Des recruteurs nous racontent leur pire entretien d’embauche

19 oct. 2023

7min

Des recruteurs nous racontent leur pire entretien d’embauche
auteur.e
Sarah Torné

Rédactrice & Copywriter B2B

contributeur.e

Dans la salle d'entretien, les destins se croisent, les attentes s'affrontent, et parfois... On se retrouve contre son gré aux premières loges d’un sketch pas toujours comique.

Qu’il s’agisse d’un candidat qui se présente avec son chat, d’un autre arrivant un peu trop “ému” par un verre (ou cinq) de trop avant l’entretien d’embauche, ou encore d’un candidat essayant désespérément de se souvenir du poste pour lequel il postule, chaque recruteur a sa petite collection d’anecdotes savoureuses. Et avant de trouver le bon candidat, ces derniers connaissent également des moments de flottement, parfois gênants ou drôles, qui cachent une opportunité d’apprendre, de grandir et de réfléchir sur la manière de faire bonne impression en recherche d’emploi. Petit tour d’horizon des situations les plus cocasses en entretien d’embauche vécues par des recruteurs.

« Sa passion pour son chat a surpassé son désir pour le poste » Éleonore, 31 ans, Recruteuse

Il y a des entretiens qu’on ne peut tout simplement pas oublier. Celui-ci a commencé par un échange téléphonique des plus ordinaires. La première prise de contact avec le candidat avait été impeccable. Sa voix confiante, son parcours impressionnant et son enthousiasme pour le rôle m’ont convaincus de le rencontrer rapidement.

Le jour de l’entretien, je pense rencontrer un candidat sérieux, peut-être même un brin formel. Je ne m’attends absolument pas à le voir arriver accompagné, encore moins de son chat. C’est une première pour moi. Jamais un candidat n’a osé amener un animal en entretien, encore moins un chat en laisse ! Je lui dis : « Je vois que nous avons un candidat supplémentaire pour le poste ? » Avec un air gêné, il m’explique qu’il n’a trouvé personne pour veiller sur son chat ce jour-là, et ajoute qu’il a horreur de la solitude. Plutôt amadoué par la petite bête, je décide de poursuivre l’entretien dans ces conditions.

Tout au long de notre échange, le chat se promène dans la pièce. Si cela semble rassurant pour le candidat, ça le distrait également. À mesure que l’entretien progresse, son manque d’attention est flagrant. Lorsque je pose des questions sur ses expériences professionnelles, il répond souvent de manière évasive, revient sur des points qu’il a déjà abordés, ou s’interrompt pour caresser son chat. À plusieurs reprises, il semble perdre le fil de ses idées, me demande de répéter la question. Le chat, bien qu’adorable, est clairement une source de distraction. Chaque mouvement de sa part entraîne un regard distrait ou une interruption dans la réponse du candidat.

Le summum est atteint lorsque vient le moment pour lui de poser des questions. Au lieu de parler de ses perspectives d’évolution ou de la culture d’entreprise, il me demande en premier quelle est la politique de l’entreprise vis-à-vis des animaux.

Bien qu’il ait été compétent sur le papier, il n’a malheureusement pas été retenu. Il aurait vraiment dû montrer plus de professionnalisme et, à mon avis, de transparence. S’il m’avait expliqué d’emblée qu’il était stressé par l’entretien et qu’il avait amené son chat pour le rassurer, j’aurais été plus compréhensive. Malheureusement, au lieu de cela, j’ai assisté à une distraction constante tout au long de l’entretien. Selon moi, un entretien réussi repose sur l’interaction et l’intérêt porté au poste, plus que sur un CV impressionnant. Sa passion pour son chat a surpassé son désir pour le poste.

« Elle est venue à l’entretien en pleine gastro-entérite » Pauline, 34 ans, Recruteuse Freelance

Lorsque cette candidate est arrivée, je l’ai tout de suite remarquée : le teint blafard, des cernes prononcés et une démarche légèrement hésitante. Durant l’entretien, elle semblait lutter pour maintenir sa concentration, tout en essayant de répondre au mieux à mes questions.

Elle a fait de son mieux pour gérer l’entretien. Malheureusement, à un moment donné, elle s’est excusée précipitamment et a dû interrompre notre discussion pour se rendre aux toilettes. Lorsqu’elle est revenue, le visage encore plus pâle, elle m’a avoué, avec une certaine gêne, qu’elle avait une gastro-entérite aiguë, mais qu’elle n’avait pas osé annuler l’entretien.

Son engagement était touchant, mais il me semble que, parfois, il est bon de reconnaître ses limites et d’accepter que ça arrive à tout le monde d’être malade.

Malgré cette mésaventure, j’ai vraiment beaucoup apprécié son profil pour le poste. Après notre entretien, j’ai vraiment poussé sa candidature auprès de la manager. Malheureusement, malgré toutes ses qualités, son niveau d’anglais n’était tout simplement pas suffisant pour le rôle que nous avions à pourvoir. Quelques semaines plus tard, j’ai découvert qu’elle avait été embauchée par un de nos concurrents pour un poste identique.

La leçon à retenir, c’est d’abord d’écouter son corps : si vous êtes malade ou indisposé, il est préférable de reporter l’entretien. Les recruteurs comprendront et apprécieront votre honnêteté. La première impression compte, mais ce n’est pas tout : si un entretien ne se passe pas comme prévu, ne vous découragez pas. Votre personnalité, votre engagement et votre sincérité peuvent toujours faire pencher la balance en votre faveur. Enfin, la persévérance est la clé. Même si une opportunité ne se concrétise pas, continuez à postuler et à croire en vous. Chaque entretien est une expérience d’apprentissage.

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« Il était manifestement ivre » Clara, 28 ans, Talent Acquisition Manager

Un matin de juillet, je me suis retrouvée à mener un entretien qui sortait clairement de l’ordinaire. Je recrute depuis plusieurs années des profils commerciaux et digitaux, et récemment, je me suis aventurée dans le monde des profils tech. Ce jour-là, j’assiste une collègue dans la recherche d’un développeur Python. Je déniche le candidat idéal, enfin… sur le papier. Notre pré-qualification se passe sans accroc, tous les voyants sont au vert. Je décide donc d’organiser un entretien en visio pour en savoir plus. Sachant que le jargon tech est un univers en soi, je demande à ma collègue de me rejoindre pour cet entretien. Je parviens à obtenir 45 minutes de son temps précieux, la convainquant que ce candidat est vraiment prometteur.

À l’ouverture de la visio, je remarque immédiatement un comportement étrange chez le candidat. À chaque question un peu complexe, il s’embrouille, perd le fil de ses idées. Son discours est lent, incohérent… bref, il est manifestement ivre. L’atmosphère devient vite pesante. Je tente de conclure l’entretien en douceur pour ne pas le vexer.

Évidemment, nous décidons de ne pas proposer ce candidat à notre client. Comment pouvait-il être ivre un jour de semaine, à 10h30 ? Cela soulevait trop de questions. Même s’il avait le potentiel d’être un excellent recrutement, la première impression est cruciale. Je lui ai finalement dit que le poste avait été pourvu, car comment évoquer le véritable motif de notre refus ?

« Nous nous sommes retrouvées face à face, sur un parking, en pleine alarme incendie » Pauline, 34 ans, Recruteuse Freelance

Ce jour-là, je devais rencontrer une candidate pour un poste de contrôleur de gestion. L’entretien se déroule parfaitement. La candidate est en pleine présentation de son profil lorsque soudain, l’alarme incendie retentit. Ce n’est qu’un exercice, mais les règles étant les règles, nous avons dû évacuer les locaux et rejoindre le point de rassemblement… sur le parking.

L’exercice s’est éternisé et nous étions là, face à face, dans l’inconfort du parking. Se lancer dans du “small talk” aurait pu donner l’impression à la candidate que l’entretien se poursuivait sur le bitume et je pouvais sentir son appréhension à ne pas vouloir commettre d’erreur. On s’est donc retrouvées à se regarder dans le blanc des yeux pendant durant trente minutes interminables.

Lorsque nous avons enfin pu regagner les locaux, nous avons écourté l’entretien. Nous avions perdu trop de temps et bien que la candidate se soit brillamment reprise lorsque nous avons recommencé notre discussion, son profil ne correspondait finalement pas tout à fait à ce que nous recherchions.

Cet incident m’a rappelé à quel point un entretien d’embauche, même interrompu, peut être un moment de jugement pour le candidat. C’est bien sûr le rôle du recruteur de mettre le candidat à l’aise, sauf que des questions anodines lancées dans des moments informels pour briser la glace comme « Vous avez des enfants ? » peuvent vite devenir discriminatoires. Côté candidat, la leçon que j’ai tirée de cette expérience, et que je partage dès que j’en ai l’occasion est celle-ci : quelle que soit la situation, préparez-vous. N’y allez pas « au talent » et préparez le squelette de votre pitch. Vous n’êtes jamais à l’abri d’une situation déstabilisante ou inattendue.

« C’était l’entretien le plus lunaire que j’aie jamais mené » Pauline, 34 ans, Recruteuse Freelance

J’ai rendez-vous avec un candidat pour un poste d’assistant administratif. Avant de la rencontrer, la personne de l’accueil m’alerte : « Ton candidat est… comment dire ? Plutôt atypique. » Apparemment, il avait déjà eu une réaction surprenante face à notre porte d’entrée automatique, qui l’avait semble-t-il… fasciné.

Lorsque je le rencontre, je remarque rapidement qu’il est sous l’emprise d’un stress palpable. Il parle très rapidement, cherchant ses mots et son comportement trahit une grande nervosité. Ce qui m’interpelle, c’est sa sincérité débordante, cette manière qu’il a de partager sans filtre ce qu’il ressent et pense, rendant notre échange authentique, mais aussi imprévisible.

Afin d’en savoir plus sur son expérience en équipe, je lui pose une question liée pour comprendre ses atouts et des axes de progression. Sa réponse, inattendue : « Qualité, défaut ? Oh ! Qu’est-ce qu’ils m’ont conseillé de dire chez Pôle Emploi déjà ? Je suis… » Je me demande alors à quel point le stress peut affecter nos réponses, même dans des situations où nous souhaitons montrer le meilleur de nous-mêmes.

Au moment de lui présenter le poste en détail, il exprime le souhait de prendre des notes. Cherchant autour de lui, il sort un journal qu’il avait probablement pris dans les transports. Attendrie, par sa démarche, je lui propose une feuille blanche. Avec un air de surprise, il me demande si j’ai également un stylo à lui prêter. Je trouve cette demande touchante, car elle montre une volonté de s’accrocher, de s’organiser, même dans une situation qui semble le dépasser.

À la fin de notre entretien, j’ai réfléchi à la place que pourrait avoir une telle personnalité au sein de notre entreprise. Malgré tout l’enthousiasme et l’ouverture que j’ai pour des profils diversifiés, il est crucial pour moi que la personne puisse représenter l’entreprise de manière adéquate.

Cet entretien m’a montré combien il est crucial pour un candidat de se préparer avant un entretien. Pour ceux qui ressentent du stress ou de l’anxiété, il peut être bénéfique de rechercher du soutien, que ce soit à travers des ateliers, des coachings ou simplement des répétitions avec des proches. La préparation est non seulement une manière de renforcer sa confiance en soi, mais aussi d’anticiper les besoins et attentes du recruteur. La première impression est (malheureusement) souvent déterminante. Même si chaque candidat est unique et apporte sa propre valeur ajoutée, se présenter de manière professionnelle et organisée est essentiel pour instaurer une relation de confiance dès le départ.

Article édité par Manuel Avenel, photographie par Thomas Decamps

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