Laetitia Vitaud
Autrice et conférencière sur le futur du travail
Autrice et conférencière sur le futur du travail
Les télétravailleurs/télétravailleuses sont de manière générale plus exposé.e.s au stress et à l’anxiété que les autres salarié.e.s, et particulièrement en temps de crise. Voici les outils pour adapter sa communication et redoubler d’attention pour maintenir une sécurité émotionnelle nécessaire à un environnement de travail sécurisant et serein.
Le télétravail forcé, à temps plein, dans une situation d’incertitude extrême, ça n’est pas la même chose que le télétravail choisi, partiel, dans une situation normale. Presque du jour au lendemain, on a demandé à des millions de gens dont le travail consiste à être essentiellement devant un ordinateur, de travailler de chez eux/elles, confiné.e.s.
Rappelons qu’il s’agit de moins de la moitié des travailleurs, car l’essentiel des emplois (des femmes/hommes de ménage, infirmiers/infirmières, vendeurs/vendeuses, technicien.ne.s de maintenance, ou encore caissiers/caissières de supermarché) ne sont pas télétravaillables. Rappelons aussi que de nombreux travailleurs/travailleuses sont en chômage technique, partiel ou complet.
De plus, le télétravail en temps de guerre sanitaire se fait dans des conditions particulières. Il s’accompagne d’un stress important lié à une incertitude complète sur la durée de cette période d’exception et les conséquences sanitaires et économiques de la crise que nous vivons. Les employé.e.s concerné.e.s n’ont pas complètement la tête à travailler normalement. Enfin, les employé.e.s qui ont des enfants se trouvent dans la situation de devoir travailler, s’occuper de leurs enfants et préparer à manger dans la journée. À ma connaissance, il n’existe pas d’étude, de livre ou de rapport sur le télétravail qui tienne compte de ces conditions-là !
Il est remarquable que le sujet de la garde et de l’éducation des enfants, souvent tristement absent des questions de management, obtient avec cette crise la visibilité qu’il mérite. Travailler et élever des enfants sont en réalité toujours deux choses intimement liées. Les mesures prises pour endiguer la progression de l’épidémie de coronavirus présentent au moins cet avantage de rendre cette imbrication flagrante, pour les hommes autant que pour les femmes.
Si l’empathie est toujours nécessaire dans le management d’équipes dispersées (et non dispersées également) — voir notre ebook « Comment manager des équipes dispersées ? » — elle l’est d’autant plus dans cette période si particulière.
Cela fait déjà quelques semaines que l’on a transformé les gestes du quotidien, mis fin aux bises rituelles et aux poignées de main professionnelles. Mais avec un télétravail complet, ce sont tous les autres gestes et éléments de langage corporel dont on ne peut plus faire levier dans la communication. Or on le sait, la distance physique engendre des difficultés d’ordre émotionnel. Privée de l’apport (immense) du langage corporel, la communication est appauvrie. Elle engendre frustrations et incompréhensions.
Le bureau n’est pas qu’un lieu de travail, c’est aussi le terrain de jeu principal des créatures sociales que nous sommes. Il offre l’occasion de partager des rituels et de forger des liens humains. La dimension physique de ces relations est essentielle : nous en avons tous besoin pour conserver notre santé mentale. Autrement dit, 100% de télétravail, c’est une contrainte que l’on ne choisit que rarement par plaisir. On sait que cela présente des difficultés d’ordre émotionnel particulières.
La « crise du toucher » frappait déjà une partie grandissante de la population avant l’épidémie. Dans un bel article en anglais intitulé « No hugging : are we living through a crisis of touch », une journaliste du Guardian explique que nous subissons une disparition délétère de toute forme de relation physique (de toucher), dangereuse pour notre santé mentale. Parmi les personnes seules, beaucoup comptent exclusivement sur le travail pour combler leurs besoins émotionnels.
Une simple caresse d’un.e inconnu.e a le pouvoir de réduire fortement le sentiment d’exclusion social
Étude UCL, publiée dans Science Reports
Certes, les collègues ne sont pas une famille, mais les contacts physiques qui se produisent avec les collègues jouent néanmoins un rôle important pour notre santé, qu’il s’agisse des regards, des poignées de main, des bises régulières, des tapes sur l’épaule, ou des accolades. D’après des recherches de professeurs de University College London, « une simple caresse d’un inconnu a le pouvoir de réduire fortement le sentiment d’exclusion sociale. »
Privé.e.s des contacts avec leurs collègues et plongé.e.s dans une grande incertitude, les employé.e.s en télétravail forcé ont besoin d’une empathie supplémentaire de la part de leur manager. Isolé.e.s de leur équipe, ils/elles sont susceptibles de sentir seul.e.s, voire perdus.
et inspirez-vous de la vision et des conseils pratiques de managers aux styles différents.
En savoir plusTrois composantes jouent un rôle dans la communication : les mots, le ton et le langage corporel (en particulier, les expressions du visage). Les mots ont en réalité une importance relativement faible dans la communication, alors que le ton et le langage corporel jouent un rôle prédominant. Il y a plus de défaillances de communication quand on n’a que les mots (chats, emails) pour communiquer. À défaut de talents littéraires particuliers, il est en général plus difficile d’avoir une communication subtile (ironie, humour, implicite) à l’écrit.
Les emojis peuvent aider à remplacer les expressions du visage, mais les nuances qu’ils véhiculent restent limitées. Le/la destinataire du message s’interroge toujours sur le ton et l’état d’esprit de celui/celle qui en est à l’origine. Au pire, le/ la destinataire peut même développer une forme de paranoïa quand il/elle s’imagine que ses collègues ne l’apprécient pas, que son manager n’est pas content.e, voire que son emploi est menacé. Il est donc nécessaire de :
Les télétravailleurs/télétravailleuses en temps de crise sont plus exposé.e.s au stress et à l’anxiété. Ils/elles ne reçoivent plus tous ces petits signaux de leurs collègues qui les aident à développer un sentiment d’appartenance. En bref, ils/elles sont dans une situation d’insécurité émotionnelle. Et comme l’explique Daniel Coyle dans [The Culture Code], « la sécurité émotionnelle est le fondement même de la culture ».
La sécurité émotionnelle est habituellement générée par toutes ces petites interactions sociales du quotidien — échanges de regards, accolades, moments de partage. C’est pourquoi un surcroît d’empathie est nécessaire quand on est privé de ces interactions quotidiennes. Voici quelques manières de faire preuve de plus d’empathie :
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Photo by WTTJ
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