Pourquoi le métier d'assistante sociale a de l'avenir en entreprise

17 ene 2024

4 min

Pourquoi le métier d'assistante sociale a de l'avenir en entreprise
autor
Laetitia VitaudLab expert

Autora y conferenciante sobre el futuro del trabajo

Aidance, logement, gestion financière, santé physique et/ou mentale… bien des tracas de la vie quotidienne des salariés rejaillissent sur la sphère du travail. Tant et si bien que les structures s’emparent de plus en plus de ces sujets. Mais un métier ne vient pas naturellement à l’esprit dans le monde de l’entreprise, alors qu’il s’avère clé dans la résolution de ces problématiques : celui d’assistante sociale.

Ces travailleuses sociales -le féminin l’emporte puisque 95 % de la profession sont des femmes- accompagnent les individus (et leurs familles) en fournissant de l’information, des ressources et du soutien psychosocial. Elles exercent le plus souvent dans les écoles, les mairies, les prisons ou encore les hôpitaux. Mais certaines se spécialisent dans la sphère du travail, en intervenant en entreprise pour accompagner les salariés. Les assistantes sociales du travail sont des professionnelles de la santé, au sens large, en milieu professionnel, dont le rôle consiste à accompagner les individus face à des difficultés personnelles ou professionnelles, à fournir des informations sur les ressources disponibles, et à servir d’intermédiaires entre les employés et les employeurs pour trouver les solutions adaptées. Pourquoi sont-elles, de plus en plus, amenées à jouer un rôle décisif ? Explications.

Les origines d’un métier souvent méconnu

Historiquement, le métier d’assistante sociale a émergé au XIXe siècle, en réponse aux besoins croissants des populations urbaines, confrontées aux défis posés par l’industrialisation et l’urbanisation (promiscuité, logement insalubres, violence…). Dès l’origine, les femmes jettent les bases du travail social moderne. Aux États-Unis, Jane Addams a cofondé le Hull House, un centre de bien-être social à Chicago en 1889, pour défendre les droits des femmes, des immigrés et des pauvres. Au Royaume-Uni, Octavia Hill est reconnue pour son travail dans l’amélioration des conditions de vie des locataires défavorisés de Londres.

Dans de nombreux pays, le métier a évolué pour devenir une profession réglementée, organisée pour aider les familles à faire face à toute une série de problèmes sociaux. Pour cela, elles interviennent là où les individus sont le plus facilement touchés : les écoles, les hôpitaux, les services de protection de l’enfance…

C’est durant les guerres mondiales que les assistantes sociales ont commencé à jouer un rôle clé dans le monde du travail. La mobilisation des hommes au front laisse un vide dans les usines et les entreprises. Les femmes sont alors appelées à y travailler à leur place. Les prérogatives familiales deviennent par conséquent « sociales » : pour que les femmes puissent travailler, il faut qu’on s’occupe de leur famille.

Comment les services sociaux se sont développés en entreprise

Après les guerres, de nombreuses personnes sont retournées à la vie civile. Les entreprises se sont rendues compte de l’importance de fournir un soutien social à leurs employés, notamment pour faciliter la transition des vétérans de retour à la vie civile et pour soutenir les nouvelles travailleuses qui avaient été embauchées pendant la guerre. Ces organisations ont alors fait appel à des assistantes sociales pour aider les employés à résoudre leurs problèmes familiaux, gérer le stress post-traumatique et s’adapter à la vie en dehors de l’armée.

Ainsi, la guerre a joué un rôle dans la création et le développement des services sociaux en entreprise, en mettant en lumière la nécessité de soutenir les travailleurs dans des moments de transition et de changement social. Cela a conduit à la reconnaissance de l’importance de l’assistance sociale en milieu de travail, à la fois pour le bien-être des employés et la productivité des entreprises.

Héritières de cette tradition, les assistantes sociales en entreprise d’aujourd’hui peuvent intervenir dans des domaines variés. Elles offrent un soutien aux employés face au stress, aux difficultés financières ou aux problèmes de santé mentale. Elles aident à résoudre les conflits entre employés, à mettre en œuvre des programmes visant à améliorer la santé mentale des employés, à proposer des formations sur la prévention du harcèlement, à gérer les congés maladie des salariés en leur apportant le soutien nécessaire… Le Code du travail prévoit la possibilité d’un service social interentreprises, animé par une assistante sociale du travail qui reste alors extérieure, sans lien de subordination vis-à-vis des entreprises où elle intervient.

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Pourquoi les entreprises ont un rôle à jouer

Les entreprises font face aujourd’hui à des problèmes économiques et sociaux qui les dépassent et leur rendent la tâche du recrutement de plus en plus difficile. Parmi les évolutions les plus remarquables, il y a les sujets du logement, du vieillissement, de la santé mentale, ou encore de l’aidance -l’aide qu’apportent régulièrement les actifs à leurs proches âgés dépendants. Dans de nombreux métiers, les revenus du travail ne permettent plus à un jeune travailleur de se loger à proximité de son entreprise. Une part de plus en plus importante des salariés sont concernés par la situation de l’aidance. La santé mentale se dégrade fortement, notamment depuis les années Covid.

Évidemment, les entreprises n’ont pas vocation à régler tous les problèmes sociétaux -l’aidance et la prise en charge des personnes âgées sont des sujets collectifs. Mais, il est dans leur intérêt de s’intéresser de près, par exemple, au sort de la « génération sandwich », de la même manière qu’elles se sont déjà emparées des questions liées à la parentalité au travail. Là où les structures publiques font défaut, les employeurs pourraient jouer un plus grand rôle pour soutenir les aidants actifs dont elles ont besoin.

Il est essentiel de tenir compte des grandes évolutions démographiques. Le soutien à la génération sandwich est capital pour l’égalité professionnelle : en effet, ce sont essentiellement des femmes qui abandonnent leur activité rémunérée pour prendre soin des autres. Comme on le comprend à la lumière des travaux de la chercheuse qui a obtenu en 2023 le prix Nobel d’économie, Claudia Goldin, la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale doit devenir un élément central des politiques de responsabilité sociale des entreprises.

L’assistance sociale, une réponse toute trouvée ?

Comme pendant les années de guerre qui ont vu émerger le travail social, les services des assistantes sociales en entreprise s’avèrent de plus en plus critiques. « L’entreprise doit devenir un pôle de médiation sociale au service des collaborateurs. On a besoin des assistantes sociales », souligne la DRH de Veolia, Isabelle Calvez. Un avis partagé par Julie, l’une des assistantes sociales qui intervient auprès des salariés du groupe Veolia : « Les aidants, c’est LE sujet du moment. Je vois de plus en plus de salariés qui doivent s’occuper de leurs parents. Ils font face à des problèmes multiples : de logement, d’endettement, d’épuisement… »

L’assistante sociale joue un rôle essentiel de médiation pour faire connaître les dispositifs existants, et ainsi aider les salariés concernés à démêler leur situation. À certains égards, il s’agit de renouer avec une tradition ancienne. « Les précurseurs des assistantes sociales étaient les surintendantes d’usine, chargées de s’occuper de la main-d’œuvre féminine active alors que les hommes étaient au front. On les soutenait dans toutes les dimensions de leur vie pour qu’elles puissent se consacrer au travail ! Puis, il a fallu réintégrer les hommes (parfois mutilés) de retour du front », explique encore Julie.

Vous l’aurez compris : les assistantes sociales offrent un service crucial pour les entreprises dans la période de grande transformation que nous vivons. Elles peuvent renforcer la motivation et la loyauté des salariés, améliorer le bien-être et contribuer à la création d’un environnement de travail sain. Et s’il était temps de braquer un peu plus les projecteurs sur ces travailleuses essentielles ?

Certains prénoms ont été modifiés.

Article édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps

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