« Trop perfectionniste » : arrêtons avec ces défauts qui n’en sont pas en entretien

04. 3. 2024

5 min.

 « Trop perfectionniste » : arrêtons avec ces défauts qui n’en sont pas en entretien
autor
Pauline Allione

Journaliste independante.

přispěvatelé

Vous aussi vous êtes perfectionniste, excessivement ponctuel et un brin trop énergique ? Nous ne vous jetons pas la pierre : qui a envie de lister ses pires défauts en entretien d’embauche, au risque de faire fuir son potentiel futur employeur ? Heureusement, il existe des façons de se sortir de cette question en un morceau. Et même mieux, de marquer des points en parlant de vos véritables failles.

« Citez-moi trois qualités et trois défauts » : un peu poussiéreuse et pas forcément des plus pertinentes, la fameuse question des qualités et des défauts n’en reste pas moins un grand classique des entretiens d’embauche. « Cette question n’est absolument pas pertinente, puisqu’elle n’a aucun but précis, que ce soit évaluer des compétences, des soft skills ou la motivation, attaque Léo Bernard, expert en recrutement. Elle est pourtant encore posée, souvent par habitude, un peu comme le “Présentez-vous” en début d’entretien ou le “Pourquoi vous et pas un autre ?” »

Côté candidat, la question peut rapidement s’apparenter à un piège qui se referme doucement sur sa proie : avouer un défaut ne vous met pas à votre avantage, mais ne pas répondre revient à prendre la fuite. « Cette question n’est pas agréable pour la personne qui postule. On m’a déjà demandé quels étaient mes qualités et défauts, et je pense que si j’y avais répondu sincèrement, je n’aurais pas eu le poste » rembobine Nesrine, recruteuse dans une société d’intérim. Aussi, elle préfère faire l’impasse sur cette interrogation lorsqu’elle reçoit des candidats : « Ce qui est important c’est de savoir quels comportements sont attendus de la part de l’entreprise, donc je pose des questions ouvertes et je laisse la personne s’exprimer. Je lui demande comment elle se projette, et comment elle réagirait dans certaines situations concrètes. »

Mais quand la question des défauts est abordée frontalement, il reste une troisième option, celle de la réponse en demi-teinte : citer un pseudo-défaut, l’un de ceux qui sont synonymes d’exemplarité dans un contexte professionnel. « Trop rigoureux », « perfectionniste », « trop dynamique »… Sauf que citer un supposé défaut pour tourner la question à votre avantage s’avère bien souvent être une mauvaise idée. On vous explique pourquoi.

Ces faux défauts qui vous sabotent

En vous qualifiant de perfectionniste, vous rentrez ainsi directement dans la masse des candidats qui défilent face aux recruteurs. « Le “perfectionniste” est inintéressant, et il l’est encore plus du fait que vous serez la 147ème personne à le sortir. Les gens répondent toujours la même chose à cette question, ce qui est perçu comme un manque d’originalité », avertit Léo Bernard. Ces réponses toutes faites ne dupent personne, d’autant qu’ajouter un adverbe à une qualité ne suffit pas à en faire un défaut. Faire mine de prétendre qu’un trop-plein de dynamisme et de rigueur sont des défauts en entreprise, tout en sachant que ces qualités recherchées sur le marché du travail sont surtout le signe que vous êtes un mauvais joueur de poker.

Ne pas savoir citer vos propres défauts peut également être considéré comme un manque de maturité, de discernement ou d’honnêteté. Autant de caractéristiques qui ne sont pas les plus appréciées des recruteurs à ce moment de l’entretien. « Avec cette question, le recruteur veut d’abord voir si la personne est capable de prendre du recul sur elle-même. Est-elle consciente de ses propres limites, de ses marges de progression ? », illustre Léo Bernard. Forcément, déballer une réponse générique et entendue des milliers de fois n’aide pas à croire à votre discours. « Ces supposés défauts, je les ai lus dans des lettres de motivation, je les ai entendus en entretien d’embauche… À partir du moment où une personne répète un même blabla, on voit bien que c’est du bullshit, on ne peut pas la croire » renchérit Roseline Laloupe, consultante et influenceuse RH.

5 conseils pour citer vos défauts sans vous planter

Mais alors, comment répondre à cette fameuse question sans prendre le recruteur pour un idiot, ni vous auto-saboter ?

Conseil n°1 : la base, soyez honnête

« Jouez la transparence et donnez un vrai défaut, quelque chose qui ne soit pas positif, assure Roseline Laloupe. Mais choisissez un défaut sur lequel vous avez travaillé et illustrez vos propos avec un exemple concret. Il s’agit de citer un défaut que vous aviez, mais qui n’en est plus vraiment un actuellement. » Vous pouvez, par exemple, être une personne lente, ce qui n’est clairement pas la qualité la plus recherchée en entreprise, où l’on veut de la productivité et de la rapidité. Sauf que depuis, vous vous êtes formé, vous avez appris à être multi-tâches, des projets personnels vous ont fait gagner en rapidité… Défaut amené et… évacué.

Conseil n°2 : restez objectif

Parler de qualités et de défauts sans tomber dans la subjectivité peut s’avérer compliqué : un adjectif peut être une qualité dans un certain contexte et un défaut dans un autre. Illustrer vos propos d’exemples concrets et issus de la sphère professionnelle permettra de brosser le tableau au recruteur. « Il est admis dans la croyance populaire que le fait d’être feignant est un défaut, avance Léo Bernard. Pourtant, un travailleur feignant va faire autant de choses que quelqu’un qui ne l’est pas en moins de temps, et il pourra potentiellement prendre plus de boulot. » Vous baser sur les retours de votre N+1, de vos collègues ou des RH est un autre moyen de vous prémunir contre la subjectivité.

Conseil n°3 : créez de la confiance

Dans le processus de recrutement, le moment d’aborder ses défauts est aussi celui de l’honnêteté. Il ne s’agit plus de jouer à « l’employé-modèle », mais plutôt d’évoquer vos failles et les soucis que vous pouvez rencontrer en entreprise. Si vous évacuez rapidement la question, vous manquez une occasion de tisser un lien de confiance avec le recruteur. « Plus le discours est concret, plus le manager va y croire, et il est toujours utile de donner une anecdote pro ou perso. Il ne faut pas oublier que ce sont deux inconnus qui se rencontrent, le RH ne sait pas si le candidat dit la vérité ou pas. Il a besoin d’être convaincu et de croire à son discours. Or, mettre en avant un ou deux points à améliorer humanise le discours du candidat », poursuit l’experte.

Conseil n°4 : misez sur l’audace

Pari risqué mais potentiellement gagnant : la réponse audacieuse ou la touche d’humour. « Les employeurs et recruteurs esquivent souvent les questions qui dérangent comme la question du salaire, et le candidat a le droit d’utiliser les mêmes armes et d’esquiver une question », poursuit Roseline Laloupe, qui conseille l’esquive combinée à une touche d’humour, en évoquant un défaut (de préférence inattendu) qui n’a aucune répercussion sur le travail. « Trop gourmand, trop extraverti ou même trop beau ! », tente l’experte. Surprise par la question des défauts lors d’un entretien quelques semaines plus tôt, Sophie, 61 ans, a naturellement penché pour la légèreté. « J’ai travaillé pendant plus de 20 ans dans la création de robes de mariées, et la recruteuse venait de supposer que les créateurs avaient souvent un côté décalé, ce à quoi je l’ai rassurée en lui disant que j’avais la tête sur les épaules. Elle m’a ensuite demandé une qualité et un défaut, donc j’ai cité l’optimisme et concernant mes défauts, j’ai répondu que j’en avais mais que je les laissais chez moi. C’était tellement spontané que ma réponse l’a fait sourire. »

Conseil n°5 : prenez les devants

Si vous vous en sentez capable, n’attendez pas la question des qualités et défauts pour évoquer vos points d’amélioration. « Demandez-vous si vous voulez opter pour un jeu actif ou passif, conseille Roseline Laloupe. Un jeu actif, c’est prendre l’initiative d’annoncer vous-même vos points à améliorer. Ça instaure de la confiance et ça montre que vous êtes suffisamment à l’aise avec vos défauts pour en parler. Le recrutement, ce n’est pas juste une question de techniques et de compétences : il s’agit aussi de surprendre le recruteur. »

Plutôt que d’essayer de gonfler votre profil avec un défaut censé faire de vous un employé modèle, jouez le jeu de l’introspection et dévoilez-vous un peu plus. La question des défauts reste malheureusement un poncif des entretiens d’embauche, mais elle peut être l’occasion de montrer votre capacité à prendre du recul sur vous-même, à prendre en compte les feedbacks de votre environnement professionnel et à évoluer sur certains points. Et si vous êtes plus à l’aise avec les blagues qu’avec l’auto-analyse, l’humour peut tout aussi bien marquer les esprits.

Certains prénoms ont été modifiés.

Article édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.