« On m’a refusé une promotion » : comment gérer l'après ?
19 oct. 2021
7min
Rédacteur
Progresser dans la hiérarchie de son entreprise peut être une tâche longue et difficile. On avance patiemment, gravissant la pente en espérant pouvoir arriver au sommet à force de postes qui se libèrent et de promotions durement gagnées. Mais parfois, le sol se dérobe sous nos pas et c’est la chute. On nous refuse cette opportunité qu’on pensait mériter. Pire, une autre personne hérite de cette position favorable qui aurait dû nous revenir. Difficile de ne pas le prendre pour soi et d’en sortir l’ego indemne.
Pourtant, ce refus peut se muer en véritable opportunité pour qui veut bien ravaler son ego et se retenir de claquer la porte. Nous sommes allés à la rencontre de Stéphane, chargé de communication pour une société de services, qui n’a pas eu le poste en CDI pour lequel il avait postulé dans son entreprise mais a su s’en enrichir et Emmanuel Paty, coach professionnel certifié et créateur de l’agence fOKS qui nous a donné ses conseils pour bien réagir face à ce refus.
Comment ne pas se laisser dévorer par sa déception ?
Exprimer ses émotions
Quand on vient d’essuyer un refus, il est normal d’être déçu, en colère ou même blessé dans son ego. C’est ce qu’a ressenti Stéphane lorsqu’il a appris qu’il n’avait pas obtenu le poste en CDI pour lequel il avait postulé dans son entreprise après plus d’un an et demi de CDD et plusieurs va-et-vient avec sa direction : « Forcément, il y a de la déception au début. Surtout quand on donne de sa personne quotidiennement, pour n’être finalement pas choisi. » Et lorsque la personne qui a obtenu le poste à notre place intègre finalement l’équipe, ces sentiments de déception peuvent même gagner en ampleur, et s’accompagner de jalousie, ou d’envie. Après tout, si l’on a postulé, c’est que l’on pensait mériter ce poste, cette situation peut donc sonner comme un désaveu à notre oreille.
Pourtant si ces émotions sont normales dans un premier temps, elles peuvent aussi devenir handicapantes dans notre vie professionnelle si elles persistent. Pour Emmanuel Paty, la solution pour ne pas se laisser dévorer par ces pensées négatives, c’est dans un premier temps d’en parler : « Si on a du mal à passer au-delà de la rancœur et du sentiment d’injustice qui peut parfois s’installer lors d’une promotion accordée à un autre collaborateur, il est important de trouver un espace pour en discuter ouvertement. Cela peut se faire dans la sphère privée et familiale, mais aussi en interne avec les ressources humaines ou une personne de l’entreprise qui n’était pas dans le périmètre du recrutement. »
Avant d’agir, se ménager un temps à soi
Quand on reçoit une nouvelle déstabilisante, on peut être tenté d’agir sous le coup des émotions fortes que l’on ressent. De telles émotions conduisent souvent à des décisions hâtives qu’on risque de regretter par la suite, comme claquer la porte dans le feu de l’instant. Or, c’est précisément le moment pendant lequel il ne faut pas agir. Au contraire, pour Emmanuel Paty, il faut s’extraire rapidement de cet échec, et s’accorder un temps pour encaisser la nouvelle, la digérer avant de l’accepter ou non.
Pour cela, Emmanuel Paty recommande de se « fabriquer une capsule de temps pour sortir de ses préoccupations et pour se régénérer. » Il propose de se concentrer sur un projet, une tâche ou une activité que l’on maîtrise particulièrement bien et qui nous rend heureux, que ce soit dans son travail ou à l’extérieur même du cadre professionnel, dans son temps libre. Le maître mot dans cette période initiale : être indulgent avec soi-même et se laisser le temps pour sortir de cette expérience déplaisante et se régénérer.
Se concentrer sur les bons côtés
Enfin pour dépasser la déception, Emmanuel Paty recommande de dépasser l’échec pour se concentrer sur les points positifs du recrutement qu’on vient de traverser : « une situation d’échec ne l’est jamais à cent pour cent. Il y a toujours des éléments qui ont bien été réalisés. Se concentrer sur les efforts fournis, sur l’investissement déployé, sur ce qui a bien fonctionné, cela permet de cicatriser son ego et de dépasser l’échec. »
C’est aussi une manière de se remettre en selle et d’entamer le travail de reconstruction personnelle nécessaire à la bonne reprise de son travail. C’est ce que nous a confirmé Stéphane : « Ça fait du bien de rassurer son ego, et de se concentrer sur le positif. Ça ne se fait pas naturellement, ça nécessite un travail personnel mais grâce à cela, j’ai pris de la distance. Et c’était plus facile de me relancer dans mon travail ».
Et puis cela permet aussi de reprendre confiance en soi pour accueillir au mieux la nouvelle personne qui arrivera au poste que l’on convoitait et lui présenter son meilleur jour.
Comment rebondir ?
Se renseigner sur les véritables raisons derrière le refus
Une fois le choc du refus estompé, c’est là qu’on peut entamer le travail de reconstruction et de compréhension nécessaire à la bonne reprise de son travail. Il peut alors être intéressant de demander aux personnes qui ont mené le recrutement pour quelles raisons ils ont préféré choisir une autre personne pour ce poste.
On a souvent tendance à surestimer la place que l’on occupe dans l’esprit des personnes qui nous entourent et dans les décisions qu’elles prennent. Ce biais cognitif a même un nom : l’effet de projecteur (ou Spotlight Effect en anglais). Ainsi, lorsqu’on reçoit un refus, on va inconsciemment penser que celui-ci découle directement d’une action qu’on a faite, ou qu’on nous reproche. Mais la réalité du recrutement en entreprise est beaucoup plus complexe qu’une simple question d’adéquation au poste. « On peut se rendre responsable d’un refus alors qu’il peut être le fruit d’une conjonction de facteurs sur lesquels on n’a aucune prise, déclare Emmanuel Paty. Il peut y avoir de nombreuses raisons à un refus, qu’elles soient budgétaires, contextuelles, ou même liées à une politique d’entreprise. » Ainsi, demander directement à la personne décisionnaire les raisons de son choix, cela permet parfois d’exorciser certaines peurs infondées, d’assainir les relations futures dans l’entreprise et dans son équipe.
C’est ce qu’a fait Stéphane lorsqu’on lui a refusé le poste qu’il souhaitait obtenir : « C’est quelque chose que peu de personnes font, mais je trouve important d’aller demander les raisons du refus. Quand on ne les connaît pas, on s’imagine des choses, alors que les raisons sont souvent plus triviales que l’on ne croit. Quand je leur ai demandé pourquoi il m’avait refusé ce poste, ils ont été transparents avec moi, ils m’ont expliqué que c’était pour des raisons budgétaires. Ça a alors été plus facile pour moi d’accepter cette décision puisque ce n’était pas une question de compétence. »
Enfin, faire cet effort, c’est aussi une manière d’accepter un échec passager pour mieux se préparer à un succès futur. Si l’on connaît les véritables raisons de la préférence accordée à cette autre personne plus qu’à nous, on peut se préparer pour la prochaine promotion que l’on voudrait briguer. On saura alors quelles qualités développer, quelle expérience qui nous manquait acquérir, quelles relations cultiver…
Faire de la personne choisie à notre place une alliée
Autre conseil que nous donne Emmanuel Paty pour mieux se remettre sur pied, c’est d’accepter qu’on puisse avoir des choses à apprendre de la personne qui a été choisie à notre place : « Cette personne n’a pas à être une ennemie, elle peut être une alliée. »
Il est facile de céder à la jalousie, et de se mettre en tête que ce nouvel arrivant est un intrus ou un usurpateur contre lequel on doit résister. Mais partir avec cet état d’esprit, c’est le plus sûr moyen de tuer dans l’œuf toute relation professionnelle constructive avec cette personne. Au contraire, cette dernière n’a pas été décisionnaire dans le processus de recrutement : pourquoi ne pas lui donner le bénéfice du doute à son arrivée ?
Si la personne a été choisie pour les bonnes raisons, on peut par apprentissage ou mimétisme, et par la découverte de l’autre s’enrichir à son contact, être surpris et apprendre de nouvelles compétences. En l’observant on peut aussi mieux cerner les raisons qui ont pu pousser les décisionnaires à la choisir, que ce soit pour ses compétences de leadership, ses compétences techniques, sa gestion… Cela permet aussi de comprendre quelles sont les attentes des managers dans ce poste. Autant d’informations importantes pour retravailler sa candidature quand il sera temps de postuler à nouveau.
Cela peut être aussi l’occasion de s’ouvrir à cette personne, de lui demander conseil en toute franchise, pour avoir son point de vue sur le recrutement qu’elle a elle aussi vécu. Qui sait, peut-être qu’elle pourra vous ouvrir de nouvelles perspectives ou être le catalyseur qui vous permettra d’accéder à ce poste que vous convoitez.
Dresser son bilan personnel et demander un feedback
Loin d’être une expérience ponctuelle et singulière, un refus de promotion est un passage obligé de toute personne souhaitant évoluer dans son entreprise. Alors plutôt que de considérer cette situation comme un échec, on peut aussi voir cela comme une occasion d’apprendre et de s’enrichir. C’est pourquoi Emmanuel Paty recommande de dresser un bilan personnel pour pouvoir cerner les raisons qui ont pu pousser au refus, et pour s’améliorer avant que l’occasion de postuler ne se représente.
Ce bilan peut passer par de l’introspection, mais aussi par une demande de feedback de la part de ses collègues et de ses managers. L’exercice peut paraître intimidant, mais c’est un formidable moyen de dresser rapidement une carte personnelle de ses forces et de ses faiblesses. « Le simple fait de faire ce travail peut être bénéfique pour la prochaine promotion, puisque cela permettra d’être en meilleure adéquation avec le poste lors d’un prochain recrutement. Et cela contribue aussi à diffuser autour de soi, l’image d’une personne capable de se remettre en question et de rebondir après un échec », appuie le coach. Il peut d’ailleurs être intéressant d’inclure la personne qui vient de prendre le poste qu’on souhaitait obtenir dans cette demande de feedback. Après tout, cette dernière amène avec elle un « œil neuf sur sa nouvelle équipe », nous dit le coach, et elle aura peut-être des choses à nous apprendre sur nous-même que nos collègues et managers les plus proches ne voient plus à force de nous côtoyer.
Et parfois… partir
Si au bout de tout ce travail personnel entrepris, le sentiment de rancœur et d’injustice persiste, si cela fait plusieurs fois que vous vivez ces refus sur une longue période, ou si malgré tout le bon vouloir du monde, la relation avec la personne qui a pris le poste se déroule mal, alors, il est peut-être temps de songer à partir vers de nouvelles expériences : « L’essentiel, c’est de se sentir bien dans son travail, rappelle Emmanuel Paty. Si après quelques mois, le refus qu’on a reçu est toujours source de souffrance, c’est peut-être le signe que nos attentes ne sont plus en adéquation avec la culture de l’entreprise. Il vaut mieux alors trouver un nouveau cadre professionnel dans lequel on pourra s’épanouir. »
Finalement, c’est aussi à cela que sert tout ce processus d’introspection et de recherche : transformer cette situation déstabilisante en expérience positive pour vivre au mieux votre travail quotidien, quelle que soit la décision que vous prendrez.
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Photo par Welcome to the Jungle
Édité par Manuel Avenel
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