Du grand groupe à la startup : histoire d'un switch réussi

19 juil. 2017

6min

Du grand groupe à la startup : histoire d'un switch réussi
auteur.e
Sophie

Journaliste - rédactrice

Passer d’un poste de Chef de produit chez l’Oréal à un job dans une start-up où tout reste encore à faire. Alice l’a fait. Aujourd’hui, responsable partenariat et marketing chez Tudigo (anciennement Bulb in Town, plateforme de financement participatif locale, Alice a un jour décidé de « switcher ».

À l’heure où 91% des salariés ne se sentent pas engagés dans leur travail, la tendance du switch est justement en train de faire de plus en plus d’adeptes. Mais comment switcher? Comment passer d’un grand groupe à une start-up ? Quelles sont les grandes difficultés et les bonnes questions à se poser? Et surtout comment avoir le fameux déclic?

Travail, nouvelle définition

Le travail, depuis la deuxième moitié du XXe siècle, est synonyme d’emploi salarié, de CDI et de temps plein. Mais aujourd’hui de nouvelles définitions apparaissent, imaginées par une génération qui souhaite redonner du sens à sa manière de travailler. Pour cette génération (70% des switcheurs ont entre 28 et 40 ans), un bon job, ce n’est plus un bon salaire et un plan de carrière à cinq ans mais plutôt la recherche d’un équilibre vie pro / vie perso et surtout le partage de valeurs communes avec son entreprise.

Exit les parcours tout tracés. Les carrières linéaires laissent désormais place à des chemins plus singuliers. L’idée étant de multiplier les expériences. Comme un clin d’oeil à l’étymologie du mot « travail » dont le préfixe « tra » exprime le mouvement, la notion de passage. Switcher, c’est ça. C’est changer, permuter. C’est inventer de nouvelles façons de travailler. C’est donner du sens. C’est essayer, tester, expérimenter. C’est se reconvertir pour mieux s’épanouir.

Le switch : pour qui, pourquoi, comment ?

Forte de ce constat, la start-up Switch Collective s’est d’ailleurs lancée le défi d’aider tous ceux qui ne se retrouvent plus dans leur job à inventer le parcours qui leur correspond vraiment via un bilan sur-mesure et des formations collectives. Pour Alice aussi, tout a commencé par un bilan. Une question plutôt. « Une amie m’a dit un jour : trouve ce que tu fais naturellement bien, avec plaisir ; puis trouve le moyen de le faire dans ton travail au quotidien. » Prendre le temps de se poser les bonnes questions, prendre de la hauteur aussi. Pour mieux se demander ce que l’on a envie de faire.

Déterminer ses aspirations donc sans pour autant poser sa démission. Car même si la majorité des switcheurs se lance dans l’entrepreneuriat, devient free-lance ou intègre une start-up, certains changent simplement de poste dans la même boîte. On appelle cela le switch corporate. Switcher c’est d’abord encourager le désir, l’énergie, le mouvement, la prise de risque, la liberté aussi. Tous les virages ne sont pas radicaux mais tous résultent de ce besoin de renouvellement. Mais comment savoir ce dont on a vraiment envie ? Comment avoir ce fameux déclic ? Eléments de réponse avec Alice qui ne regrette pas une seconde son changement de vie.

Déclic pour changer de vie

Après trois ans passés chez l’Oréal, Alice se pose elle aussi beaucoup de questions. Les process, la hiérarchie, le rythme de travail, la difficulté d’y trouver un sens, commencent à la faire douter. Au même moment, elle découvre l’écosystème entrepreneurial, entreprend des lectures sur le sujet et participe à de nombreux événements. « Je me souviens d’un événement en particulier : un start-up week-end à Madrid, où une entrepreneuse a démarré sa conférence par cette phrase : « Start from suffering ». Ce discours a fait écho à mon envie. Une sorte de déclic : trouver un point de “souffrance” dans ma vie quotidienne et monter un projet qui y apporte une réponse. Je me rappelle m’être dit que l’année 2016 serait celle d’un nouveau challenge professionnel. Cela me laissait 6 mois pour trouver ma voie. »

Pour Alice, le plus important est alors de prendre le temps de la réflexion. Tester d’autres voies, passer des entretiens et même envisager de lancer sa boîte, Friendly Neighbours, un réseau social de voisinage. Tout ça en parallèle de son poste chez L’Oréal, soirs et week-ends. « Je continuais bien sûr d’être sérieuse et appliquée au bureau mais je sentais que je prenais plus de plaisir à travailler sur ce « side-project » autour du bien-vivre ensemble, qui me passionnait ! J’ai sollicité beaucoup de personnes à l’époque, amis lointains, amis d’amis. __Tous ont répondu présents et m’ont aidée dans mon cheminement. J’ai aussi sollicité mes amis proches et d’anciens collègues/maîtresses de stage pour savoir ce qui était, selon eux, mes plus grandes forces. ».

Un jour, une amie lui parle de Bulb in Town et lui propose de rencontrer l’équipe. Le vrai déclic, c’est d’ailleurs cette rencontre. C’est ce coup de coeur pour le projet & pour Alexandre et Stéphane, les co-fondateurs. C’est leur confiance et leur bienveillance aussi. Alice se souvient encore de ses entretiens. « J’ai senti qu’ils étaient prêts à me laisser une place et qu’ils étaient ravis que je rejoigne l’aventure. J’ai senti aussi qu’on était complémentaires et que j’allais apprendre beaucoup avec eux. Je me suis très vite projetée à leurs côtés et j’ai tout de suite su que j’avais trouvé mon nouveau projet ! ».

Grand groupe vs start-up

Depuis novembre 2015, Alice a donc rejoint l’aventure Bulb in Town et nous livre avec lucidité les plus et les moins de son expérience en grand groupe et en start-up.

Grand groupe

Les plus : « _Avec du recul, un des avantages majeurs quand on travaille en grand groupe, c’est la formation. C’est une école incroyable qui t’apprend les bonnes méthodes et te donne les bons outils. Il y a aussi le fait d’avoir une hiérarchie exigeante qui te sollicite au quotidien avec des projets ambitieux et des budgets importants, les possibilités d’évolution, les conditions matérielles confortables. Et puis, on y fait de belles rencontres (rires). _»

Les moins : _« J_e dirais la lenteur de prise de décision, le manque d’agilité et de flexibilité dans la façon de travailler. »

Start-up

Les plus : « _Le vrai avantage, c’est la souplesse et l’agilité, pour proposer, mettre en place, tester et ajuster. Tout va plus vite. Fini le besoin d’attendre la validation de tes N+2 ou d’attendre 18 mois pour voir tes projets aboutir. Contrairement au grand groupe, tes actions ont un impact direct comme par exemple lorsque j’ai convaincu un chocolatier de Besançon de mettre son projet sur Bulb in Town et qu’il a atteint son objectif de collecte grâce à l’aide de son coach Bulb. C’était une vraie fierté. Chez Bulb in Town, ce que j’apprécie beaucoup aussi c’est la transparence, tout le monde est au courant des actualités et a une vision globale du projet. Tout le monde partage et ça fait une vraie différence. Enfin, et ça c’est spécifique à mon poste, je me déplace dans toute la France ! Une ville différente chaque semaine, pour former nos partenaires et rencontrer leurs porteurs de projet. En septembre dernier, au retour de mes vacances, j’étais vraiment impatiente de retourner travailler. Je pensais pas que ça pouvait arriver ! Je suis la seule de mes amis à être heureuse de rentrer de vacances, et ça, ça n’a pas de prix ! _»

Les moins : Je dirais le salaire bien sûr, que j’ai personnellement divisé par deux (mais je ne le regrette pas !). Et l’exemple aussi. Chez L’Oréal, j’avais une directrice générale très inspirante, qui avait beaucoup d’expérience. Ici, c’est plus transversal, mais nos compétences sont si différentes que j’adore apprendre auprès de mes collègues. »

Quitter un grand groupe pour une start-up ? Alice le recommande bien sûr à 100% mais conseiller de bien réfléchir aux valeurs portées par la start-up car il faut qu’elles correspondent à la personne, elles aussi, à 100% ! Aujourd’hui, Alice a la chance de s’épanouir dans un projet qui a du sens et a réussi à trouver l’équilibre entre ses aspirations professionnelles et son engagement personnel. Alice, c’est un concentré d’optimisme qui n’est pas sans rappeler le personnage d’Alice au Pays des Merveilles et sa fameuse citation: « mais alors, dit Alice, si le monde n’a absolument aucun sens, qui nous empêche d’en inventer un ? ». Même prénom, même conviction.

Les 5 conseils d’Alice pour réussir son switch

1. Acheter son (joli) carnet, outil indispensable pour y noter, au fil de l’eau, toutes vos réflexions, échanges, idées

Vous pourrez par exemple y mettre :

  • Le portrait robot de votre job idéal, en combinant un aspect du métier de 5 à 10 personnes qui vous entourent, en écrivant pourquoi cet aspect vous plaît particulièrement
  • Tout ce qui, aujourd’hui dans votre job, ne vous plaît pas du tout et que vous ne souhaitez pas retrouver dans le prochain
  • Lister les sujets qui vous tiennent à coeur et pour lesquels vous aimereriez “oeuvrer”, faire bouger les lignes

2. S’inspirer par la lecture

Par exemple :

  • Crée le job de vos rêves et la vie qui va avec - Alexis Botaya
  • Back Pack - Se préparer à l’aventure entrepreuneurale - Maddyness
  • Lean start-up - Eric Ries
  • Strengths Finder 2.0 from Gallup
  • Voler comme un artiste - Austin Kleon, 10 secrets bien gardés sur la créativité
  • Partager comme un artiste - Austin Kleon, 10 façons de révéler sa créativité et de se faire remarquer
  • _Let my people go surfing - _Yvon Chouinard, fondateur de Patagonia
  • Demain et après - Cyril Dion
  • 3 kifs par jour - Florence Servan Schreibe

3. S’abonner à des newsletters

4. Faire des rencontres

Contacter sur Linkedin, Facebook ou via des copains de copains des gens travaillant dans les secteurs identifiés comme motivants et porteurs de sens ou sur des missions qui vous attirent.

5. Etre patient

  • Se rendre compte de ses talents, de ses valeurs, de ses envies prend du temps !
  • Les choses se préciseront au fil des lectures, des échanges et je vous assure : vous ne serez pas déçu(e) du voyage !

Photo by WTTJ @Tudigo