Rapport d'étonnement : tout ce qu'un nouveau collaborateur peut vous apprendre

Jan 04, 2024

5 mins

Rapport d'étonnement : tout ce qu'un nouveau collaborateur peut vous apprendre
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Laure Girardot

Rédactrice indépendante.

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Lors de la phase d'onboarding, le rapport d'étonnement est un formidable outil pour récolter les premières impressions d'un nouveau collaborateur, concernant notamment le fonctionnement de l'entreprise. Bien utilisé, il propose aussi (et surtout) une expérience d'intégration immersive et jette les bases d'une collaboration fructueuse.

Le rapport d’étonnement revêt différentes définitions. Selon Marie-Sophie Zambeaux, fondatrice du cabinet ReThinkRH et experte du Lab, « il consiste à solliciter l’avis d’un salarié sur l’organisation, principalement lorsqu’il vient de rejoindre l’entreprise ou lors d’une mobilité, par exemple ». L’objectif de ce document est de recueillir les impressions de la personne quant à l’entreprise, son arrivée, son intégration, l’ambiance et l’environnement de travail. En effet, ce retour, doté d’un regard neuf sur la structure, ses outils, ses processus et ses rituels, est d’une grande valeur pour l’organisation. S’il est bien compris et exploité, il génère un bénéfice adjacent : le ressenti de la personne étant pris en considération par l’entreprise, cela en fait un levier d’engagement.

Solal Botbol, CEO et fondateur de l’entreprise Beev, l’a mis en place très tôt pendant l’onboarding de ses collaborateurs : « Nous accordons une importance capitale à l’innovation : dès l’arrivée d’un membre dans l’équipe, en fonction du poste, il doit réaliser un rapport d’étonnement entre 48 heures et une semaine. Intégrer un nouveau regard sur nos équipes, nos activités et nos produits est essentiel. » Le dirigeant y voit un moyen de rythmer la période d’intégration. C’est aussi une manière de garantir une expérience professionnelle enrichissante, tant pour les nouveaux arrivants que pour les équipes. Cette vision est partagée par Damien Guillet, product manager senior au sein de Beev, qui a récemment réalisé son rapport d’étonnement : « J’ai pu identifier ce qui se passait de bien, mais aussi m’exprimer sur ce qui peut être amélioré pour l’entreprise. Cela facilite vraiment l’intégration. » Comment alors créer un rapport d’étonnement à la fois engageant et utile pour l’entreprise ?

La méthode clé-en-main du rapport d’étonnement

Conseil n°1 : le prérequis, carte sur table dès le jour J

Ludovic Girodon, expert du Lab et auteur du best-seller Dream Team (2019), souligne la nécessité d’expliquer la vocation du rapport d’étonnement dans le processus d’onboarding dès le premier jour. Afin d’atteindre cet objectif, il est essentiel de fournir des consignes précises sur ce qui est attendu. Marie-Sophie Zambeaux propose un template d’explications à remettre au nouvel entrant. « Le rapport d’étonnement vise à recueillir vos premières impressions dès votre arrivée. Partagez librement vos surprises, doutes, idées, satisfactions et déstabilisations de manière constructive et précise », recommande-t-elle.

Conseil n°2 : l’indispensable égalité de traitement

Ludovic Girodon met en garde sur un point : « Tout nouvel arrivant doit réaliser ce rapport d’étonnement, du stagiaire au C-level, afin de limiter les freins ou les mauvaises interprétations. Surtout, cette approche systématique et égalitaire renforce la culture du feedback à tous les niveaux. » Cependant, il est essentiel d’éviter l’uniformité. L’adaptation du contenu en fonction du poste, de la fonction, de la direction ou du statut (stage, alternance, CDI) s’avère pertinente. Et les destinataires ? « Traditionnellement, le rapport est remis au N+1 du salarié et transmis à la DRH, voire au dirigeant dans les petites structures », explique Marie-Sophie Zambeaux.

Conseil n°3 : l’importance du bon timing

Marie-Sophie Zambeaux propose une approche « journal de bord », afin de garder une trace de l’ensemble des ressentis. « Dès le premier jour, une trame papier peut lui être remise pour que le salarié puisse noter tout de suite et à chaud ses premières impressions au fur et à mesure », explique-t-elle. Ensuite, le journal de bord devra être rendu idéalement dans un délai d’un mois à la fin de la période d’essai, dont la durée varie en fonction du statut : « Au plus tôt à un mois pour qu’il y ait suffisamment de matière à évaluer et analyser. Au plus tard avant 3 mois car après, le collaborateur, habitué au fonctionnement de l’organisation, sera moins en mesure d’apporter son regard neuf et frais. »

Conseil n°4 : le recours à un format mixte

Il est possible de mixer les approches pour plus d’impact. « On peut proposer une première version sous la forme d’un journal de bord. Ensuite, une version plus complète et aboutie via un format plus formel, telle qu’un formulaire à compléter en ligne par exemple », souligne Marie-Sophie Zambeaux. Ludovic Girodon insiste sur l’importance de préparer une trame pour standardiser la pratique et maintenir un niveau d’exigence homogène : « C’est un moyen d’éradiquer le syndrome de la page blanche ! » Une autre recommandation pour augmenter l’adoption : lui trouver un nom afin de rendre l’exercice plus attractif. À titre d’exemple, au sein de Doctolib, on le dénomme « Fresh Eyes Report ».

Conseil n°5 : la restitution et son exploitation

Faut-il faire passer un grand oral ou mener uniquement une restitution écrite ? Pourquoi ne pas opter pour une approche complémentaire ? « Un document formalisé et complété en ligne est nécessaire pour provoquer un échange entre le collaborateur et son manager. L’objectif est de générer une conversation pour comprendre les points évoqués et trouver des solutions communes », souligne Marie-Sophie Zambeaux.

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Nos questions incontournables pour bâtir votre trame

Marie-Sophie Zambeaux et Ludovic Girodon recommandent une approche structurée pour obtenir des informations inédites, en se concentrant particulièrement sur des moments cruciaux tels que le recrutement.

Les grandes parties et les questions clés sont les suivantes :

Processus de recrutement

  1. Quel est votre ressenti global sur votre recrutement au sein de l’entreprise ?
  2. Qu’avez-vous pensé du processus de recrutement ?
  3. Avec une note de 1 à 5, qualifieriez-vous le processus de recrutement de professionnel ? d’objectif ? d’équitable ?
  4. Avez-vous des idées pour améliorer le processus de recrutement ?
  5. La description du poste est-elle fidèle à la réalité ?
  6. Y a-t-il des décalages perçus et si oui, lesquels ? Comment les corriger selon vous ?

Processus de pré-boarding et d’onboarding

  1. Un lien a-t-il été maintenu entre l’acceptation de la proposition d’embauche et la prise de fonction ?
  2. Qu’avez-vous pensé de ce pré-boarding ?
  3. Qu’est-ce qui vous a le plus surpris à votre arrivée dans l’entreprise ?
  4. Estimez-vous avoir été suffisamment accompagné lors de votre premier jour ?
  5. Qu’est-ce qui vous a manqué durant votre intégration ?
  6. Avez-vous eu toutes les informations nécessaires à votre prise de poste ?
  7. Quel est le principal challenge que vous avez identifié dans votre job ?

Conditions de travail et qualité de l’environnement de travail

  1. Disposez-vous de tous les outils de travail dont vous avez besoin pour assurer vos missions ?
  2. Avez-vous des remarques sur la charge de travail ?
  3. Que pensez-vous de l’offre de restauration ?
  4. Que pensez-vous des locaux ?

Culture & valeurs d’entreprise

  1. L’image que vous aviez de l’entreprise avant de l’intégrer est-elle en adéquation avec l’image que vous vous en faites aujourd’hui ?
  2. Si vous deviez résumer l’entreprise en un mot, quel serait-il et pourquoi ?

Relations inter-collaborateurs

  1. Dans les relations interpersonnelles, qu’est-ce qui vous a étonné ?
  2. Quelle est, de votre point de vue, la principale force de l’équipe ?
  3. Si vous deviez ajouter ou changer un aspect dans l’organisation ou le fonctionnement de l’équipe, quel serait-il ?
  4. Qu’est ce qui vous surprend le plus dans la relation avec votre manager ?

Un champ libre est également indispensable : le salarié doit pouvoir évoquer tout sujet important à ses yeux.

4 écueils du rapport d’étonnement à éviter

Écueil n°1 : données de pacotille

« Les données du rapport d’étonnement sont souvent des informations qui dorment dans un outil. Ce qui est un énorme gâchis », souligne Marie-Sophie Zambeaux. En effet, le traitement des données est tout l’intérêt de ce type de questionnaire. Le faire remplir en ligne permet de consolider de la data et de la traiter, pourquoi pas via une IA, afin de mener des actions correctives.

Écueil n°2 : parle à ma main

Côté salarié, si la personne a passé du temps à rédiger son rapport d’étonnement, l’entreprise doit être à l’écoute et prendre acte de ses retours. La recommandation de Ludovic Girodon ? Proposer à la nouvelle recrue, si ça l’intéresse, de prendre en main l’un des sujets et de le porter en interne.

Écueil n°3 : insécurité psychologique

Est-ce que l’environnement de travail permet à la personne de s’exprimer librement ? Il faut s’interroger sur la capacité des managers et des équipes RH à recevoir du feedback constructif. Sans cela, le risque est celui de l’autocensure de la part du salarié ce qui rend l’exercice vain ou pipé.

Écueil n°4 : anonymat… ou pas ?

« L’anonymat permettrait une plus grande liberté… mais le manager et le salarié seraient privés des échanges », conclût Marie-Sophie Zambeaux. De même, peut-on vraiment garantir l’anonymat dans le cadre d’un rapport d’étonnement ?

Article édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.