Grossesse et entretien d'embauche : les femmes face aux questions des recruteurs

02. 3. 2020

5 min.

Grossesse et entretien d'embauche : les femmes face aux questions des recruteurs

Les femmes enceintes en recherche d’emploi se posent souvent la même question : « Faut-il oui ou non annoncer sa grossesse pendant le process de recrutement ? » Si après plusieurs mois, lorsque le ventre s’est arrondi, la question ne se pose plus, ce n’est pas aussi simple lorsque la grossesse ne se voit pas encore… Alors, le recruteur a-t-il le droit de sonder les femmes sur leur éventuelle grossesse ? Faut-il amener soi-même le sujet en entretien ? Et que faire lorsqu’on est victime de discrimination à l’embauche parce qu’on est enceinte ? Welcome to the Jungle tente de répondre à ces questions…

Que dit la loi ?

La loi protège les futures maman…

Aucun texte de loi n’oblige les femmes à informer leur potentiel employeur de leur grossesse au moment de l’entretien d’embauche. Même lorsqu’elle est déjà en poste, seule la femme enceinte peut décider du moment où elle annoncera sa grossesse. Elle doit en revanche l’annoncer lorsqu’elle souhaite bénéficier d’un aménagement du poste de travail ou pour planifier son congé maternité.

Conscientes du risque de porter en elles les stigmates peu justifiés des « femmes enceintes », certaines décident de ne pas en parler au moment de l’entretien d’embauche. C’est d’ailleurs le cas de Stefania : « C’est un mois après avoir démissionné de mon ancien travail que j’ai découvert que j’étais enceinte. Au même moment, j’ai été contactée pour passer un entretien. J’ai tout de suite pensé que ce ne serait pas idéal d’annoncer une grossesse. Malheureusement, l’image de la femme enceinte est totalement faussée et cela avait déjà interrompu le processus de recrutement de certaines copines. Alors, pour avoir toutes les chances de mon côté, surtout après avoir démissionné, j’ai préféré ne rien dire au recruteur. » Stefania est donc tout à fait dans son droit.

La loi interdit également à l’employeur :

  • De refuser d’embaucher une femme car elle est enceinte,
  • De mettre un terme prématurément à sa période d’essai,
  • De la muter, même temporairement,
  • Et enfin, de la licencier.

… mais est parfois ignorée par les recruteurs

Malheureusement, il arrive que certains employeurs outrepassent leurs droits. Nawal raconte « Après ma période de CDD, qui s’est très bien passée, j’ai été embauchée en CDI dans la même entreprise. Ce n’est donc qu’après la signature de mon contrat que j’ai annoncé être enceinte de 5 mois. La première réaction fût de me demander pourquoi je ne leur avais pas dit. J’ai été très claire en disant que je ne voulais subir aucune discrimination. Ma manager m’a tout de suite demandé si c’était légal de ne pas révéler sa grossesse à son employeur et je lui ai dit que j’étais parfaitement dans mon droit… Le ton était déjà un peu moins cordial. J’ai été mise à la porte quelques jours seulement avant la fin de ma période d’essai, sans qu’on me donne de raison. J’étais enceinte de presque 7 mois, je faisais le meilleur chiffre de ma boîte et mes relations avec mes collaborateurs étaient au beau fixe. La réalité est que je me suis retrouvée sans emploi du jour au lendemain, sans indemnités, enceinte de 7 mois. J’étais vulnérable, sans argent et j’allais bientôt accueillir un bébé dans ma vie. »

Comment réagir lorsque la question est tout de même posée pendant l’entretien ?

« Le droit au silence » permet aux femmes de ne pas répondre si un recruteur leur demande si elles sont enceintes au moment de l’entretien. Si vous craignez que votre refus de répondre passe pour une réponse affirmative, n’hésitez pas à lui faire comprendre, de manière diplomate, que sa question est déplacée ou que la loi lui interdit de la poser. Même si cette “parade” demande un peu d’audace et que, sur le coup, on n’y pense pas forcément…

Si vous n’osez pas faire valoir ce droit, mais que vous souhaitez tout de même désamorcer la situation, vous pouvez essayer de demander poliment au recruteur pourquoi il vous pose la question. Vous pourrez voir à sa réaction s’il est mal intentionné ou juste maladroit. En essayant de répondre, il pourrait même se rendre compte que sa question est assez déplacée…

Faut-il prendre les devants et amener le sujet ?

Afin d’éviter quelques déconvenues de part et d’autre, les femmes enceintes peuvent envsiager d’aborder leur grossesse au premier entretien. Même si, en général, elles semblent plutôt le faire lors de la deuxième rencontre avec leur employeur. Nous conseillons tout de même de :

Ne pas parler de sa grossesse en cas de difficultés financières

Hymane Ben Aoun, directrice d’un cabinet de conseil en ressources humaines, déconseille aux femmes dont le besoin de travailler est vital d’en parler durant l’entretien. Comme nous l’avons vu précédemment avec le témoignage de Stéfania, dans les faits, une telle annonce peut malheureusement interrompre le processus de recrutement.

Annoncer sa grossesse quand le recruteur aborde la question des disponibilités

Si vous voulez aborder le sujet, le plus confortable est de le faire au moment où l’employeur vous interroge sur vos disponibilités. il devrait apprécier votre honnêteté mais aussi votre manière d’amener le sujet.

Ne pas dramatiser le moment de l’annonce

Le fait d’être enceinte n’a jamais empêché une femme d’être motivée, convaincante ou compétente. L’une des bonnes pratiques consiste donc à se présenter à l’entretien dans le même état d’esprit que s’il n’y avait pas de grossesse à annoncer. L’annoncer spontanément, sans trop “préparer le terrain”, évitera de faire passer cette information pour une “contrainte”. Être enceinte n’est ni un problème, ni une maladie.

« J’ai contacté les 3 ou 4 entreprises qui m’intéressaient en leur disant que je cherchais un emploi dans l’année à venir, à la fin de mon congé maternité. Comme j’étais en début de recherche et que j’avais un plan de secours je n’étais pas trop inquiète que ma grossesse nuise à mon embauche. J’ai été agréablement surprise. Au premier entretien que j’ai passé, on a finalement assez peu parlé de ma grossesse durant l’entretien, ce qui me convenait bien. Plus tard, le CEO et le CTO m’ont dit qu’ils avaient été satisfaits d’avoir déjà embauché des parents qui ont, certes des contraintes horaires plus importantes, mais qui ne sont pas pour autant moins efficaces », raconte encore Stéfania.

Les juristes de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (Halde) affirment qu’il est préférable « d’annoncer sa grossesse à son employeur par lettre recommandée avec un certificat médical attestant de la grossesse ». Car « une simple information orale ne suffit pas à garantir la protection » contre la discrimination.

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Que faire si vous n’êtes pas gardée à cause de votre grossesse ?

Malgré toutes les précautions que vous avez prises, votre employeur a choisi une autre candidature, en raison de votre grossesse. Que faire ?

Sachant qu’il est tout à fait illégal de vous refuser à cause de votre grossesse, que risque votre employeur ?

Si vous vous retrouvez un jour dans la même situation que Nawal et que votre employeur met fin brutalement à votre période d’essai, sachez que vous disposez de plusieurs recours : saisir la Halde ou l’inspection du Travail.

Comment prouver la faute de l’employeur ?

Si vous détenez la preuve matérielle que votre grossesse est la raison pour laquelle vous n’êtes pas embauchée (mail, courrier), conservez-la précieusement. Vous pourrez ainsi saisir les prud’hommes et faire valoir vos droits.

Sans preuve matérielle, cela risque d’être votre parole contre celle de l’entreprise. Ce sera plus compliqué à prouver, mais la Halde reste l’institution à contacter dans le cas d’une telle discrimination. Car comme le souligne si bien Nawal : « Dans 99% des cas, chacun de nous va certainement un jour se retrouver soit enceinte, soit la compagne ou le compagnon d’une femme enceinte. Cette discrimination peut donc toucher absolument tout le monde. La grossesse est un moment “normal” de la vie d’une personne. Elle ne devrait pas être vue comme un moment de faiblesse et de non performance. »

Heureusement, il existe des cas dans lesquels l’annonce est accueillie comme une bonne nouvelle par l‘employeur : « J’avais beaucoup d’appréhension mais il m’a répondu directement qu’avoir un enfant était l’une des plus belles choses au monde. » se souvient Stéfania. Pour toutes les autres situations dans lesquelles les choses ne prennent pas une tournure aussi positive, n’hésitez pas à faire valoir vos droits. C’est en éveillant les consciences que, vous toutes, vos pourrez faire évoluer les mentalités.

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Photo d’illustration by WTTJ