Marque employeur : les pires faux pas à éviter signés Elon Musk

17. 7. 2023

8 min.

Marque employeur : les pires faux pas à éviter signés Elon Musk

Incarnation première de son entreprise, le « big boss » peut être, de par son aura ou son expertise, un atout de taille dans le travail de captation, fidélisation et rétention des talents. À moins de s’appeler Elon Musk, et de rarement s’embarrasser du concept de marque employeur ! Florilège des pires attitudes du milliardaire, à proscrire pour garder sa marque employeur intacte.

1. Faire de la productivité au travail une religion

Ce qu’Elon pourrait dire : « Ta boîte, tu l’aimes ou tu la quittes. »

Le faux pas qui tue : à peine arrivé aux commandes de Twitter en octobre 2022, Elon Musk a fait une demande pour le moins radicale à ses employés. Au nom de la compétitivité du réseau social à l’oiseau bleu, il explique à ses collaborateurs dans un mail interne qu’il souhaite les voir « être à fond, à l’extrême. Cela signifie travailler de longues heures à haute intensité ». Le tout assorti d’un ultimatum : ceux qui ne veulent pas dédier leur vie à bâtir le futur de Twitter sont invités à prendre la porte. Autrement dit, ses employés ont le choix entre accepter un rythme et une charge de travail délirants ou partir avec une indemnité correspondant à trois mois de salaire. Classe…

Pourquoi votre marque employeur en prend un coup : en entreprise, la productivité est une valeur refuge pour mesurer l’efficacité au travail, à la fois en tant qu’indicateur économique structurel et injonction à la performance individuelle. Mais de nombreux managers et dirigeants souffrent d’une paranoïa de la productivité : cette tendance à douter de l’efficacité de leurs équipes, notamment lorsqu’elles sont en télétravail. Or, la spécialiste en futur du travail et experte du Lab Laetitia Vitaud alerte sur les limites du concept, à commencer par les fausses croyances autour de sa mesure en temps passé. « Quand vous passez une heure devant votre ordinateur, une heure en réunion ou une heure à rédiger des mails, votre résultat est plus variable (et discutable) que si vous passez une heure devant une chaîne d’assemblage où le rythme productif est stable et vous est imposé. La triste vérité, c’est qu’on ne sait pas bien mesurer la productivité dans les services. Par contre, on sait compter les heures », illustre-t-elle. Inutile donc de tomber dans les méandres du présentéisme, au bureau ou à distance, pour vous assurer que vos salariés sont efficaces au travail. Sans compter qu’à l’heure où les talents ne jurent que par davantage de flexibilité, pas certain que la promesse d’une semaine de 86 heures (avec 12 heures par jour, 7 jours sur 7) fasse rêver grand monde, qu’il s’agisse de vos collaborateurs en place ou d’éventuels candidats.

L’attitude à privilégier : Laetitia Vitaud propose 4 pistes pour mettre à mal la paranoïa de la productivité :

  • Apprendre à évaluer la qualité du travail : plutôt que de s’intéresser uniquement au volume d’heures qui lui est consacré.
  • Promouvoir la productivité collective : évaluer la performance individuelle ignore la collaboration, voire même lui est délétère en instaurant une mise en concurrence.
  • Favoriser les interactions au sein de vos équipes : afin de rétablir de la synchronicité dans un mode de travail souvent hybride.
  • Promouvoir les valeurs de l’artisanat : pour s’éloigner radicalement de l’organisation scientifique du travail avec division du travail, subordination et décompte des heures.

2. Déstabiliser son entreprise avec des départs en masse

Ce qu’Elon pourrait dire : « Vous savez, moi je ne crois pas qu’il y ait de bons ou de mauvais licenciements. C’est avant tout des rencontres. »

Le faux pas qui tue : après avoir posé sur la table les 44 milliards nécessaires au rachat de Twitter, quelle est la première chose qu’a fait ce bon vieux Elon ? Il a tout simplement limogé les quatre dirigeants principaux de l’entreprise : le PDG Parag Agrawal, le directeur financier Ned Segal, la directrice des affaires juridiques et de la sécurité de la plateforme Vijaya Gadde et l’avocat général Seab Edgett ont été remerciés sans ménagement. Avec, dans la foulée, un tweet à la hauteur du nouveau patron : « L’oiseau est libre. » Mais le bougre ne s’arrête pas en si bon chemin… L’ensemble des postes qu’il juge superflus sont également supprimés (de préférence directement par mail), pour un total d’environ la moitié des 7 500 personnes qui composent le personnel de Twitter. Certains sont également partis d’eux-mêmes face à ce changement drastique de direction. S’il y a un pilote dans l’avion, qui reste-t-il donc à ses côtés ?

Pourquoi votre marque employeur en prend un coup : la richesse d’une entreprise repose en grande partie sur ses collaborateurs et les compétences qu’ils représentent pour son activité. Raison pour laquelle le turn-over d’une structure est un indicateur clé de sa bonne santé sociale. Mais lorsque les départs s’accumulent, un malaise social s’instaure à commencer par les équipes en place, qui jonglent entre syndrome du survivant et peur de se retrouver sur un siège éjectable. C’est aussi la mémoire de l’entreprise qui en prend un coup comme l’explique Bénédicte Tilloy, autrice, conférencière et experte du Lab : « Le savoir d’une entreprise, c’est la somme des savoir-faire individuels : quand une personne s’en va, elle part avec une partie du capital culturel et de connaissances de l’entreprise. » Côté candidats également, des salves de licenciements renvoient l’image d’une entreprise au mieux instable, au pire en difficulté financière. « Des départs, surtout s’ils sont nombreux, affectent l’image de la société. Par exemple, les nouveaux entrants apprennent que la personne qui les a interviewés n’est plus là : cela produit une forme de déception et de méfiance », souligne à ce propos la DRH et experte du Lab Céline Méchain. Lorsqu’on sait que 33 % des candidats refuseraient catégoriquement un emploi de la part d’une entreprise ayant une mauvaise réputation, une image dégradée par les départs constitue un coup de frein majeur.

L’attitude à privilégier : Céline Méchain et Bénédicte Tilloy proposent 3 pistes pour limiter l’impact des départs :

  • Oser crever l’abcès : que le départ soit de votre fait ou pas, il est important de prendre le temps d’échanger avec vos équipes en place des personnes démissionnaires.
  • Communiquer de manière efficace : même si elle peut être délicate, cette communication est essentielle pour rassurer et remotiver vos collaborateurs.
  • Documenter pour assurer la transmission du capital culturel : votre processus d’offboarding doit être millimétré pour vous permettre de limiter la déperdition des savoirs.

3. Incarner un management toxique

Ce qu’Elon pourrait dire : « Je veux sauver l’humanité, pas forcément les humains. »

Le faux pas qui tue : de SpaceX à Tesla en passant par Neuralink, Elon Musk n’a pas bâti sa renommée sur ses prouesses managériales. Loin de là. L’heure est à la fixation des objectifs de ses équipes ? Ces derniers sont forcément démesurés, voire inatteignables, à réaliser de surcroît dans des délais impossibles. L’un de ses collaborateurs se permet de remettre en question une opinion du grand patron ? Il est congédié dans l’heure. Dans un moment de lucidité fugace, Elon Musk lance un sondage pour savoir s’il doit ou non démissionner de ses fonctions chez Twitter ? En dépit d’un résultat positif, il poursuit son job mine de rien. Bref, on imagine mal le milliardaire s’embarrasser d’un coaching en management, ses méthodes se voulant consciemment « hardcore ». Tout un programme…

Pourquoi votre marque employeur en prend un coup : manager est loin de représenter une tâche facile. Être à la fois expert dans son domaine, figure d’autorité, moteur d’énergie positive, couteau-suisse, apporteur de solutions… Les casquettes se suivent mais ne se ressemblent pas ! Reste que le b.a-ba est d’apporter un cadre clair à ses collaborateurs. « La relation manager-managé repose sur un contrat moral mutuel qui est instauré et pour lequel chacun s’engage, pose le spécialiste en management et expert du Lab Ludovic Girodon. Si par la suite, le manager constate un dérapage, il pourra renvoyer son collaborateur aux termes de ce contrat moral. Poser un cadre, c’est le co-construire. C’est sans doute plus exigeant que d’imposer ses propres règles, mais c’est plus épanouissant pour tout le monde. » Mais en quoi marque employeur et management sont-ils liés vous demandez-vous peut-être ? En contribuant à un environnement de travail épanouissant pour leurs équipes, les managers jouent un rôle fort sur la culture d’entreprise, et l’image qui en est véhiculée. Sachant que 88% des jeunes employés estiment ce critère comme primordial pour être en phase avec leur entreprise, mieux vaut miser sur une vision plus humaine et positive du management pour attirer de nouvelles recrues et fidéliser celles en poste.

L’attitude à privilégier : les 4 qualités d’un « bon » manager selon Ludovic Girodon sont :

  • Se rendre disponible pour son équipe : en organisant des temps formels et informels avec ses employés pour échanger et prendre de la hauteur sur le quotidien.
  • Être en capacité d’insuffler de l’énergie à son équipe : en aidant ses collaborateurs à évoluer, se révéler, bref grandir à ses côtés.
  • Savoir connecter ses collaborateurs à leurs talents : autrement dit, permettre par son accompagnement de développer les forces de chacun.
  • Bien se connaître soi-même : grâce à sa remise en question, le manager est en capacité de connaître ses propres points forts et limites. Il n’a pas peur d’exprimer sa vulnérabilité.

4. Désavouer le concept d’équilibre des temps de vie

Ce qu’Elon pourrait dire : « Si à 35 ans on n’a pas fait un burn-out, c’est qu’on a quand même raté sa vie. »

Le faux pas qui tue : quand on fait de la productivité son crédo, de préférence au prix de longues heures de travail (voir premier faux pas), on a tout intérêt à garder ses collaborateurs sous sa coupe un maximum. C’est pourquoi Elon Musk a décidé de transformer une partie des espaces de travail du siège social de Twitter en dortoirs improvisés. Le but ? Permettre à ses salariés les plus investis de suivre le rythme imposé de 86 heures par semaine. Du zoom à l’oreiller, il n’y a désormais qu’un pas ! Toujours dans le même esprit, l’entrepreneur envisage la création de Snailbrook. Pas le nom d’une nouvelle fusée, mais celui d’une ville basée au Texas qui serait consacrée aux logements des employés de ses différentes entreprises.

Pourquoi votre marque employeur en prend un coup : le Covid a très largement rebattu les cartes du monde du travail. Avec un remote quasi-généralisé, de nombreux salariés ont goûté à la flexibilité comme vecteur d’un meilleur équilibre vie pro / perso. Expression imparfaite selon l’experte du Lab Sandra Fillaudeau : « “Équilibre vie pro / vie perso”, ça sous-entend que la vie pro et la vie perso sont deux entités, séparées, hermétiques. Or il y a la vie, point. Avec des composantes professionnelles, familiales, amicales, de couple, individuelles, etc. qui s’emmêlent, s’entrechoquent, se nourrissent, se répondent. » Mais cet équilibre se trouve néanmoins au cœur des préoccupations de nombreux travailleurs : 2 actifs sur 3 seraient ainsi prêts à changer de poste pour privilégier, en plus d’une meilleure rémunération, un équilibre personnel plus satisfaisant.
Forcément, moins de temps passé dans les transports ou à faire du présentéisme au bureau, c’est plus de moments pour soi, sa famille et ses amis. Seul hic : « Un décalage entre les propos et les intentions sincères des managers, et leurs comportements effectifs avec leurs équipes. Parce que oui, entre les intentions et les actes, il y a la réalité, composée de contraintes, de choses qui ne se passent pas comme prévu, d’urgences qui s’accumulent », explique encore Sandra. Aussi, si l’installation d’une salle de repos peut constituer un atout marque employeur fort, gage des attentes d’un nombre croissant de salariés (48% selon une étude JLL), celle-ci ne peut s’envisager comme un prétexte à travailler davantage et dénier à ses collaborateurs leur droit à une vie privée, loin du bureau.

L’attitude à privilégier : Sandra Fillaudeau propose 3 façons d’envisager sainement l’équilibre vie pro / perso de ses collaborateurs :

  • Repartir du besoin de son collaborateur ou de son équipe : et pas de celui qu’on imagine pour eux.
  • Travailler sa connaissance de soi pour identifier ses réactions-refuge : pour être en mesure de reconnaître ses propres changements d’attitude, en confrontation au stress notamment.
  • Offrir à ses collaborateurs un espace de sécurité psychologique : afin qu’ils puissent exposer en toute confiance leurs besoins et problématiques.

Si certains collaborateurs sont prêts à vivre une expérience au travail complexe pour décrocher la carte de visite d’une structure prestigieuse, celle-ci s’envisage rarement sur la durée. Être visionnaire, n’est-ce pas finalement savoir analyser et maîtriser les règles du jeu à mesure qu’elles évoluent, notamment en matière de gouvernance et de management ? L’avenir de Twitter nous le dira peut-être, mais sachant qu’une marque employeur positive augmente de 50% le nombre de candidatures très qualifiées, mieux vaut prendre le pli au plus vite. À moins de prendre le risque de tout perdre…

Article édité par Mélissa Darré et Ariane Picoche, photo par Thomas Decamps.

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