Un manager ne devrait pas dire ça : 4 gaffes de communication décryptées

21 mai 2024

4min

Un manager ne devrait pas dire ça : 4 gaffes de communication décryptées
auteur.e
Marlène Moreira

Journaliste indépendante.

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Entre indiscrétions et fuites malheureuses, les (top) managers font (parfois) de belles gaffes de communication à leurs équipes. Voici nos conseils pour les éviter… ou les rattraper.

Un changement dans l’organigramme qui s’échappe trop vite de la salle de réunion, des informations privées dont la confidentialité s’évapore devant la machine à café, ou encore des difficultés financières divulguées comme les spoilers d’une série télévisée à succès… Que le manager qui n’a jamais commis de « boulette » lui jette le premier tube de colle. Zoom sur des erreurs et leaks malheureusement (trop) communs en entreprise avec Valérie Rodger, psychologue, coach et médiatrice.

Dans la famille des gaffes et autres boulettes, j’appelle…

La bombe lâchée à la dernière minute

« Oups, je ne vous avais pas dit ? », s’excuse, circonspect, le manager qui annonce la redistribution des responsabilités de l’équipe, entre le fromage et le dessert, faisant suite à une réorganisation annoncée il y a pourtant plusieurs semaines.

  • Ce qu’en pense l’experte : « Beaucoup de décisions sont prises à la tête de l’entreprise, par des personnes qui y ont réfléchi pendant longtemps. Malheureusement, certains managers ont tendance à différer l’annonce de ce qui peut être considéré comme une mauvaise nouvelle par l’équipe, par crainte des réactions, explique Valérie Rodger. Or, les collaborateurs ont besoin de temps pour se préparer aux choses. Il faut toujours éviter de leur donner les informations en bout de course. » Vous l’aurez compris, préparer le terrain, c’est la clé.

Les détails (croustillants) qui auraient dû rester privés

« Soyez tolérants avec Michèle. C’est dur pour elle depuis qu’elle a perdu son chat… », ne devrait jamais dire un manager devant son équipe. Qu’il s’agisse d’annoncer une grossesse ou un divorce, de glisser qu’il a croisé Roger au club libertin du village ou à l’amicale de curling du quartier (chacun ses petits secrets, on ne juge pas), pimenter les pauses-café de telles nouvelles sur ses collaborateurs est à éviter.

  • Ce qu’en pense l’experte : « Il y a quelques gaffes comme celles-ci qui traduisent généralement un problème de posture vis-à-vis de l’équipe, observe l’experte. Dévoiler un détail de la vie privée, parler des entretiens individuels… Ce sont les signes d’un manager qui ne sait pas différencier ce qu’il peut dire de ce qu’il doit garder pour lui. » Et c’est valable pour les détails sur la vie de vos subalternes, de vos pairs et de votre propre vie privée (oui, si vous avez croisé Roger au Doux Plaisir de Brest, c’est que vous y étiez aussi… et ça, vos subalternes n’ont peut-être pas envie de l’imaginer).

Les critiques malvenues vis-à-vis des décisions de la direction

Voir le budget de l’équipe divisé par deux ou les portions de moussaka de la cantine réduites d’un tiers pour cause de restrictions budgétaires, c’est énervant. « Il y a des colères saines », disait Ségolène Royal… Mais il faut parfois les garder pour soi. Alors gare aux managers qui condamnent la nouvelle stratégie RSE de l’entreprise, qui attaquent les prises de position de leur PDG dans les médias, ou tout simplement qui lèvent les yeux en l’air quand on leur demande de réduire les dépenses de leurs équipes.

  • Ce qu’en pense l’experte : « C’est un cas typique des managers qui sont restés “copains” avec leur équipe. Ils n’ont pas réalisé qu’ils étaient devenus les relais de la direction et que, dans ce sens, ils doivent porter et assumer des décisions avec lesquelles ils ne seront pas toujours d’accord », analyse Valérie Rodger. Il ne s’agit donc pas de mettre de côté tout esprit critique, mais de nuancer ses propos, de peser ses mots.

L’excès d’empathie conjugué au manque de tact

« Ma pauvre Jeanne, c’est vrai que tu n’as pas atteint tes objectifs et que tu n’auras pas ta prime… Mais tu sais, Roberto non plus. Et puis il faut dire qu’avec ton retour de congé maternité, il t’a fallu du temps pour te remettre sur les rails », cherche maladroitement à rassurer le (mauvais) manager.

  • Ce qu’en pense l’experte : « La théorie du triangle de Karpman (ndlr : théorie qui décrit trois rôles interconnectés dans les dynamiques relationnelles : la victime, le persécuteur et le sauveur) conduit certains managers à adopter inconsciemment l’un de ces rôles, ce qui peut le conduire à des comportements maladroits. Dans un excès d’empathie, un manager peut se laisser aller à la position du sauveur et révéler des informations confidentielles sur d’autres collaborateurs, pensant agir dans leur intérêt. De mon point de vue, beaucoup de gaffes viennent de là », analyse l’experte. Un comportement qui peut créer – et à juste titre – des tensions au sein de l’équipe et compromettre la confiance.

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On vous en dit plus ?

Peut-on rattraper une gaffe de communication ?

« Oui ! », rassure Valérie Rodger. S’il est impossible de revenir en arrière, il est toujours possible de s’excuser. Car elle tient à le rappeler : un manager a l’autorisation d’être imparfait. « Mon regard de médiatrice me fait dire que, dans chaque conflit, chaque situation dans laquelle quelqu’un a été heurté, il y a souvent une valeur importante qui a été transgressée : la confidentialité ou la justice, par exemple. Les excuses ne vont rien enlever au préjudice, mais cela va permettre de repartir sur un dialogue plus constructif », explique-t-elle.

Une garantie de pardon ? Non. Mais il est important de chercher à restaurer la confiance. « Je crois qu’il est possible de se faire pardonner, à condition que l’erreur de communication ne se répète pas. J’ai vu, bien heureusement, de nombreuses situations s’améliorer suite à des conflits de ce type », rassure-t-elle.

Éviter les boulettes : l’art et la manière

« Pour moi, ces gaffes traduisent un problème plus profond : des défauts de management, un manque d’alignement avec la posture managériale », résume Valérie Rodger. Pour la psychologue et médiatrice en entreprise, la formation et le coaching des managers sont indispensables. « La bonne posture n’est pas innée. Cette intuition relationnelle forte, qui est la signature des excellents managers, n’est pas donnée à tout le monde », constate-t-elle.

D’après Valérie Rodger, certains impairs sont le fruit de managers sûrs de leurs positions, de leurs idées, persuadés d’avoir la bonne approche dans une situation donnée. C’est pourquoi elle encourage le co-développement pour apprendre à élargir ses points de vue. « Comment réagir lors d’une gaffe ? interroge-t-elle. Réunir un groupe de pairs pour discuter de leurs différentes approches dans une même situation va offrir à chacun un positionnement plus intelligent ».

Enfin, Valérie Rodger recommande d’être très attentif au non-verbal des collaborateurs. « Chacun a une manière différente d’indiquer qu’il ou elle a été blessé. Certains le diront ouvertement, d’autres seront simplement crispés, détourneront le regard ou répondront soudainement par monosyllabes », illustre-t-elle. C’est alors le moment d’aller vers l’autre et d’interroger pour crever l’abcès.

« On devrait aussi parler des gaffes de non-communication, termine-t-elle. Car il n’y a rien de plus dommageable que de ne jamais s’exprimer sur la vie de l’entreprise, sur les succès et les échecs de l’équipe, sur le travail individuel des collaborateurs. Il y a en effet toujours du positif à souligner. » Au fond – et c’est la conclusion de notre experte – il y a pire que de trop en dire : ne rien dire, ne pas chercher à rattraper ses gaffes, ou ne pas s’exprimer par peur d’en faire.


Article écrit par Marlène Moreira, édité par Alix Mardon, photo : Thomas Decamps pour WTTJ

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