez stressé parce que vu que je n’avais moi-même jamais suivi de formation en développement web, j’avais peur d’être perçu par mes élèves comme un imposteur. Pour me rassurer et m’améliorer, j’ai fait beaucoup de networking, participé à plein de meet-ups avec des développeurs. Je me suis entouré de personnes qui avaient un bagage un peu plus technique que le mien, dont Sébastien Saunier, diplômé de Polytechnique et consultant technique pour des start-up, qui nous a rejoint en tant que CTO.

J’étais assez stressé parce que vu que je n’avais moi-même jamais suivi de formation en développement web, j’avais peur d’être perçu par mes élèves comme un imposteur.

Qu’est-ce qui te motive au quotidien dans ton job ?

Ce que j’adore, c’est cette impression d’avoir un véritable impact sur la vie des gens qui intègrent Le Wagon. Nous avons en moyenne 2 000 élèves par an dans les 30 villes où nous sommes présents, ce n’est pas grand chose à l’échelle du monde mais je sais que pour beaucoup, cela a été un vrai tournant dans leur carrière. Cette aventure m’apporte tout ce qui me manquait dans la finance. Je trouve du sens dans ce que je fais au quotidien. Je dis souvent d’ailleurs que l’éducation et la formation, c’est un peu la Rolls Royce du sens ! Et puis je ne m’ennuie jamais, je dois sans cesse me renouveler, trouver de nouvelles idées, lancer de nouveaux projets. Je n’ai pas le sentiment de travailler, je vois plus cela comme un grand jeu.

Cette aventure m’apporte tout ce qui me manquait dans la finance. Je trouve du sens dans ce que je fais au quotidien. Je dis souvent d’ailleurs que l’éducation et la formation, c’est un peu la Rolls Royce du sens !

Quels conseils donnerais-tu à ceux qui souhaitent tout quitter pour se lancer dans une aventure entrepreneuriale ?

On me demande souvent si en quittant le milieu de la finance, j’avais déjà une idée très précise de l’école que je voulais créer, si j’avais établi un business plan, si j’avais bien tout anticipé. La réponse est non. En revanche, dans tout ce que j’ai entrepris, j’ai toujours réfléchi à ce que cette expérience m’apportait au plan personnel. Il y a une start-up sur 1 000 qui réussit, la probabilité est tellement fine qu’il faut que le voyage en vaille la chandelle ! Je pense qu’il est sain d’avoir une vision un peu intéressée et personnelle de l’entrepreneuriat, et de manière générale de trouver du sens dans son travail car cela permet de dédramatiser les obstacles et les échecs. Pour moi, l’entrepreneuriat est aussi et surtout une opportunité d’apprendre.

Les locaux (très vert) du Wagon - Paris.

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Photo by WTTJ@Le Wagon

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