PARLEZ-MOI DE VOUS #3 – « L’égalité professionnelle, c’est pas pour les chiens »

24. 5. 2023

4 min.

PARLEZ-MOI DE VOUS #3 – « L’égalité professionnelle, c’est pas pour les chiens »
autor
Bénédicte Tilloy

DRH, ex-DG de SNCF Transilien, conférencière, professeure à Science-Po, autrice, cofondatrice de 10h32

prispievatel

À quoi ressemble la vie d’une équipe RH dans une startup à succès ? « Parlez-moi de vous », le 1er feuilleton Welcome to the Jungle, dissèque le quotidien de Léa, Rana et Alex, entre amitié et crise d’ego. Une satire tendre de Bénédicte Tilloy. Dans ce 3e épisode, Alex dévoile davantage son jeu face à Léa qui n’est pas décidée à lui lâcher du lest, tandis que Rana retrouve une connaissance dans des circonstances inattendues…


Avant de commencer votre lecture, n’hésitez pas à vous (re)plonger dans les épisodes précédents de la série.


« Chaud pour un verre avec toi ce soir. » Léa découvre avec surprise le message d’Étienne, en essayant de se persuader que le directeur commercial s’est trompé de contact. Elle ne lui a rien proposé et d’ailleurs, pourquoi croit-il qu’elle pourrait en avoir envie ? « Erreur de destinataire », texte-t-elle en réponse. Elle n’a pas le temps d’y penser davantage, Alex vient de passer une tête dans l’encadrement de la porte de la salle de réunion où elle s’était isolée. « Tu as cinq minutes, je t’invite à prendre le café en face ? » Cela sent les confidences ou les ragots, se dit Léa, qui attrape sa veste et lui emboîte le pas. Le bar est vide, à part un ou deux habitués qui sirotent déjà leur pastis à l’heure où il s’agirait plutôt de s’envoyer un expresso bien serré pour se réveiller. « Tu savais que Boris voulait recruter un “VRAI” DRH ? » Alex attaque fort en insistant sur l’adjectif. Léa se demande s’il se rapporte à elle ou à Boris, leur CEO, qui fait office de DRH aujourd’hui. Non, elle ne savait pas, il n’en a jamais été question lors de son entretien d’embauche, et d’ailleurs elle aurait bien aimé avant d’accepter le poste et de devoir changer de boss en cours de route.

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C’est vrai que Boris n’est pas très disponible, mais lui reporter en direct permet justement d’avoir des marges de manœuvre. Elle trouve agréable de ne pas demander sans arrêt la permission pour prendre des initiatives. Alex poursuit : « C’est un job qui suppose de bien connaître la boîte et de sentir les gens… Il faut créer un bon binôme avec le CEO, comprendre sa stratégie et faire tourner la machine administrative… ». Léa trouve la définition de poste un peu courte. Elle se lance dans une défense lyrique sur sa vision du métier : DRH, c’est un poste stratégique, dont la mission est de développer le capital humain au service de la performance de l’entreprise. Alex la regarde, goguenard : « Oui, enfin concrètement, on est aussi là pour régler les emmerdes ; recruter et virer, d’ailleurs ça, tu vois, ça ne me fait pas peur ». Nous y voilà, pense Léa. Alex se voit déjà en poste et prépare le terrain. Est-ce qu’il s’agissait du plan de Boris ? Lui mettre dans les pattes pour tester la relation, puis l’introniser dans le rôle. Si c’est le cas, merci du cadeau ! Et l’intéressé de continuer : « D’ailleurs, puisqu’on parle de “virer”, il va sans doute falloir s’y coller bientôt, Boris pense que le hacker est une personne de l’interne… Sans doute un type qui se venge en cassant la boîte… ».

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Deux scoops en même temps, ça valait le coup de traverser la rue pour s’enfiler ce mauvais café. Mais maintenant que Léa le bombarde de questions, Alex joue les mystérieux. Sur le hacking, il ne peut rien dire de plus, il l’a promis à Boris. Pourtant, la séquence gossip n’a pas l’air terminée. De retour au bureau, il est maintenant question de Rana à propos de laquelle il lance à Léa une série de boules puantes. La jeune femme serait venue au bureau « avec sa gamine », faute d’avoir pu la faire garder par sa mère. Rana est maman solo, elle a une petite Mila de 6 mois très éveillée, qui a manifestement ambiancé l’open space pendant une formation. La gosse a un peu pleuré et ils se sont tous relayés pour s’en occuper, moyennant quoi le cours d’HTML est à reprendre de zéro. La même Rana se serait par ailleurs plainte devant lui qu’on ait obligé les candidats développeurs à faire leur évaluation technique chez eux, au motif que cela discriminerait les parents solo. Un comble, d’après lui, pour des gens qui aspirent à bosser en remote ! Et last but not least, Alex enchaîne sur le style de Rana : ses sorties franches et spontanées sont pénibles et indisposent les gens. Il en a parlé avec Eddy qui est d’accord avec lui. Bref, la stagiaire de Léa n’est pas à sa place et il attend de cette dernière qu’elle le lui fasse remarquer.

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Léa reste bouche bée. Elle ne sait pas ce qui la met le plus en colère : le fait qu’une petite campagne de dénigrement contre sa stagiaire ait été savamment orchestrée dans son dos, ou qu’Alex ait pu imaginer qu’elle abonderait dans son sens et s’indignerait à son tour du comportement de Rana. Elle l’admet, la principale intéressée exprime souvent très ouvertement ce qu’elle pense, cela peut surprendre, voire blesser. Mais le procès qui lui est fait est insupportable. Comment Alex peut-il à la fois prétendre défendre les valeurs de la boîte et ne pas ressentir d’empathie envers elle ? Sans parler de la parentalité dont Hey You a décidé de faire une politique RH pour attirer à elle les talents. Reprenant ses esprits, la responsable RH monte finalement au créneau : « Alex, l’égalité professionnelle, c’est pas pour les chiens. Tu devrais le savoir, ici on veut recruter des hommes et des femmes, des pères et des mères, et leur permettre de l’être sans renoncer à leur carrière ». Elle a parlé fort, avec conviction, et se surprend à entendre derrière elle un bravo inattendu : Boris. Alex ne se démonte pas et change de discussion avec le CEO aussi vite que « la gifle » qu’il vient de recevoir. Léa est soulagée du soutien de son boss, bien consciente qu’elle ne met pas toutes les chances de son côté si Alex venait à lui succéder. Pour le reste, elle aidera Rana à être plus corporate. Autant qu’elle apprenne à gérer son énergie en souplesse et avec discernement.

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Les rendez-vous suivants vont d’ailleurs lui permettre de passer un moment avec elle. Elles doivent toutes deux recevoir les futurs développeurs qui ont rendu un cas technique aux petits oignons et que le CTO les a priées de convaincre de rejoindre Hey You. Eddy en a notamment fléché deux qu’il ne veut laisser passer sous aucun prétexte. Le premier, Yannis, était passé un peu inaperçu lors de la séance collective de présentation. Pas très bavard, le T-shirt douteux, le killer du python fait une prestation en-dessous de son talent de codeur. Il n’est pas très gourmand, voire modeste, il vérifie simplement qu’il pourra facilement garer son vélo. Quand le second fait son entrée, Rana prend un coup à l’estomac. Le type est grand, plutôt charmant, ses tatouages assortis à sa belle gueule. Léa ne se laisse pas impressionner, elle poursuit l’entretien pendant que sa stagiaire se cache derrière l’écran de son MacBook. Rana, qui ne l’avait pourtant pas repéré lors de la séance en visio, vient de le reconnaître. Ce mec, c’est Blaise, développeur ascendant salaud, avec lequel elle a eu une aventure, il y a deux ans…


Article édité par Ariane Picoche et Mélissa Darré, photo : Thomas Decamps pour WTTJ

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