Candidate care : quand le candidat devient roi !

Oct 11, 2023

6 mins

Candidate care : quand le candidat devient roi !
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Laure Girardot

Rédactrice indépendante.

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Interface obsolète, fiches de poste confuses, processus à rallonge, ghosting… Alors que recruter reste un défi pour beaucoup d’entreprises, ces pratiques résistent malgré des effets contre-productifs. La solution ? Adopter le « candidate care » ou comment repenser son processus de recrutement pour chérir les candidats.

Le « candidate care » résonne en vous comme la dernière tendance RH à la mode ? Eh bien détrompez-vous, c’est une réflexion de fond qui s’est développée depuis plusieurs années pour parfaire l’expérience de recrutement. L’énergie est mise sur le bien-être, les besoins et le ressenti des candidats tout au long du processus d’embauche. Ceci implique du respect, de l’empathie et de la transparence de la part de l’employeur. Comment créer un environnement où les candidats se sentent valorisés et respectés, même s’ils ne sont pas sélectionnés pour le poste ? Nos experts Léo Bernard et Jérémy Clédat se penchent sur le sujet pour décrypter les enjeux et les pratiques phares d’un recrutement plus humain et responsable.

Se mettre en mode « candidat care » : pourquoi ?

Différents enjeux sous-tendent la mise en place du « candidate care ». « Une mauvaise expérience candidat coûte cher à l’entreprise, littéralement. Cela a même été démontré par Virgin qui estime la perte financière à environ 5 millions de dollars car les personnes malmenées lors de leur recrutement se sont désinscrites et dans la foulée, leurs proches ont suivi le pas ! », explique Léo Bernard, formateur en recrutement. En effet, 92 % des candidats partagent leur vécu négatif avec leur réseau et la viralité des avis peut rapidement tourner au scandale pour la marque employeur.

Glassdoor, Avisalarié ou encore Indeed sont des brèches digitales, prêtes à anéantir une réputation employeur en quelques heures. Or, une marque employeur forte permet d’obtenir 50 % de candidats qualifiés en plus. Mieux vaut donc bien penser son expérience candidat, à l’heure où 61 % des recrutements sont jugés difficiles par les entreprises. « Le recrutement est devenu compétitif : il faut revoir les manières d’embaucher afin de donner envie aux personnes de s’impliquer. Ça passe par la mise en place de bonnes conditions qui favorisent aussi une meilleure évaluation du potentiel de collaboration », souligne Jérémy Clédat, fondateur et CEO de Welcome to the Jungle.

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Les 4 principes fondateurs du « candidate care »

Principe n°1 : communiquer de manière transparente

Il s’agit de fournir des informations claires sur l’entreprise, le job, mais aussi sur le processus de recrutement, les attentes et les délais. « La clarté et la transparence sont deux principes importants, car l’enjeu est de transmettre le bon niveau d’information pour que la personne puisse se projeter. Plus on contextualise, plus on permet à chacun de choisir la meilleure opportunité », explique Jérémy Clédat. Les outils ? Des offres d’emploi enrichies donnant un maximum d’informations ou encore un site carrière clair avec des éléments utiles. « La phase amont du “candidate care” est particulièrement critique : on peut vite perdre des candidats motivés si le site carrière est trop frugal ou encore si une offre d’emploi est opaque quant au salaire ou au nombre de jours en télétravail… », ajoute Léo Bernard. En ce sens, Élodie Charles, talent acquisition manager au sein de Serena, venture capital, passe du temps à bien définir le besoin de recrutement. « Cette phase de cadrage est capitale pour calibrer l’expérience candidat et l’infuser avec des informations pertinentes (la job description, les attentes du poste, les avantages…). En communiquant les éléments idoines, on aide un candidat à mieux se projeter. C’est la base du “candidate care” », explique-t-elle.

La (bonne) pratique à retenir : mettre à disposition un « kit recrutement » aux candidats. À savoir, un guide complet d’informations à envoyer ou à mettre à disposition sur le site carrière au début du processus. Qu’est-ce qu’on y trouve ? Présentation des étapes et de leur durée, informations sur la culture d’entreprise, conseils pour préparer chaque entretien, délai d’attente, critères d’évaluation, avantages sociaux… Le guide candidat de Notion est une très bonne base d’inspiration, à la fois simple et utile, avec une explication détaillée pour chaque poste.

Principe n°2 : rythmer le processus avec respect et considération

Le principe est clair : traiter chaque candidat avec respect, quel que soit le résultat final. « L’attitude des intervieweurs est particulièrement importante : arriver à l’heure, faire preuve de politesse et mener les entretiens avec empathie », explique Léo Bernard. Il s’agit de créer une expérience globale positive, en veillant à ce que chacun se sente reconnu pour avoir pris le temps de postuler et de s’engager dans le processus. « C’est un investissement pour la personne, et parfois l’attente peut être assez anxiogène : un suivi régulier et un processus bien rythmé sont donc indispensables », souligne Jérémy Clédat.

La (bonne) pratique à retenir : en ce sens, Kiloutou a mis en place un recrutement responsable, avec comme premier pilier une grande disponibilité pour les candidats. « Quand on postule sur notre site carrière, la personne peut soit déposer un CV de manière classique, soit prendre rendez-vous avec un recruteur Kiloutou. Elle a accès à leurs calendriers pour choisir un créneau qui lui convient », explique Benoît Pacceu, directeur du développement RH.

Principe n°3 : ne pas lésiner sur le nombre et la forme des feedbacks

« Le recrutement est abîmé car les employeurs ne répondent pas assez aux candidats : c’est le reproche n°1 qui ressort des enquêtes menées auprès des candidats de la plateforme Welcome to the Jungle », alerte Jérémy Clédat. Une tendance corroborée à plus grande échelle : 79 % des candidats n’auraient jamais de retour après un entretien d’embauche. Alors, autant que possible, il faut répondre, même via un système automatisé. « Le mail automatique n’est pas la panacée mais c’est mieux que rien, surtout pour gérer de gros flux de recrutements. Pourquoi ne pas imaginer des templates de mails qui expliqueraient aux candidats les raisons du refus ? », suggère encore le CEO de Welcome to the Jungle. Léo Bernard revient, quant à lui, sur le pilier de la transparence : « Dès le départ, on peut annoncer la couleur en disant qu’on ne peut pas répondre à tout le monde, et s’en excuser. Pourquoi pas - avec précaution - utiliser le ton de l’humour ? » Le copywriting et la tonalité sont loin d’être une vétille pour créer des retours acceptables. Alors que 80 % des candidats aimeraient recevoir une réponse personnelle (même si celle-ci est négative), l’enjeu est de tendre vers la personnalisation des échanges. Alors, même automatisé, un message doit être écrit avec attention, humanité et de préférence signé par une personne.

La (bonne) pratique à retenir : Kiloutou s’appuie sur l’entreprise Yaggo pour gérer l’ensemble des retours négatifs. « Nous mettons un point d’honneur à répondre aux candidats avec lesquels nous avons eu un échange. Cette solution permet d’apporter à chacun une réponse explicite avec la raison du refus. Nous y ajoutons un conseil d’amélioration personnalisé afin que les personnes repartent avec un levier d’amélioration », explique Benoît Pacceu. Au sein de Serena, ce sont les feedbacks qui ponctuent le processus de recrutement : entre chaque entretien, Élodie Charles questionne les candidats sur leurs motivations profondes. « Les feedbacks permettent d’interroger l’adéquation entre les attentes réelles des candidats et ce que l’entreprise peut proposer », explique-t-elle. Ce dialogue s’apparente à une forme de maïeutique afin que chaque candidat prenne la meilleure décision, qu’il rejoigne ou non, l’organisation.

Principe n°4 : faire vivre son vivier de talents

Le nurturing est une phase importante, mais peu exploitée, du « candidate care » : en gardant contact avec les candidats déjà rencontrés (et pertinents), l’employeur reconnaît leur valeur et leur investissement. « L’idée est de faire vivre la base de candidats en créant une communauté que l’on fait vivre et que l’on alimente régulièrement avec des informations sur l’entreprise », décrit Jérémy Clédat. Sur le long terme, cette approche sert aussi l’entreprise puisqu’il sera beaucoup plus efficace de recruter en se référant à un « pool » de candidats connus que de repartir sur un recrutement ad hoc. Comment faire ? Envoyer une newsletter, créer des événements, communiquer des informations exclusives…

La (bonne) pratique à retenir : dans le cadre du processus Kiloutou, les actions de Yaggo ne s’arrêtent pas à l’envoi de réponses personnalisées. Les candidats « recalés » reçoivent régulièrement des mails informatifs sur les actualités, RH ou autres, de l’entreprise. Élodie Charles, quant à elle, a fait le pari du coaching candidat. « Le rôle du recruteur a changé aujourd’hui : c’est un facilitateur qui accompagne les personnes dans leur trajectoire professionnelle, les écoute et les oriente au-delà du processus en lui-même », confie-t-elle. En travaillant sur cette posture, le but est de tisser un lien de confiance solide entre l’entreprise et les candidats.

Temps, ressources, argent : les limites d’un modèle en rodage

L’incohérence du processus en ligne de mire

L’alignement et la standardisation des pratiques peuvent être difficiles à maintenir. En effet, les efforts varient en fonction des recruteurs et des équipes au sein de l’entreprise. Or, si l’expérience est inégale, l’effet déceptif risque d’être encore plus vertigineux. La recommandation de Léo Bernard ? « Il faut repenser le processus dans sa globalité : phases amont, pendant et avale pour garantir une consistance dans l’expérience proposée », conseille-t-il.

Attention à la marque employeur invisible

« Tout au long du processus de recrutement, il existe des points de contact entre l’entreprise et le candidat qui passent souvent à la trappe… Alors que ces derniers comptent beaucoup dans le ressenti : les échanges, le mail de retour, l’offre, l’après… », avertit Léo Bernard. Le « candidate care » exhorte les entreprises à décortiquer tous ces points d’achoppement, implicites et explicites. Un travail de minutie et d’honnêteté qu’il n’est pas toujours évident d’emmancher. Pas pour Benoît Pacceu qui s’est lancé dans cette démarche 360° en interrogeant tous les acteurs impliqués dans le processus recrutement : candidats, nouveaux collaborateurs, managers, RH et stagiaires. L’état des lieux a permis d’aboutir à une refonte du recrutement à la fois global et responsable.

Une méthode louable, mais chronophage

Créer un irréprochable « candidate care » reste chronophage, notamment pour les entreprises qui gèrent de gros volumes de recrutements. Le dilemme demeure insoluble : comment offrir de la personnalisation quand on gère de la masse ? Cela nécessite des ressources suffisantes et une technologie adéquate. « L’outil est une aide mais ne fait pas tout ! La stratégie et l’éditorial restent des facteurs déterminants pour réussir le “candidate care” », affirme Léo Bernard. Les entreprises doivent donc repenser l’allocation globale de l’effort en termes de recrutement pour créer de la valeur dans l’expérience candidat.


Article édité par Mélissa Darré, photo Thomas Decamps.