Le MBTI : un outil précieux pour la composition de vos équipes ?
20 févr. 2023
6min
Journaliste web
Utiliser un test de personnalité pour améliorer la qualité de vos recrutements et favoriser la cohésion d’équipe ? C’est la promesse faite par le modèle MBTI.
Connaître la personnalité d’un candidat avant qu’il n’intègre l’entreprise n’est pas chose facile : la fameuse question « Parlez-moi de vos qualités et de vos défauts » a fait son temps et se heurte à certaines limites, à commencer par le manque d’authenticité (« Ah oui, vous êtes un perfectionniste, vraiment ? »). Alors, comment éviter la langue de bois et aller plus loin ? Parmi les solutions à disposition, vous pouvez faire passer un test de personnalité aux postulants – avec leur accord. Optez par exemple pour la méthode MBTI (Myers Briggs Type Indicator), qui fait partie des outils les plus répandus et les plus plébiscités dans le monde RH. En quoi consiste-t-elle, et comment l’utiliser dans vos process de recrutement sans commettre d’impair ? Pour répondre à ces questions, nous sommes partis à la rencontre de Victoria Codfert, formatrice et coach RH certifiée MBTI.
Test MBTI : une origine qui remonte aux années 20
Le test MBTI ne date pas d’hier. Dès la première moitié du XXe siècle, le célèbre psychiatre suisse Carl Gustav Jung s’intéresse au fonctionnement psychologique des individus, et développe une théorie selon laquelle nos traits de personnalité peuvent influer sur nos comportements et nos prises de décision.
En 1921, Jung publie l’ouvrage Les types psychologiques, dans lequel il expose 4 grandes fonctions psychologiques chez l’être humain : la sensation (S pour Sensation), la pensée (T pour Thinking), le sentiment (F pour Feeling) et l’intuition (N pour iNtuition). Selon lui, chacun d’entre nous aurait des facultés plus ou moins développées dans ces 4 grandes fonctions, qui vont de pair avec notre nature Introvertie (I) ou Extravertie (E), permettant ainsi de dégager 8 types de personnalité (ENP, ISJ, IFP, ITP…).
Dans les années 60, Isabel Briggs Myers et Katherine Cook Briggs reprennent la typologie jungienne mais décident d’y ajouter une autre fonction psychologique : l’organisation. Une personne ordonnée et réfléchie sera dénommée Judge (J) tandis qu’une personne « Perceiving » (P) privilégiera un mode de vie plus souple et moins planifié. Ce test d’évaluation, désormais connu sous le nom de Myers Briggs Type Indicator (MBTI), comptabilise à ce jour 16 types de personnalités.
Zoom sur les 16 types de personnalité du modèle MBTI
Le MBTI est davantage un « indicateur » qu’un « test », car il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses. Il consiste à remplir un questionnaire d’environ 15-20 minutes, lequel contient un minimum de 88 questions. Celles-ci visent à mieux comprendre votre attitude dans certaines situations sociales, votre organisation au travail, vos valeurs, vos priorités, votre tempérament, etc. « On a l’impression que c’est assez réducteur, et pourtant, c’est une méthodologie puissante qui se base sur les travaux de Carl Jung », rappelle Victoria Codfert.
Selon les réponses que vous apportez au questionnaire, on vous attribue 4 lettres qui correspondent à l’un des 16 types de personnalités MBTI.
Chaque lettre correspond à une fonction psychologique. Prenons l’exemple du INTJ :
- I (Introversion) : le caractère introverti d’un INTJ le rend discret et réservé.
- N (iNtuition) : l’intuition se manifeste par une perception plus abstraite que concrète du monde, du fait que le INTJ s’attarde sur la vision globale d’une chose plutôt que sur ses détails.
- T (Thinking) : le INTJ est une personne rationnelle. Il prend des décisions basées sur la logique sans se laisser influencer par ses émotions.
- J (Judgment) : il aime planifier et prévoir les choses.
L’association de ces 4 lettres va déterminer les caractéristiques globales de la personnalité d’un individu. Certains types sont plus répandus que d’autres : 13 % des répondants sont des ISFJ, tandis qu’ils ne sont que 1 % à être INFJ.
Le MBTI étant une marque déposée par la fondation Myers Briggs, seuls des praticiens certifiés peuvent faire passer le test officiel. Il existe néanmoins de nombreux questionnaires gratuits en ligne qui permettent de déterminer son profil MBTI, bien que la fiabilité des résultats ne soit pas garantie.
Comment utiliser le MBTI pour optimiser vos recrutements ?
Selon The Myers-Briggs Company (anciennement OPP), qui détient les droits d’utilisation du questionnaire en Europe, le questionnaire MBTI « permet d’identifier les préférences en matière de leadership et de communication ». Il est donc utile lors de la phase de recrutement, et ce pour plusieurs raisons…
Trouver des candidats qui partagent vos valeurs
Les valeurs qui constituent l’ADN de votre entreprise doivent être partagées par l’ensemble de vos collaborateurs. La compatibilité au niveau de la culture organisationnelle favorise le bien-être et l’adhésion des équipes aux méthodes de travail. En tant que recruteur, vous pouvez faire passer le questionnaire MBTI à un candidat pour vous assurer que ses valeurs correspondent aux vôtres, et donc que son intégration au sein de l’entreprise se déroulera dans de bonnes conditions. Par exemple, un profil ENFJ étant du type idéaliste, il a des valeurs fortes et a besoin d’un environnement avec beaucoup d’empathie ; tandis que la rationalité d’un INTP le rend plus détaché d’un point de vue émotionnel, ce qui lui permet de s’adapter plus facilement à une entreprise orientée vers la performance.
Comprendre les préférences de travail des candidats
Le MBTI peut également être utilisé pour comprendre les préférences de travail des candidats, telles que leur style de communication, leur approche de la résolution de problèmes et leur mode de pensée. Pour le recruteur, le challenge est de réussir à trouver un candidat qui s’épanouisse dans son futur environnement de travail. Vous aurez beau dénicher LA commerciale avec des résultats de vente qui feraient rougir Joe Girard, si le poste que vous proposez ne correspond pas à ses préférences de travail, ce serait comme jeter un poisson d’eau douce dans une mer salée. On sait par exemple que les INTP sont plus performants lorsqu’ils peuvent travailler en autonomie, alors que les ENFJ adorent le travail d’équipe.
Identifier les forces et les faiblesses des candidats
Il suffit d’avoir un tout petit peu d’expérience en recrutement pour savoir que les candidats ont du mal à révéler leurs véritables points forts et points faibles en entretien, par peur d’être jugé et par manque de connaissance de soi (bonjour l’effet Dunning Kruger). Faire passer le test MBTI peut compléter la question : « Quelles sont vos qualités et vos défauts ? ». Les résultats du questionnaire sont à prendre avec des pincettes, bien sûr (n’allez pas éliminer un candidat parce que son profil indique une tendance à refuser l’autorité !). Servez-vous-en plutôt pour orienter vos entretiens. Par exemple, si le type de personnalité MBTI indique un problème avec l’autorité, n’hésitez pas à l’interroger à ce sujet : « Quelle attitude avez-vous face à un ordre qui ne vous semble pas justifié ? Êtes-vous à l’aise à l’idée d’être encadré par une personne plus jeune que vous ? Préférez-vous fixer vos propres objectifs ou vous faire aider ? ».
Recrutement MBTI : les 3 erreurs à éviter
Erreur n°1 : tomber dans le piège du biais de similarité
« Il ne faut pas tomber dans l’erreur de recruter celui qui nous ressemble », alerte Victoria. Par exemple, si vous êtes ENTP, l’erreur serait de ne recruter que des ENTP. « Il faut plutôt s’en servir pour valoriser les différences, mieux comprendre comment fonctionne une personne et surtout, apporter de la diversité et de la coloration à une équipe », ajoute Victoria. Le modèle MBTI est donc davantage un outil favorisant la cohésion et la complémentarité des profils au sein d’une équipe de travail.
Erreur n°2 : utiliser le MBTI sans certification
« Il faut respecter les choses dans les règles de l’art. Il y a beaucoup de gens qui se permettent de faire des MBTI sauvages alors qu’ils ne sont pas certifiés », se désole Victoria. Une mauvaise compréhension de la philosophie MBTI et un manque de formation sur le sujet peut mener à utiliser cette méthode comme un outil discriminatoire. Certaines personnes se servent du MBTI « pour être dans un jugement et se permettre de tirer des conclusions hâtives, ce que j’appelle des interprétations sauvages », déplore Victoria. Il n’est pas rare de voir des recruteurs refuser d’embaucher un candidat en raison des préjugés qu’ils ont sur cette personne. Il est donc préférable de s’appuyer sur le modèle MBTI pour confirmer la compatibilité d’un candidat avec une équipe et un projet à la fin du processus de recrutement, plutôt que de s’en servir pour évaluer et catégoriser un être humain.
Erreur n°3 : garder le secret
Un recruteur n’a pas le droit de faire passer un test MBTI à un candidat sans son consentement. « Légalement, on ne peut pas se permettre de faire passer un test MBTI sauvage à la personne », souligne Victoria. Le candidat doit préalablement accepter d’être soumis à ce questionnaire. S’il refuse, ne lui en tenez pas rigueur, il a probablement peur d’être mis dans une case. Vous pouvez tenter de le rassurer en lui expliquant que les réponses au test MBTI ne seront pas utilisées comme un critère éliminatoire, mais seulement comme un outil pour mieux cerner sa personnalité. « En aucun cas il ne doit être utilisé comme un critère de discrimination lors des premiers entretiens », prévient Victoria.
Pour conclure, elle rappelle que « ces outils de développement personnel ne sont pas des gadgets. Ils permettent d’améliorer la productivité et l’efficience des collaborateurs, mais aussi d’identifier les préférences en matière de leadership d’un candidat ». Attention toutefois à l’utiliser à bon escient : faites-en une aide au recrutement plutôt qu’un outil strictement sélectif. Et prenez du recul sur les résultats pour ne pas « labelliser » trop vite une personne qui, finalement, pourrait bien vous surprendre.
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Article édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ
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