Étudiants : Et si le mentorat pouvait faciliter notre insertion pro ?

12 abr 2021

5 min

Étudiants : Et si le mentorat pouvait faciliter notre insertion pro ?
autor
Pauline Allione

Journaliste independante.

Du collège aux études supérieures, certains jeunes en situation de fragilité ont la possibilité d’être accompagnés personnellement par un mentor. Son rôle : œuvrer pour l’égalité des chances en partageant ses conseils, son expérience et son réseau. 30 000 jeunes sont actuellement impliqués dans le dispositif, mais ce nombre devrait croître dans les mois à venir. Avec sa nouvelle plateforme “1 jeune, 1 mentor”, intégrée au plan 1 jeune, 1 solution, le gouvernement affiche l’ambition de voir 100 000 jeunes bénéficier de cet accompagnement d’ici fin 2021, et le double l’année suivante. En quoi consiste exactement le mentorat ? Que peut-il nous apporter en tant qu’étudiant ? Et comment y accéder ? Focus sur un dispositif en plein essor.

De l’Odyssée… à aujourd’hui

Dans l’Odyssée d’Homère, un personnage nommé Mentor prend en charge l’éducation de Télémaque, le fils d’Ulysse, pendant que celui-ci est à la guerre. Inspirées de l’épopée grecque, plusieurs associations ont fleuri pour lutter contre les inégalités éducatives. Après la création de l’Entraide Scolaire Amicale en 1967 puis de l’AFEV en 1991, d’autres comme Article 1, Télémaque et Proxité, ont suivi au début des années 2000. Mis en place selon des critères sociaux et les résultats scolaires, le mentorat veut favoriser la réussite scolaire et l’insertion professionnelle de jeunes motivés et issus de territoires fragiles.

La crise, le moment de relancer un ascenseur social en panne ?

En France, pas moins de six générations sont nécessaires pour que les descendants d’une famille modeste accèdent au revenu moyen. La crise sanitaire, qui continue de creuser les inégalités, a vu naître l’opération #MentoratdUrgence créée par le Collectif Mentorat. Pour soutenir associations et entreprises (BNP Paribas, Axa, Total et Accenture comptent parmi les plus impliquées) dans leur lutte contre le déterminisme social, le gouvernement a quant à lui annoncé allouer un budget de 30 millions d’euros à son nouveau dispositif “1 jeune 1 mentor”, dont 16 millions sont consacrés à un appel à projets.

Si le mentorat peut débuter dès la maternelle, le plan gouvernemental met l’accent sur un accompagnement à partir du collège, et jusqu’à l’entrée dans la vie active. Dans le cadre de ce dispositif, chaque mentoré se voit attribuer un mentor, qui est un actif, prêt à consacrer quelques heures hebdomadaires ou mensuelles à son filleul bénévolement. « Nous nous retrouvons au restaurant, pour une balade dans Paris, une exposition, parfois en compagnie de ses amis… Nous essayons toujours de faire quelque chose de différent et à chaque fois, nous discutons de mes projets professionnels ou personnels » détaille Théa, étudiante en Master 2 de management et mentorée depuis le début de ses études supérieures.

Les fléaux de l’autocensure et du sentiment d’illégitimité

C’est aussi à son entrée dans les études qu’Amina s’est tournée vers le mentorat. « J’avais l’impression d’avoir atterri dans un monde où je n’avais pas ma place » se souvient-elle de son arrivée à Sciences Po. Entre sa nouvelle école à Saint-Germain-des-Prés et son lycée dans le 93, l’étudiante n’a alors aucun repère auquel se raccrocher. « Les premiers mois, j’avais juste envie de rentrer chez moi. » C’est chez Article 1 qu’elle trouve finalement le soutien dont elle a besoin : la “fracture sociale” que décrit Amina, sa mentor, avocate d’affaires, l’a vécue dix ans avant elle.

Pour mieux nous guider dans notre scolarité puis dans la jungle de la vie active, les mentors sont en effet attribués selon les ambitions professionnelles de chacun. « C’était rassurant d’être soutenue par quelqu’un à qui je pouvais m’identifier. Cela m’a permis de comprendre que ma présence était légitime », affirme Amina. De son côté, Théa souffrait d’un manque de confiance en elle qui la bridait dans ses projets. « À plusieurs reprises, je n’ai pas voulu postuler dans des écoles ou à des emplois par peur de l’échec. Ma mentor m’a toujours rassurée et encouragée, elle m’a évité de m’auto-censurer ».

Conseils, méthodologie et carnet d’adresses

Ni prof ni parent, le mentor est là pour nous aider à trouver des solutions lorsque l’on rencontre des difficultés scolaires ou personnelles. Selon la problématique, il peut nous proposer des cours particuliers, nous conseiller, nous aider dans la méthodologie… En dehors des conseils pratico-pratiques, il peut également partager son réseau professionnel ou nous faire visiter son entreprise, toujours dans l’optique de nous aider dans la mise en œuvre de notre projet.

« Sans mon mentor, je n’en serais pas là où j’en suis aujourd’hui » pose Christian, 29 ans et anciennement mentoré par Henri Lachmann, ex-PDG de Schneider Electric et président de Télémaque jusqu’en 2019. « Le mentorat m’a ouvert des portes qui m’étaient initialement fermées : quand j’ai postulé en DUT, j’ai d’abord été recalé, mon dossier n’avait même pas été étudié. Après un coup de fil de mon mentor, j’ai reçu un mail d’admission à la formation, qu’au passage j’ai très bien réussie » retrace le jeune homme. Originaire de Corbeil, en Île-de-France, il compte parmi la première génération à avoir bénéficié du dispositif.

Un horizon élargi

En dehors de l’aspect purement scolaire et professionnel, le dispositif offre également une autre ouverture sur le monde. « Mes centres d’intérêt étaient diamétralement opposés à ceux de mon mentor, se souvient Christian. Ensemble, nous avons vu des expositions, des pièces de théâtre, et j’ai même passé des vacances chez lui, dans le sud de la France ». C’est aussi sa mentor qui a amenée Fatina, 15 ans, à découvrir une culture à laquelle elle n’avait pas eu accès jusque-là. « J’ai visité des musées, assisté à un ballet, et nous avons passé un week-end à Londres grâce au projet découverte (projet interpersonnel avec son mentor mis en place par Télémaque, ndlr)… Ce sont des choses que je n’aurais jamais pensé faire seule ».

Si le besoin de soutien est moindre lorsque nous entrons dans la vie active, le lien mentor-filleul n’est pas coupé pour autant. Christian, désormais ingénieur commercial, n’hésite pas à appeler son mentor lorsqu’il a besoin d’être conseillé. « Encore dernièrement, j’avais posé ma démission dans l’entreprise où je travaillais, puis j’en ai avisé mon mentor. Finalement, j’ai discuté avec mon manager et je suis resté. Avoir l’avis d’une personne qui me connaît depuis plus de dix ans, c’est précieux pour prendre du recul ».

« Il est important de renvoyer l’ascenseur »

Le mentorat terminé, nous entrons alors dans le cercle des alumni. Parmi ces anciens mentorés, nombreux sont ceux qui désirent partager leurs connaissances et leur expérience à leur tour, afin d’entretenir cette transmission intergénérationnelle vertueuse. « Je mentore des jeunes qui se préparent à candidater à Sciences Po Paris. Je n’ai pas eu cette chance lorsque je préparais le concours, et je trouve qu’il est très important de renvoyer l’ascenseur. Il faut informer les jeunes des options qui s’offrent à eux, il n’y a pas que les filières courtes », soutient Amina.

Si vous êtes collégien, lycéen ou étudiant, issu d’un milieu fragile et que vous souhaitez être accompagné par un mentor, rendez-vous sur la plateforme 1jeune1mentor, en ligne dans les jours prochains, afin de savoir si vous y êtes éligible (chaque association dispose de ses propres critères de sélection) : si tel est le cas, vous serez connectés avec l’une des associations membres du Collectif Mentorat. Difficultés scolaires, perte de repères, horizons limités… Avoir un mentor à ses côtés peut aider à y voir plus clair !

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Photo by WTTJ

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