Une histoire de bambou et de reconversion : la story de Déambulons

31 janv. 2019

6min

Une histoire de bambou et de reconversion : la story de Déambulons

Saviez-vous que le bambou pousse en France ? Qu’il est un matériau d’avenir ? Qu’il se renouvelle à toute vitesse, qu’il n’exige ni eau, ni engrais pour vivre ? Quand Jean-Baptiste Dubois a réalisé l’immense potentiel du bambou, il a mis en pause sa carrière dans le marketing et s’est lancé dans le projet « Déambulons » en 2015. Son atelier est spécialisé dans le design d’espaces et la création de structures sur-mesure en bambou. C’est de l’éco-conception, du 100% made in France !
Ce passionné d’architecture s’est formé tout seul pour ensuite construire des œuvres et scénographies, à la fois gracieuses, légères et solides. Ses cocons en bambou ont même été récompensés par le label Janus 2016 de l’Institut Français du design. On lui a posé des questions sur son parcours et ainsi essayé de comprendre comment il est passé de l’idée à l’action, du marketing aux bambous.

Quel a été ton parcours avant de monter Déambulons ?

J’ai fait une école de commerce à l’EDHEC BBA à Lille. Grâce à cette école, j’ai fait un échange étudiant à Bangkok, puis un stage de fin d’études au Vietnam où je m’occupais de monter un bar pour expatriés à Saigon. J’ai ensuite fait un Master sur les cultures d’Asie du Sud-Est puis je me suis impliqué dans une ONG en Thaïlande pendant deux ans avant de revenir travailler à Paris. J’ai été chargé de marketing web pour le groupe Darty et ensuite responsable marketing pour Les Jardins de Gaïa, une marque de thé bios.

C’est en Asie du Sud-Est que tu as découvert les qualités du bambou ?

Oui, lors d’une expérience en ONG, dans l’association IECD (Institut Européen de Coopération et de Développement) au coeur de l’ethnie Karen, au Nord de la Thaïlande. C’était en pleine campagne, il n’y avait ni électricité, ni eau courante et j’étais pratiquement le seul étranger. L’objectif était de monter un centre de formation agricole de A à Z : je m’occupais, entre autres, des plans d’aménagement et de recruter les profs’. Je suis resté jusqu’à l’ouverture de l’école. Je me suis rendu compte que là-bas, le bambou servait à tout construire, c’est un matériau de base. Dès que l’on construit une maison ou un outil, on va couper du bambou. Je les accompagnais souvent dans les bambouseraies chercher la matière !

image

Pourquoi as-tu décidé de monter Déambulons ?

Après 6 ans d’expériences en France dans le marketing, j’ai cherché ce que je voulais faire. Je voulais créer une entreprise depuis toujours. Je suis passé par plusieurs idées, j’ai même travaillé sérieusement sur un projet de restauration avec des grands-mères, mais au bout de six mois de réflexion, je ne me sentais pas à ma place. Je voulais faire quelque chose de plus créatif. J’avais depuis toujours été passionné d’architecture et de design. Je me suis souvenu de mon passage en Thaïlande et puisque je savais comment transformer et travailler le bambou, j’ai creusé le sujet.

>Je me suis souvenu de mon passage en Thaïlande et puisque je savais comment transformer et travailler le bambou, j’ai creusé le sujet.

Qu’as-tu découvert ? Quel a été le déclic pour passer de l’idée à l’action ?

Je me suis rendu compte que quasiment personne ne travaillait le bambou alors qu’il pousse chez nous, en France ! C’est pourtant un matériau qui a un énorme potentiel en matière d’aménagement, d’architecture et de déco’. J’ai trouvé un livre à la médiathèque, Architecture Naturelle, un livre sur le Land Art pour lequel j’ai eu un coup de cœur. Mon intérêt pour l’architecture s’est confirmé en lisant ce livre. Par ailleurs, petit, j’avais aussi été scout, je fabriquais des cabanes dans les bois, j’adorais ça. Je me suis vraiment dit que j’étais fait pour me lancer dans ce type de projet !

Comment t’es-tu formé ?

Je me suis formé tout seul car il n’existe pas vraiment de formation, il n’y pas d’école ou de filière de transformation du bambou. Le bambou est un matériau singulier, il se travaille différemment que le bois par exemple. C’est entre autres pour ça que l’on passe beaucoup de temps à remettre en question les dispositifs, les façons de faire et on invente encore beaucoup. On fait tout de A à Z, on recrée nous-mêmes une filière en fait.

Sur Internet je me suis inspiré de projets existants, de vidéos filmées en Asie et en Amérique du Sud. J’ai pris le temps de regarder ce que faisait ces pays qui ont des milliers d’années d’histoire du bambou ! En France, j’ai aussi passé un an à contacter des personnes pour les rencontrer, discuter de mon projet, connaître leur point de vue, me construire un réseau et en apprendre plus sur le bambou. Pour discuter avec d’autres professionnels, j’avais aussi sous-loué une partie d’un atelier de menuiserie. Les menuisiers m’aidaient parfois et me donnaient des conseils.

>Je me suis formé sur Internet. Je me suis inspiré de projets existants, de vidéos filmées en Asie et en Amérique du Sud. J’ai pris le temps de regarder ce que faisait ces pays qui ont des milliers d’années d’histoire du bambou !

image

Comment se sont passés les débuts ?

J’ai commencé à faire des projets gratuitement pour les clients. C’est-à-dire qu’ils payaient juste la matière. Ça m’a permis de faire des grandes structures et beaucoup de tests. Je n’avais pas encore d’atelier donc je travaillais dans mon petit appartement à Lyon et souvent directement chez les clients. Ce n’était pas évident mais j’avais de bons retours de paysagistes, architectes, designers sur le projet donc j’ai continué !

Mes premiers clients venaient de mon réseau très proche. Je faisais partie à l’époque d’un immense espace de co-working, donc j’ai créé un énorme cocon dans l’espace. Notre atelier s’est fait connaître grâce à ces “cocons en bambous”, un mobilier pour se lover, se ressourcer, se mettre au calme dans les espaces de co-working. Nous avons aussi fait des grands luminaires. Pour les particuliers, au début, je fabriquais surtout des pergolas. On a aussi fabriqué une structure géante recouverte de tissus colorés pour les Amanins, le centre de Pierre Rabhi, lors d’un festival pour fêter leurs dix ans.

image

Tu travaillais tout seul ? Comment ça s’est passé financièrement ?

Je travaillais seul, ce n’était pas évident. Mais parfois des bénévoles, des amis, des frères, des cousins m’aidaient ! Mon entourage m’a donné beaucoup de coups de main. J’avais aussi la chance de toucher le chômage. J’ai donc pu faire une première année de tests entre 2014-2015 puis en juillet 2015, j’ai intégré une coopérative d’entreprise, une CAE. Ça m’a permis de commencer légèrement. Et comme je n’avais pas énormément d’argent, je n’étais pas trop gourmand, je faisais attention à chaque nouvel achat. Une fois que les commandes ont commencé à tomber, j’ai fait un emprunt. J’en ai fait deux en tout à la Nef (une “banque éthique”). J’ai créé l’entreprise en septembre 2017. Je suis passé d’un bout d’atelier que je sous-louais dans une menuiserie à un atelier de 130m2 où j’ai pu embaucher 3 personnes. On a d’ailleurs déjà agrandi l’atelier à 200m2 !

Que t’ont apporté tes expériences précédentes ?

Ma formation en école de commerce m’a appris la cohérence et la vision d’entreprise. J’ai aussi pu acquérir des notions de comptabilité, les étapes de création d’un produit et bien sûr toute la partie communication et marketing que j’ai mis en pratique dans mes diverses expériences professionnelles. Pour Déambulons par exemple, j’ai fait attention à publier de beaux visuels, à réaliser un beau site, de qualité. Dès le début, ce soin porté à la communication nous a permis de nous faire connaître et de construire petit à petit notre communauté.

>J’ai pu acquérir des notions de comptabilité, les étapes de création d’un produit et bien sûr toute la partie communication et marketing. Pour Déambulons par exemple, j’ai fait attention à publier de beaux visuels et à réaliser un beau site, de qualité.

image

Quels sont tes projets en cours ? Combien de temps cela te prend ?

Aujourd’hui, on crée des structures monumentales et sur-mesures destinées à l’intérieur et à l’extérieur. En ce moment, nous fabriquons des cocons à facette pour un espace de travail à Paris, des gloriettes en bambou pour un restaurant parisien, un luminaire monumental pour un Grand Hôtel, un arbre en bambou pour une entreprise en Allemagne… Entre le premier contact client et la fabrication il faut compter deux à six mois. Pour la fabrication uniquement, en général de deux à quinze jours.

De quoi es-tu fier aujourd’hui ?

D’avoir réussi à construire une entreprise autour d’un matériau d’avenir. Le bambou se renouvelle en continue, il repousse très rapidement et ne demande aucun engrais, aucune eau. C’est un matériau champion sans rien faire. On est aux balbutiements de cette matière.

>Le bambou se renouvelle en continue. C’est un matériau champion sans rien faire.

Qu’as-tu appris avec Déambulons ?

Qu’il faut tout tester. Si on a une idée, il faut le faire dans le concret. Il faut faire. Le travail manuel mêlé à l’entrepreneuriat a fait naître une certaine euphorie chez moi que je souhaite à tout le monde !

image

Suivez Welcome to the Jungle sur Facebook et abonnez-vous à notre newsletter pour recevoir chaque jour nos meilleurs articles !

Photo by Déambulons

Les thématiques abordées