Dans la peau de Douglas McWall, photographe de mode
10 mars 2018
6min
Douglas McWallest photographe de mode. Depuis six ans, d’Istanbul à Paris, en passant par New-York, il shoote les mannequins en studio ou dans la ville. Nous avons rencontré Douglas sur le shooting de l’une de ses amies Lydia Bahia, créatrice de la marque La Seine & moi. Pour Welcome to the Jungle, il revient sur son parcours inspirant et livre quelques secrets d’un métier qui fait rêver.
Quand as-tu commencé à faire de la photo ?
Je suis venu assez naturellement à la photo parce que ma mère en a toujours fait, elle a toujours eu un appareil reflex greffé à la main et vers 16 ans j’ai commencé à m’y intéresser, à prendre son boitier et à bidouiller un peu avec pour comprendre comment cela fonctionnait. Mais c’est il y a six ans, après mon Bac, que j’ai commencé sérieusement à vouloir en faire mon métier.
Comment t’es tu formé ?
Je me suis un peu auto-formé au début en regardant beaucoup de tutos pour faire de bonnes retouches par exemple. Puis, après mon Bac je suis venu à Paris pour faire une école de photo et en fait ça ne m’a pas plu du tout ! Les gens ne savaient pas trop pourquoi ils étaient là ou ce qu’ils devaient faire, les profs n’étaient pas toujours présents, les cours étaient reportés… J’ai fais un trimestre puis un stage et je me suis rendu compte que j’avais plus appris en un mois en studio, qu’en un semestre de cours donc j’ai arrêté et j’ai commencé à bosser pour moi.
Je me suis rendu compte que j’avais plus appris en un mois en studio, qu’en un semestre de cours donc j’ai arrêté et j’ai commencé à bosser pour moi.
Par quoi on commence quand on se lance à 18 ans et sans formation ?
J’ai commencé par faire des photos pour moi, à répondre à des petits projets et surtout, j’ai assisté des photographes, gratuitement. J’avais repéré ceux dont j’aimais le boulot et j’envoyais des mails spontanément. Je n’avais pas une grosse expérience et pas vraiment encore de book mais je n’avais rien à perdre ! Et j’ai rencontré une photographe super cool, Michelle Young, qui m’a un peu pris sous son aile au début puis on est devenus amis.
Et ça a tout de suite fonctionné pour toi ?
Non, comme je n’étais pas rémunéré c’était difficile et puis j’ai eu une période un peu creuse à Paris donc je me suis dis que c’était le bon moment pour aller démarcher à l’étranger. C’est comme ça que j’ai atterri en Turquie, à Istanbul, où j’ai travaillé pour un groupe média - qui gère notamment L’Officiel Turquie, Grazia Turquie etc - pendant un an.
Qu’est-ce que cette expérience t’a apporté ?
Le milieu de la photo de mode en France est très fermé et shooter pour des magazines est vraiment compliqué… Car les magazines veulent tout de suite bosser avec des gens très connus alors qu’en Turquie, ils sont plus ouverts. Puis, j’ai fais un petit crochet par New-York pour aller faire des shoots pour moi plus personnels, et travailler avec des agences de mannequins. Grâce à ces deux expérience j’ai pu me faire un book solide et rentrer à Paris pour bosser avec des agences de mannequins, des marques, des magazines.
Pourquoi as-tu choisi cet univers compliqué de la photo de mode ?
Parce que j’ai toujours été plus intéressé par le fait d’avoir quelqu’un devant mon objectif, plutôt que des paysages ou des scènes de rue par exemple. Et j’aime vraiment le côté esthétique de la mode aussi. J’ai voulu faire ça dès le début et j’ai affiné mon style dans ce domaine là.
J’ai toujours été plus intéressé par le fait d’avoir quelqu’un devant mon objectif, plutôt que des paysages ou des scènes de rue par exemple.
Comment on se fait une place dans ce milieu ?
Il y a une hiérarchie assez claire dans la photo de mode. Tu commences par des shootings perso, puis tu fais souvent des books pour les agences de mannequins. Au début, c’est important de construire de bonnes relations avec les agences, d’être dispo, de faire du bon boulot, gratuitement. Une fois que tu as shooté les new faces des agences et que tu les connais bien, tu peux leur demander de te confier des filles un peu plus connues à qui tu peux ensuite demander de poser pour des shoots perso’ et c’est comme ça que, petit à petit, tu montes en “grade”.
Comment tu constitues ton équipe ?
Les shootings et les réseaux sociaux aident beaucoup pour former ton équipe avec des coiffeurs, des maquilleurs, des stylistes… Je bosse presque tout le temps avec la même team car quand tu te connais bien et que tu sais ce que l’autre veut et comment il bosse, tu gagnes un temps fou et tu fais du meilleur boulot. Ce qui est chouette c’est que mon métier dépend de celui de plein d’autres personnes. Tu peux avoir du talent ou une putain d’idée, si tu n’as pas cette équipe, tu ne peux rien faire.
Tu peux avoir du talent ou une putain d’idée, si tu n’as pas cette équipe, tu ne peux rien faire.
Douglas avec Lydia Bahia, la créatrice
Comment fais-tu pour démarcher de nouveaux clients ?
En rentrant de mes voyages, je ne connaissais personne à Paris donc j’ai beaucoup démarché mais maintenant plus du tout. C’est aussi la force du réseau, des connaissances qui me recommandent autour d’eux. Je bosse aussi avec quatre ou cinq boîtes de prod’ qui travaillent avec des marques et gèrent leurs shootings.
Et comment se passe un shooting ?
En amont, je recherche des idées. La marque et moi, on crée une sorte de story board pour déterminer l’ambiance ou l’attitude qu’on va mettre en scène.
Le jour J, on commence en général assez tôt car il faut tout installer. J’arrive entre 6h et 9h et ensuite je shoote toute la journée ! Et parfois pendant plusieurs jours.
Pendant un shooting, je peux faire des propositions et apporter mon regard technique. Parfois mes clients imaginent des choses qui ne sont pas réalisables. C’est mon rôle d’évaluer la faisabilité de leur proposition.
C’est mon rôle d’évaluer la faisabilité des propositions de mes clients.
Puis, vient la retouche. Parmi les photos prises (parfois jusqu’à 2000 par jour) je fais une première sélection avec le client, et je me lance dans les retouches pendant une ou deux semaines, parfois des mois mais c’est plus rare !
Comment se passe ce travail qui est finalement la tâche sur laquelle tu passes le plus de temps ?
En fait, tu peux retoucher toi-même les photos sélectionnées ou les confier à un retoucheur qui le fait pour toi. Pour une série perso’ ou plus créative je préfère le faire, mais pour les marques je préfère le confier car c’est très chronophage. En fait, il y a deux types de retouches : celles du grain de peau, des défauts sur les vêtements etc… Et il y a la chromie et ça c’est vraiment propre à un photographe, ça définit une identité donc j’aime bien m’en charger.
Je peux passer jusqu’à 6 heures sur une seule image et j’adore ça ! C’est vraiment la continuité de ton travail sur le shoot. C’est génial d’aller d’un bout à l’autre du process : de la création à la livraison après retouche, en passant par le shooting lui-même.
C’est génial d’aller d’un bout à l’autre du process : de la création à la livraison après retouche, en passant par le shooting lui-même.
Comment gères-tu la partie business et administrative de ton travail ?
En tant que photographe tu peux être auto-entrepreneur, artisan ou fonctionner avec les droits d’auteur. Moi je suis à l’AGESSA (Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs) car elle est la seule qui te permet de facturer et toucher des droits d’auteur. Par exemple, si je facture une journée à 1500 euros pour le shooting et que le client veut ensuite utiliser les photos pour la presse, je vais leur vendre des droits d’auteur pour lesquels je définis les supports, la durée et le territoire (France, Europe, étranger etc…)
Comment fais-tu pour toujours progresser ?
Les modes évoluent donc il faut savoir s’adapter et se former en permanence pour pouvoir répondre aux demandes de tes clients et progresser. Techniquement donc, il faut rester alerte sur ce qui se fait pour avoir tel rendu, telle lumière etc…Par exemple, en ce moment, il y a un gros retour de l’argentique, et si mes clients me le demandent je dois pouvoir m’adapter et shooter en argentique. Aussi, il y a surtout une grand part de curiosité. Je passe beaucoup de temps sur Instagram et à lire des magazines comme L’Officiel, bien sûr, mais aussi Numéro, i-D, ou des publications plus indépendantes comme Purple Magazine par exemple. En résumé : travailler et être curieux pour que ton œil évolue en permanence.
Les modes évoluent donc il faut savoir s’adapter et se former en permanence pour pouvoir répondre aux demandes de tes clients et progresser.
Quelles sont les qualités d’un bon photographe selon toi ?
Je dirais qu’il faut d’abord être humble. Aussi, il faut savoir s’entourer d’une bonne équipe. Et enfin, il ne faut pas avoir peur de travailler gratuitement de temps en temps et de s’investir sur des projets qui nous tiennent à coeur !
Douglas McWall
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