Entretien : comment valoriser vos soft skills sans pipeauter

02 févr. 2023

6min

Entretien : comment valoriser vos soft skills sans pipeauter
auteur.e
Molly LaFlesh

Writer, comedy writer, and HR leader based in New York City.

Quand on prépare un entretien, on peut être tenté d’expliquer pourquoi on veut absolument ce poste et pas un autre, en montrant combien on assure dans notre job actuel (ou le précédent si on est au chômage). Bref, en essayant de faire mieux ou plus convaincant que les X autres candidats en lice. Mais pour vous donner un maximum de chances, il y a un aspect de l’entretien à ne surtout pas négliger : mettre en avance vos soft skills. Pas facile, on sait.

Les soft skills comme le leadership, l’intelligence émotionnelle ou encore l’adaptabilité sont des qualités recherchées par les entreprises en entretien d’embauche, mais compliquées à mesurer pour un recruteur. Le secteur de la tech, qui a un temps d’avance sur le sujet, est friand de profils dont les soft skills sont en parfaite adéquation avec les valeurs corporate affichées. Twitter annonce ainsi chercher des personnes qui « avancent vite, se sentent libres d’être elles-mêmes et s’amusent », quand Slack recherche des profils techniques, mais aussi qui incarnent les valeurs de la boîte : empathie et esprit joueur.

Une posture plus qu’une vraie démarche ? Oui et non. Les soft skills sont souvent le reflet d’une époque. Il y un siècle, dans un test de personnalité pionnier (le Woodworth Personal Data Sheet), on trouvait des questions du type « Des rêves liés au travail troublent-ils votre sommeil ? » ou « Avez-vous déjà perdu connaissance ? » Aujourd’hui, ce serait plutôt « Quelle est la chose la plus dingue que vous ayez faite dans votre vie ? » ou « Si vous pouviez être un animal, lequel serait-il ? » Si le capitalisme survit, même un peu, au siècle à venir, qui sait ce que l’IA qui conduira votre entretien pourra bien vous demander ? « L’important quand vous conduisez votre voiture volante, c’est le voyage ou la destination ? » ou « On autorisait autrefois les hommes à être présidents, c’est fou, non ? »

Quoi qu’il en soit, avant tout entretien, vous devez identifier les soft skills recherchées par l’entreprise convoitée et comment les recruteurs décident qu’une personne a les soft skills recherchées ou pas. Mais une fois identifiées, comment les démontrer ? Pour le savoir, nous avons échangé avec deux spécialistes.

Identifier les soft skills : comment font les entreprises ?

Jacqui Maguire, ex-recruteuse dans la tech, est maintenant DRH pour la chaîne de restaurant Tacombi à New York. Elle explique appliquer des méthodes comportementales en entretien, à savoir une approche fondée sur l’idée que les actions passées prédisent le comportement futur. « Cela se résume essentiellement à demander aux personnes de me raconter telle ou telle situation qu’elles ont rencontrées et ce qu’elles ont alors fait. »

L’une des valeurs d’entreprise affichées par Tacombi est « l’aventure ». Comment les équipes de recrutement s’y prennent-elles pour savoir si le candidat ou la candidate a les soft skills nécessaires ? Avec une simple question : « Racontez-moi une fois où vous avez pris un risque. » Si la personne achève son récit en disant « …et je ne le referai jamais », c’est une bonne indication sur le fait qu’elle préfère la stabilité à l’aventure, ce qui est totalement entendable, raconte Jacqui Maguire. Un rapport publié par Checkster, une entreprise de service spécialisée dans la vérification de références, indique que 78 % des candidats ont déjà menti ou seraient prêts à le faire durant un entretien. Broder un peu pour vanter vos soft skills ? Selon Jacqui Maguire, c’est vous tirer une balle dans le pied à moyen-terme et ne pas rendre service à votre (future) boîte.

C’est pourquoi quand le discours du candidat ou de la candidate paraît trop récité, la DRH leur demande souvent d’autres exemples. Les jeunes diplômés, notamment, sont souvent incités à préparer « un exemple d’une fois où ils ont décroché la Lune, une autre où ils ont été confrontés à un gros challenge… On apprend aux gens à porter un masque en entretien », déplore Jacqui Maguire. Dire ce que vous pensez que l’autre a envie d’entendre peut se retourner contre vous, ajoute-t-elle. Si vous ne vous montrez pas honnête « ça risque de se finir par une rupture conventionnelle au mieux, un licenciement au pire ». Et même dans votre intérêt, votre expérience au sein de cette entreprise risque de vous décevoir…

Christopher Tabora, qui a monté avec ses collègues l’équipe de recrutement chez TikTok, raconte que chez eux, chaque candidat est évalué en tant que personne. « Si vous venez en entretien pour bosser dans l’équipe commerciale, est-ce que vous avez assez d’énergie pour que ça colle avec l’ambiance existante ? Ici, on va jauger l’énergie de base de la personne plutôt que ses pures compétences. » Il explique plus largement que, chez TikTok, les soft skills ont autant d’importance que les « hard skills », à savoir les compétences traditionnelles. « Vous arrivez avec une panoplie de compétences, c’est cool, mais au final vous apprendrez tout sur le tas, chez nous, résume-t-il. C’est avec leurs soft skills, celles qu’elles possèdent vraiment, que les personnes qu’on embauche arrive à prendre leurs marques dans notre environnement un peu mouvant. »

Examinez vos (vraies) soft skills

Mais dans tout ça, comment savoir quelles sont réellement vos soft skills, celles qui vous permettront de trouver un poste taillé sur-mesure ? Voici quelques pistes pour vous faire avancer :

1. Demandez aux personnes qui vous connaissent quelles sont vos soft skills

Christopher Tabora estime que nous n’avons souvent pas conscience de notre comportement. « Nous ne voyons pas nos superpouvoirs », commente-t-il. Vous avez peut-être un don pour donner la patate aux gens et les booster ou pour raconter de belles histoires avec de la data, sans réaliser que c’est vraiment un point fort et singulier chez vous. « Faites un petit pas de côté », conseille le recruteur. Posez la question à quelqu’un en qui vous avez confiance, pour savoir « ce que vous faites, réellement, et comment vous le présenter aux autres ».

Demander une recommandation à des personnes avec lesquelles vous avez travaillé est aussi une bonne manière d’identifier vos soft skills. Si votre ancienne manageuse écrit que vous avez « fait preuve d’adaptabilité, collaboré efficacement avec les autres équipes et toujours respecté les plannings », vous avez trois soft skills à mettre dans votre panier : adaptabilité, esprit d’équipe et gestion du temps. Des points forts à noter noir sur blanc et à développer en entretien.

2. Renseignez-vous sur les soft skills recherchées et développez-les

Pour savoir quelles soft skills l’entreprise recherche, vous pouvez vous baser sur plusieurs éléments. Tout d’abord, les sites des entreprises que vous visez. Vous y trouverez, dans la plupart des cas, des pages dédiées à la culture d’entreprises qui détaillent les valeurs des équipes. Ensuite, vous pouvez repérer au sein de l’offre d’emploi les compétences recherchées pour un poste.

Vous n’avez plus qu’à faire le lien avec votre propre parcours et votre personnalité pour déterminer si leurs attentes correspondent à votre profil. Si ce n’est pas le cas, ne partez pas perdant ! Suivez des cours, trouvez un ou une coach, tournez-vous vers le mentorat : comme pour les compétences traditionnelles, les soft skills se travaillent, et vous avez des ressources à votre portée pour le faire. Nous présentons ici cinq des soft skills les plus recherchées en 2023 : adaptabilité, bonne maîtrise de la communication mixte, autonomie, coopération, résilience, auxquelles s’ajoutent par exemple l’esprit d’équipe, la créativité, la résolution de problèmes, la gestion des conflits, ou encore, spécial post-Covid, le savoir-vivre en environnement virtuel.

Les cours en ligne peuvent vous aider à mieux comprendre comment travailler ces soft skills. Si les entreprises vous intéressent ont tendance à rechercher des candidats dotés d’une grande créativité mais que vous n’avez pas encore eu l’occasion de développer cette compétence, pourquoi ne pas lancer un projet de votre côté pour faire vos preuves et vous tester dessus ?

3. Donnez des exemples avec la méthode STAR

Christopher Tabora n’en doute pas : vous aurez forcément l’occasion, durant l’entretien, de pouvoir évoquer une situation illustrant vos soft skills. Pas besoin que la personne en face vous tende la perche avec un « Parlez-moi d’une situation dans laquelle vous… » La clé, « ce n’est pas de raconter, mais de montrer », explique Christopher Tabora. En d’autres termes, vous devez donner des exemples concrets et réels de choses que vous avez faites. Vous vous démarquerez en relatant des situations authentiques tirées de votre vie professionnelle et personnelle. « On a juste envie de voir des gens passionnés par ce qu’ils font. Ça se traduit forcément dans le travail au quotidien. » Pour vous aider à illustrer chaque compétence que vous souhaitez démontrer en entretien, vous pouvez par exemple utiliser la méthode STAR qui consiste à exposer une Situation professionnelle que vous avez rencontrée, puis les Tâches que vous deviez faire pour réussir, les Actions mises en place pour réussir et enfin évoquer les résultats concrets que vous avez obtenus. Cela vous aider à rentrer dans le détail et à montrer que vous ne vous inventez pas des compétences que vous ne maîtrisez pas.

Enfin, votre attitude en entretien est une très belle preuve de vos soft skills. Par exemple, si vous souhaitez montrer que vous êtes orienté sur les solutions, profitez de ce moment d’échange pour vous montrer proactif, force de solution et proactif face aux challenges que pourrait rencontrer votre future entreprise…

Un entretien d’embauche exige beaucoup de préparation. Être capable de citer et d’étayer les soft skills que vous possédez de façon authentique en fait partie. Et l’honnêteté demeure primordiale. Parmi les milliers d’entreprises qui recrutent, il y en a forcément une qui recherche un profil exactement comme le vôtre !

Article traduit de l’anglais par Sophie Lecoq, édité par Gabrielle Predko
Photo Thomas Decamps pour WTTJ

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