Prise de références : comment sortir des griffes d’une mauvaise expérience ?

11. 10. 2023

6 min.

Prise de références : comment sortir des griffes d’une mauvaise expérience ?
autor
Clémentine Buisson

Rédactrice et consultante QVCT

přispěvatel

La recherche d’emploi peut être une expérience stressante : on se questionne sur notre légitimité à postuler, sur l’attractivité de notre profil ou encore notre capacité à aller au bout des processus de recrutement. Quand en plus on craint que les fantômes de nos expériences passées ne nous portent préjudice, la situation devient d’autant plus compliquée.

D’abord, qu’est-ce qu’une « mauvaise expérience » ?

Si en comprenant que le recruteur d’une entreprise pour laquelle vous postulez s’apprête à contacter vos employeurs précédents vous ressentez un léger malaise ou une certaine inquiétude, c’est que vous craignez qu’un ou plusieurs aspects de ces expériences passées ne viennent entacher l’image que vous souhaitez projeter.

Rien d’anormal à cela puisqu’il y a à peu près mille et une raisons qui peuvent expliquer qu’une expérience pro ne se passe pas comme prévu, qu’elles dépendent de vous ou de l’organisation dans laquelle vous évoluez. Peut-être n’étiez-vous pas au top de votre forme lors d’un de vos précédents postes ? Cela peut être parce que vous ne vous sentiez pas à votre place, parce que le job ne vous intéressait pas vraiment alors vous aviez du mal à vous motiver, parce que les objectifs fixés étaient inatteignables pour vous… Ou alors, vous traversiez une période compliquée dans votre vie personnelle et aviez donc mis votre travail au second plan. Peut-être ne vous entendiez-vous pas avec votre hiérarchie, avec votre manager ou avez pu être confronté.e à des problématiques relationnelles… En bref, des expériences négatives peuvent s’immiscer dans le parcours de tout le monde.

Tonton Karim, expert RH et influenceur Top Voice LinkedIn rassure : « Bof, mauvaise, voire même très mauvaise, ça arrive à tout le monde de faire un mauvais choix, avec un métier qu’on n’avait pas envisagé comme ça au départ par exemple. L’expérience est donc négative, mais ce n’est pas grave, tout le monde peut se tromper ! »

Le problème, c’est lorsqu’il s’agit de justifier cela dans un futur entretien d’embauche, avec le risque qu’on vous sonde sur ce qu’il s’est passé, mais surtout celui de voir le recruteur passer un coup de fil à votre précédent employeur pour prendre des retours sur votre passage dans leur entreprise.

Comment aborder les choses ?

La meilleure solution pour désamorcer la situation reste encore de « prévenir plutôt que guérir ». En abordant frontalement les problématiques passées sans attendre que votre précédent employeur ne fournisse d’information à votre recruteur, vous maîtrisez le discours qui vous concerne.

En plus, cette démarche peut montrer à votre employeur potentiel que vous êtes capable de prendre du recul et de formuler une analyse sur une situation sur vos propres actions, choix ou sur les structures par lesquelles vous êtes passé.

Après avoir connu un management toxique et avoir frisé le burn out, Juliet, la trentaine, décide de postuler pour un nouvel emploi dans le SEO quelques mois plus tard en jouant dès le début du process de recrutement la carte de l’honnêteté. « Le poste et l’équipe de l’entreprise que je convoitais avaient l’air géniaux. Mais le siège, situé en Angleterre, devait donner son accord pour me faire une proposition. Pour ce faire, il leur fallait des références. Je leur ai donc expliqué texto que ma dernière expérience en entreprise ne s’était pas déroulée comme prévu et que la référence ne serait pas positive mais qu’en contrepartie, je pourrais demander des recommandations à mes précédents clients. Malheureusement, ce n’était pas suffisant pour le siège. À ce moment-là, l’équipe en France m’a rassurée en me disant “ne t’inquiètes pas on va te défendre et tout faire pour que ça passe”. » Malheureusement, la confiance instaurée entre Juliet et cette équipe pendant le processus de recrutement n’a pas suffi puisque le siège a souhaité interrompre le processus après avoir contacté ce précédent employeur malgré les avertissements de Juliet. Et ça n’a pas loupé : l’entreprise a prétendu que son contrat de travail de Juliet s’était soldé par un passage aux prud’hommes. « Même si j’ai pris les devants, ça n’a pas suffi. »

Évidemment, maîtriser un discours et le faire entendre est plus compliqué lorsqu’on doit traiter avec plusieurs parties prenantes ! Néanmoins l’expérience de Juliet montre que pour l’équipe qui souhaitait la recruter, être transparent a permis de poser des bases saines pour leur future collaboration.

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Le processus d’embauche, ou l’exercice pour se jauger mutuellement

Il ne faut en effet pas oublier que le processus d’embauche est un échange mutuel. Si c’est l’occasion pour l’employeur de se forger une idée devous et de votre place dans l’entreprise, c’est également le moment pour vous, candidat, de mieux connaître l’employeur, les équipes, les conditions de travail et les missions afin de vous assurer que l’entreprise correspond à vos envies et besoins. Ainsi, quand vous vous livrez sur une expérience précédente négative, la réaction de l’entreprise pour laquelle vous postulez est cruciale : « La manière dont votre feedback sur votre ancien job est réceptionné par le recruteur va vous donner beaucoup d’informations pour la suite. Si celui-ci manifeste un manque de compréhension, se braque, s’énerve, vous coupe la parole, cela peut vous alerter sur ce que vous allez retrouver quand vous intégrerez l’entreprise. »

C’est par exemple ce qu’il s’est passé pendant le stage de fin d’étude de Maria, 25 ans, qui a aussi vécu une relation compliquée avec sa précédente manager qui lui reprochait d’être « trop sensible » et lui imposait de « s’endurcir pour le monde du travail » après qu’elle lui ait fait part de son besoin de feedbacks plus constructifs et moins cassants. À la fin de son stage, elle n’a donc pas voulu rester dans cette entreprise et a commencé à chercher du travail dans le domaine du conseil dans le secteur public, non sans appréhension : « J’avais peur que cette manager dise à mon futur employeur qu’il était difficile de travailler avec moi parce que j’étais trop sensible. » Lorsqu’elle passe un entretien, Maria décide donc de prendre les devants pour éviter les mauvaises surprises : « Quand j’ai expliqué à la responsable que j’étais partie pour des raisons de management, j’ai bien senti qu’elle s’est crispée. Je lui ai donc dit que je pouvais lui donner le contact de ma précédente manager en l’avertissant de la complexité de notre relation. J’ai également proposé de lui fournir le contact de la collègue qui me manageait officieusement et avec qui ça se passait très bien. »

Bien que d’autres facteurs aient joué dans son choix, Maria a décidé de refuser le poste, refroidie par le manque d’écoute de la manager. « L’entretien, c’est aussi pour savoir si les gens sont sur la même longueur d’ondes sur ces sujets-là et acceptent notre bagage. »

Autre raison pour laquelle vous avez tout intérêt à vous montrer transparent avant même que la question des références tombe : certains recruteurs ne prennent pas toujours la peine de vous avertir de cette démarche, même si légalement tout les oblige à vous demander votre consentement. Julie, journaliste d’une vingtaine d’années en a fait les frais alors qu’elle n’avait pas abordé ces difficultés passées lors de son processus d’embauche en alternance. « L’ensemble du stage s’était assez bien passé, mais j’avais eu de grandes difficultés d’organisation, d’autonomie et de constance. » Elle a appris a posteriori et déjà en place dans son nouveau poste que son employeur avait contacté le précédent : « Quand ma manager m’a dit qu’elle avait contacté un ancien collègue à moi, j’ai eu un léger sentiment d’injustice, car il aurait pu raconter n’importe quoi si ça n’avait pas été quelqu’un de bienveillant (dans ma situation ce n’était pas le cas, mais ça arrive malheureusement). Je n’ai pas trouvé ça très juste pour être tout à fait honnête, même je comprends le besoin de mon nouvel employeur de valider mon profil. »

Pour Tonton Karim, la recommandation est claire : il faut décrire de manière factuelle ce qu’il s’est passé et en tirer les conclusions qui s’imposent. Cela permet de dire à l’employeur « la prise de références ne va pas être bonne mais regardez le travail d’analyse que j’ai fait et la remise en question qui en découle. » Dans le cas de Julie, en parler en adoptant cette posture de prise de recul lui aurait peut être permis de faire part de ses besoins à son nouvel employeur pour poursuivre sa montée en compétences dans les meilleures conditions possibles. Évidemment, la peur que notre candidature ne soit pas retenue dans le contexte tendu de la recherche d’emploi (et notamment de stage et d’alternance) n’aide pas !

Néanmoins Tonton Karim le rappelle : « Ne considérez pas vos mauvaises expériences comme quelque chose de dramatique susceptible d’influencer négativement toute votre carrière et trouvez les recruteurs qui seront à même d’écouter et d’accepter cette réflexion. »

Pour terminer, les 4 conseils de Tonton Karim :

Pour sortir des griffes d’une mauvaise expérience, l’enjeu principal est de digérer ladite expérience, cela passe par le fait de :

  • Prendre le temps de l’introspection : pour comprendre ce qui ne s’est pas bien passé et pourquoi.
  • Être honnête avec soi-même : pour déterminer ce qui relevait de notre responsabilité ou de celle de l’entreprise (organisation du travail, management…)
  • Trouver les mots pour valoriser cette réflexion et les apprentissages qui en découlent : ce que l’on recherche aujourd’hui, ce que l’on ne veut plus, ce qu’on a fait pour s’améliorer si certaines responsabilités sont de notre ressort…
  • Jouer carte sur table en entretien en exposant cette analyse quand la conversation le permet (qu’une prise de références soit prévue ou non). La capacité à analyser la situation pour en tirer des leçons a de très grandes chances d’être appréciée. Attention dans ce cas-là à ne pas fustiger votre ancienne entreprise, mais ne tombez pas non plus dans l’auto-flagellation et ne vous confondez pas en excuse et justifications. Plus vous montrerez votre gêne, plus votre interlocuteur la ressentira et pourra développer une certaine suspicion. Restez factuel et concis en expliquant la situation, ce qu’elle vous a appris et réaffirmez, à l’aune de cette introspection, pourquoi l’entreprise pour laquelle vous plustulez est un choix plus judicieux pour vous.

Alors même si les entretiens d’embauche sont intimidants, n’oubliez pas que les mauvaises expériences font partie de la vie professionnelle et qu’elles sont généralement riches en apprentissages. Cela vaut le coup de faire et de partager ce travail d’analyse à vos potentiels employeurs pour trouver un poste et un cadre de travail qui vous correspondent vraiment ! Tonton Karim le résume ainsi : « Ce qui compte c’est que vous appreniez des choses sur vous, sur ce que vous souhaitez et ce dont vous avez besoin pour la suite ! »

Article édité par Gabrielle Predko ; Photo de Thomas Decamps

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