6 pratiques d'entreprises d'insertion dont toutes les boîtes devraient s'inspirer

21. 3. 2024

4 min.

6 pratiques d'entreprises d'insertion dont toutes les boîtes devraient s'inspirer
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Pia Le Ficher

Rédactrice web

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Avec leurs pratiques et fonctionnement spécifiques, les structures d’insertion, qui emploient des personnes éloignées du monde du travail, ont beaucoup à partager en matière de management.

Managers, il vous arrive de vous sentir décontenancés face aux attentes de vos équipes ? Pour vous aider, on est allé demander conseil à ceux qui managent des salariés que votre entreprise n’aurait peut-être jamais recrutés. Fabien de Castilla, co-directeur général du Groupe ARES et Laurent Godin, directeur adjoint du chantier d’insertion « TAE-Travailler et Apprendre Ensemble » (ATD Quart Monde) partagent les bonnes pratiques managériales des structures d’insertion qu’ils dirigent. L’experte Laetitia Vitaud les décortique. Spoiler alert : au sein de ces structures, la bienveillance, loin d’être catégorisée « monde des bisounours » s’incarne à travers des pratiques très concrètes.

L’humain au cœur des pratiques managériales

Les structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) accompagnent des publics en situation de forte fragilité sociale et financière (chômage de longue durée, problèmes de santé, barrière de la langue, etc.) vers un retour à l’emploi durable. Comme les entreprises classiques, ces structures produisent des biens et des services, et ont des objectifs à atteindre. La différence, c’est que la « fonction travail » est principalement utilisée comme support pour redonner confiance et autonomie aux personnes éloignées de l’emploi. Ainsi, leurs pratiques managériales sont centrées sur l’accompagnement du salarié dans son évolution.

6 pratiques d’entreprises d’insertion dont s’inspirer

1 – Anticiper le parcours du salarié au sein de l’entreprise

« La particularité des entreprises d’insertion est de pousser les meilleurs éléments vers la sortie dès qu’ils sont remis sur pied », explique Fabien de Castilla, dont le groupe accompagne chaque année 3500 personnes. Les deux tiers accèdent à une nouvelle opportunité professionnelle (emploi ou formation) à la fin de leur contrat d’insertion. Le parcours du salarié est ainsi établi dès sa prise de poste et ajusté au fur et à mesure de sa montée en compétences et des besoins de l’entreprise. Penser le passage de vos salariés comme une ligne de progression permet de construire une relation dans la durée, dans laquelle l’employeur ET le salarié peuvent se projeter. Cela sécurise l’intégration du collaborateur, qui repose sur un contrat d’engagement réciproque (objectifs à atteindre, ratio efforts / gains, points d’étape, etc.). C’est un bon moyen de l’engager et le fidéliser à moyen voire long terme, même après qu’il ou elle ait quitté l’entreprise, comme le suggère Laëtitia Vitaud : « Une stratégie gagnante peut être de faire évoluer ses talents au sein de son écosystème, par exemple auprès d’un client ou d’un fournisseur ».

2 – Donner les règles du jeu dès le début

Définir les règles du jeu ne signifie pas créer une structure rigide. Explicites et partagées, elles favorisent au contraire l’efficacité et in fine renforcent l’adhésion des salariés au projet de l’entreprise : « Les règles sont connues de tous, elles permettent de cadrer les échanges, gérer les éventuels conflits, d’arbitrer plus facilement en faveur de telle ou telle décision », explique Laurent Godin. Plus elles sont claires, plus le cadre de travail est inclusif : que ce soit sur les méthodes de travail, la grille de salaire ou l’habillement, on évite ainsi de créer un décalage entre les salariés en fonction d’un code implicite compréhensible seulement par un groupe dominant. « L’exemple classique du “no dress code” sous-entend qu’il en existe un mais différent du traditionnel costume-cravate », illustre Laëtitia Vitaud.
Le cadre apporte également une sécurité psychologique au salarié. Un certain nombre de questions évacuées, il peut se concentrer sur l’essentiel, ses missions.

3 – « Encadrer » ne signifie pas « infantiliser »

Dans les entreprises d’insertion, les personnes accompagnées sont très encadrées et leur montée en compétences régulièrement évaluée. L’objectif ici n’est pas le contrôle, mais bien la responsabilisation progressive des salariés. « La responsabilité vient avec la confiance. Quand on se sent respecté et traité en adulte, on se met à réfléchir comme un adulte. C’est pareil dans le monde professionnel », analyse Laëtitia Vitaud. Le retour sur investissement est là : les salariés responsabilisés sont plus adaptables et plus prompts à fournir des efforts supplémentaires. Notre conseil : donnez les clés petit à petit, mais donnez-les vraiment. Vous éviterez ainsi l’écueil du micromanagement, chronophage et désengageant pour le salarié.

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4 – Bien communiquer ne s’improvise pas

Une bonne communication interne renforce le climat de confiance et par extension la capacité des salariés à s’impliquer dans les projets de la boîte. Cependant, cela se travaille. Le risque de l’improvisation, c’est notamment de rallonger les temps de réunion sans obtenir de participation satisfaisante. « Communiquer de façon descendante sans autonomiser le salarié, c’est juste ajouter une charge mentale supplémentaire au manager qui doit gérer plus de réunions et de mails pour diffuser les infos », précise Laëtitia Vitaud.

Procédez pas à pas :

  • définissez le cadre et le niveau de participation des salariés qui convient à votre entreprise,
  • adoptez les techniques de communication non-violente (un « must » chez TAE et ARES),
  • formez vos managers aux techniques d’animation de réunions créatives… Par exemple, chez TAE, quand un sujet est remonté par l’équipe, un groupe de travail composé de salariés volontaires est constitué pour traiter la problématique : « C’est comme ça qu’on a choisi collectivement notre mutuelle d’entreprise. Comme le processus de décision est transparent et progressif, les salariés comprennent et adhèrent beaucoup plus facilement », témoigne Laurent Godin.

5 – Manager, c’est aussi s’adapter à l’autre

Comprendre et s’adapter aux attentes de ses collaborateurs tout en étant au clair sur les siennes est essentiel. Dans les entreprises d’insertion, plus qu’ailleurs, les encadrants doivent accompagner des personnes aux parcours très différents : « Notre modèle de production doit être adaptable au salarié, on ne peut pas standardiser. Cela implique un suivi personnalisé », explique Fabien de Castilla. Il est communément admis qu’au travail, les problèmes personnels doivent rester à la porte. A contrario, l’entreprise d’insertion intègre les contraintes personnelles de ses salariés sans pour autant renoncer à ses objectifs de production. Un temps de la semaine de travail est consacré à la résolution des questions sociales et financières qui les préoccupent. Laëtitia Vitaud estime qu’intégrer le métier d’assistante sociale dans l’entreprise classique est une solution face aux problèmes de recrutement et de maintien des salariés, souvent liés à des frottements entre les contraintes de vie personnelles et l’exigence de l’entreprise : « Quand on n’y pense pas, l’absentéisme augmente et le vivier de personnes à recruter diminue ». Pour adapter ses pratiques RH et managériales, l’organisation pourrait s’inspirer davantage de situations de vie différentes au sein de ses effectifs.

6 – Donner la possibilité d’essayer et donc d’innover

« On teste régulièrement des solutions proposées par l’équipe pour améliorer tel ou tel process. Que cela fonctionne ou non, la prise d’initiative est valorisée », raconte Laurent Godin. Il est sécurisant et encourageant pour les salariés de pouvoir oser, tester de nouvelles idées dans un temps et un espace donnés. Cela renforce leur autonomisation et permet au manager de s’appuyer davantage sur ces dernières. Laëtitia Vitaud plussoie : « Expérimenter renforce la créativité, l’engagement et permet l’innovation ». Dans les grandes entreprises, cet espace peut être un laboratoire dédié à la recherche et à l’innovation. Dans de plus petites structures, l’expérimentation peut trouver sa place lors de réunions dédiées ou d’un séminaire d’équipe. Quelle que soit l’issue du test, le véritable enjeu est d’en tirer les bons enseignements et de savoir les partager à son équipe, pour gagner du temps la fois suivante.


Article écrit par Pia Leficher, édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ