La cooptation, un levier de recrutement sous-exploité (à tort)

30. 1. 2024

7 min.

La cooptation, un levier de recrutement sous-exploité (à tort)
autor
Sylvain Guillet

Journaliste web

prispievatel

La cooptation est une méthode de recrutement qui se développe de plus en plus dans les entreprises. Il faut dire que ses avantages sont nombreux.

C’est la 32e fois que vous postez une offre d’emploi sur LinkedIn, vous croulez sous les CV, mais vous n’arrivez toujours pas à trouver LE candidat qui correspond au poste à pourvoir. Et si vous envisagiez la cooptation ? On l’oublie trop souvent, mais les salariés qui sont déjà en poste dans l’entreprise peuvent être un levier de sourcing inespéré. Rencontre avec Martin Ravier, Leader Recrutement chez Feu Vert France.

En quoi consiste la cooptation ?

Il existe mille et une façons de diffuser une annonce de recrutement. Si les jobboards et les sites carrières n’ont plus besoin de se tailler une réputation, la cooptation fait moins parler d’elle. À tort ? Cette méthode de recrutement consiste à faire appel au réseau personnel ou professionnel des collaborateurs de l’entreprise pour combler un poste : « Le candidat est introduit dans le processus de recrutement par le biais d’une recommandation d’un collaborateur plutôt que par des canaux de recrutement traditionnels. C’est une méthode de recrutement basée sur la confiance et la connaissance préalable du candidat. Les talents cooptés suivent le même processus de sélection que les autres candidats, mais ils peuvent bénéficier d’un niveau de confiance plus élevé au départ. Cependant, il est essentiel de maintenir un équilibre pour éviter toute partialité et s’assurer que les candidats cooptés sont évalués objectivement », explique Martin Ravier.

La cooptation a le vent en poupe. En 2023, un sondage réalisé par IntoTheMinds auprès de 500 recruteurs a révélé que 76 % des programmes de recrutement par cooptation ont moins de 5 ans. Le Covid serait-il passé par là ? En effet, le rebond économique post-pandémie a accéléré les difficultés de recrutement au sein des entreprises : alors que la France comptait 356 300 emplois vacants au 3e trimestre 2023, la cooptation apparaît comme un moyen de faire jouer le réseau de ses collaborateurs pour attirer des talents qui ne sont pas forcément disponibles sur le marché de l’emploi. C’est ce qui a poussé de nombreuses organisations à se tourner vers ce canal de recrutement : « Ce n’est pas un secret, le marché de l’emploi est en tension. Feu Vert, comme l’ensemble des entreprises, est confronté à des difficultés pour pourvoir certains postes clés. Pour nos 360 centres autos, Feu Vert recherche quotidiennement de nouveaux collaborateurs, principalement des mécaniciens et des conseillers de vente expérimentés. Cette tension entraîne un allongement des délais de recrutement et une pression accrue sur les équipes existantes. Dans ce contexte, la Direction des Ressources Humaines de Feu Vert a souhaité adopter des approches novatrices pour attirer et retenir nos expert(e)s, et la cooptation en est une », affirme Martin Ravier, à la tête du recrutement chez Feu Vert France depuis 2021.

Cooptation : qu’avez-vous à y gagner ?

La cooptation n’est pas une simple alternative aux canaux de recrutement traditionnels. C’est un outil redoutablement efficace pour attirer des talents qualifiés, et ses avantages dépassent même le simple cadre du recrutement : « Les collaborateurs ont tendance à recommander des personnes compétentes et adaptées à la culture de l’entreprise, ce qui peut conduire à des candidatures de haute qualité. De plus, impliquer ses collaborateurs dans le processus de recrutement renforce le sentiment d’appartenance à l’entreprise. En encourageant la participation active de l’ensemble des collaborateurs, l’entreprise crée une culture de collaboration et d’implication », selon Martin Ravier. La cooptation aurait donc un double effet : elle apporte des candidats naturellement plus qualifiés (car plus adaptés à la culture de l’entreprise), tout en renforçant le sentiment d’appartenance chez les collaborateurs déjà en place. En outre, l’intégration des nouvelles recrues est plus rapide, puisqu’elles connaissent déjà des personnes au sein de l’entreprise.

La qualité du recrutement en cooptation a aussi des effets positifs sur le turn-over. Dans le livre blanc The Social Referral, Bill Boorman indique que le taux de rétention après 2 ans pour les recrutements par cooptation était de 45 %, contre 20 % pour les recrutements via un jobboard. Cela s’explique une nouvelle fois par le principe même de la cooptation, qui incite les salariés déjà en place à chercher des profils pour le poste à pourvoir. La sélection des candidats par des collaborateurs internes agit comme un filtre naturel : les CV des cooptés cadrent non seulement avec les nécessités du poste (puisque le coopteur s’en est assuré), mais les candidats partagent également les valeurs et la culture de l’entreprise (car le coopteur a joué le rôle d’ambassadeur en amont).
D’un point de vue RH, la cooptation permet aussi de faire des économies sur son budget recrutement, car elle est moins coûteuse que les autres méthodes de sourcing : « La cooptation contribue à réduire les coûts associés au recrutement, tels que les frais de diffusion sur les différents jobboards et les frais d’agences de recrutement externes. Ils peuvent économiser du temps et de l’énergie en se concentrant davantage sur des candidats potentiellement bien adaptés au poste », confirme Martin Ravier. On estime que le recrutement par cooptation permet de réaliser entre 30 et 35 % d’économies par rapport à un recrutement classique. Il faut néanmoins prendre en compte le montant de la prime de cooptation. C’est à vous de la définir, selon le poste à pourvoir et le profil recherché. Elle varie généralement de 50 à 2000 €.

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Comment mettre en place un programme de cooptation en 6 étapes

Vous croyez aux bienfaits de la cooptation mais vous ne savez pas comment vous y prendre ? Voici comment mettre en place un programme de parrainage au sein de votre entreprise, étape par étape.

Étape 1 : définissez les objectifs de votre programme de cooptation

Posez-vous la question : à quelle(s) problématique(s) RH répond ce programme de cooptation ? Cherchez-vous à combler des besoins en recrutement ? À réduire les coûts de recrutement ? À développer votre marque employeur ? Une fois que vous savez dans quelle direction vous voulez aller, fixez des objectifs quantitatifs et qualitatifs (nombre de cooptations, nombre de recrutements, réduction du turn-over, etc.) : « Nous suivons plusieurs indicateurs mais trois sont assez révélateurs : le nombre de connexions à la plateforme de cooptation et de mobilité interne, le nombre de cooptations et le nombre de recrutements », soutient Martin Ravier. Ces objectifs doivent être alignés sur la stratégie globale de l’entreprise et sur ses besoins en termes de compétences et de talents.

Étape 2 : impliquez la direction et les parties prenantes

Il est impératif d’obtenir le soutien de la direction et des responsables des ressources humaines, ainsi que d’impliquer les managers et les équipes opérationnelles dans la définition des besoins en recrutement. La collaboration entre toutes les parties prenantes assure une compréhension commune des objectifs et favorise une mise en œuvre harmonieuse du programme de cooptation.

Étape 3 : définissez les règles de votre politique de cooptation

Une politique de cooptation claire et bien définie est la pierre angulaire d’un programme réussi. Il est important de rédiger une politique détaillée, précisant les critères d’éligibilité des coopteurs, les récompenses associées au succès du recrutement, les délais à respecter, et les procédures à suivre. Cette politique doit être transparente et accessible à tous les employés pour garantir une participation équitable.

Étape 4 : mettez en place un système de suivi des cooptations

Le choix ou le développement d’une plateforme de suivi des cooptations est essentiel pour enregistrer de manière efficace les recommandations des employés. Il est nécessaire de définir un processus clair de validation des candidatures cooptées afin d’assurer l’intégrité du programme et d’éviter toute confusion. Cette plateforme doit être conviviale et favoriser une participation active des employés : « La cooptation en elle-même existait depuis plusieurs années chez Feu Vert mais la place d’un cadre tel que Job&Coopt (la plateforme de cooptation de Feu Vert, NDLR) a permis de la dynamiser et de l’encourager à l’échelle nationale. Depuis 2019, nous recevons chaque année de plus en plus de cooptations au fur et à mesure que nos collaborateurs s’approprient le dispositif. C’est une plateforme conviviale où nos équipes peuvent soumettre facilement des recommandations, suivre le statut de leurs candidats, et recevoir des mises à jour sur le processus de recrutement. Nous partageons également l’actualité de l’entreprise et les réussites des collaborateurs qui ont recommandé avec succès des candidats », témoigne Martin Ravier.

Étape 5 : communiquez de manière efficace

Une communication efficace est essentielle pour promouvoir la participation au programme de cooptation. Utilisez divers canaux de communication, tels que l’intranet, les réunions et les emails, pour informer régulièrement les employés sur le programme. Partagez des mises à jour fréquentes sur les succès du dispositif, les récompenses distribuées et les opportunités de recrutement : « La communication joue un rôle primordial dans la mise en place d’un programme de cooptation au sein d’une entreprise. Ce processus de recrutement basé sur les recommandations des collaborateurs nécessite un dialogue transparent et efficace à plusieurs niveaux pour garantir le succès et l’acceptation de l’initiative. Cette communication doit aussi être proactive pour stimuler l’engagement et l’enthousiasme des collaborateurs. Par la suite, partager des informations sur les progrès du programme de cooptation et les résultats obtenus permet de maintenir l’intérêt des collaborateurs. Cela renforce également la crédibilité du programme en montrant les réussites et en reconnaissant les contributions des employés », préconise Martin Ravier.

Étape 6 : assurez un suivi régulier et ajustez le programme

La mise en place d’indicateurs de performance (KPIs) est essentielle pour évaluer l’efficacité du programme de cooptation. Analysez régulièrement les résultats obtenus, recueillez les retours d’expérience des participants, et ajustez votre programme de cooptation en conséquence. Cette évaluation continue permet d’optimiser le programme et de le rendre plus efficace au fil du temps.

Cooptation : quelles limites et quels risques ?

Personne n’est parfait (sauf l’équipe de rédaction de Welcome to the Jungle, cela va de soi !), et la cooptation n’est donc pas un système infaillible. Sans une vigilance appropriée, cette méthode de recrutement peut même avoir des effets délétères pour l’entreprise.

Le risque principal d’une cooptation dérégulée, c’est le manque de diversité : « Les collaborateurs peuvent avoir tendance à recommander des personnes qui leur ressemblent en termes d’expérience, d’éducation et de culture, ce qui peut entraîner un manque de représentation de la diversité », avertit Martin Ravier. La cooptation peut aussi engendrer la formation de clans au sein de l’entreprise avec, comme conséquence, une exclusion involontaire d’autres talents potentiels.

Enfin, si la cooptation est la principale méthode de recrutement, il existe un risque de négliger des talents externes qui ne sont pas connus par des collaborateurs actuels et donc de se fermer aux idées nouvelles et à des perspectives extérieures. Pour autant, chez Feu Vert, pas question de limiter la cooptation : « Nous ne souhaitons pas prendre cette décision. Nous voulons encourager nos collaborateurs à être des ambassadeurs et exploiter leurs réseaux pour que nous puissions bénéficier pleinement de la diversité des compétences et des expériences de leurs connaissances. De plus, imposer des limitations peut diminuer l’engagement des collaborateurs dans le programme de cooptation », explique Martin Ravier.

La cooptation n’est donc pas une méthode miracle, et doit être implantée en accompagnement d’autres formes de recrutement plus traditionnelles. Elle n’en reste pas moins un outil RH puissant, aux multiples avantages. À vous de faire bon usage de la Force, jeune Padawan !


Article édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ

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